Cinéma Dada et surréaliste

Rétrospective proposée par Grains de Lumière 

Dada est né en février 1916 à Zürich. La paternité du nom « Dada » – « choisi justement parce qu’il ne veut rien dire »- a été revendiquée par Tristan Tzara, confirmée par Jean Arp. D’autres, comme  Walter Serner, Hugo Ball et Richard Hülsenbeck la lui contestèrent. Le groupe, en tout état de cause, était né présentant ses spectacles au cabaret Voltaire, créé et animé par Hugo Ball. Soirées provocatrices, soirées d’expérimentation de nouvelles formes de poésie, de musique, création de costumes et de masques, expositions de toiles abstraites.

Le succès est foudroyant et entouré d’un parfum de scandale. L’un des buts recherchés par Dada était atteint : le bourgeois zurichois  se trouvait en état de choc face à cette culture en germe et les jeunes artistes puisaient une nouvelle raison de vivre malgré les boucheries guerrières que tous condamnaient violemment.

Après Zürich Dada va essaimer en Allemagne, en Hollande, en Belgique, en France essentiellement. Tzara rejoint Paris et fait école : Breton, Aragon, Péret, Soupault, Eluard,  Desnos, Man Ray, Duchamp, Picabia rejoignent le mouvement. Mais bientôt des dissensions fissurent le groupe : discordes politiques, désaccords théoriques, les tenants de l’ordre et de la méthode s’opposant au goût du désordre revendiqué par Tzara ou Picabia.

La rupture se concrétise lors de la soirée du Coeur à Gaz en juillet 1923, où Breton et Péret sautent sur la scène où se jouait la pièce de Tzara « Le Coeur à Barbe » , Breton allant jusqu’à gifler Crevel et casser le bras de Massot à coup de canne.

Un an plus tard le groupe surréaliste émerge autour de Breton et de la publication du premier manifeste.

Paradoxalement Dada se tourne vers le cinéma au moment de disparaître (et les surréalistes attendront quelques années avant de s’y intéresser).

Man Ray présente le « Retour à la Raison » lors de la soirée du Coeur à Barbe. « Emak Bakia » date de 1927 et a encore une facture dadaïste. « L’Etoile de Mer » de 1928 et « Les Mystères du Château du Dé » de 1929 sont des films de transition vers le surréalisme. Hans Richter commence les siens en 1921, Clair et Picabia tournent « Entr’acte » en 1924 et Duchamp « Anémic Cinéma » en 1926. Dans tous dominent les jeux formels, la dérision, la recherche du hasard, du non sens mais aussi la recherche des éprouvés  : Duchamp hypnotise avec ses rotoreliefs qui creusent  l’écran, Clair et Picabia précipitent le spectateur dans une course folle du haut d’un grand huit, Man Ray fait de même de l’intérieur d’une voiture lancée à vive allure…

Les surréalistes s’essaieront eux aussi aux recherches formelles mais tendues vers un but ultime : l’émergence de l’inconscient et sa mise en images et en scène à travers un processus privilégié, le rêve. Le film de Germaine Dulac et Antonin Artaud « La Coquille et le Clergyman » en est un prototype. Maya Deren prolongera la filiation aux Etats-Unis dans les années 40 et Sidney Peterson dans les années 50.

Si Dada avait à voir avec le rêve, c’est du côté des processus primaires (déplacement, condensation) qu’il faudrait chercher. Les surréalistes, quant à eux, sont du côté de l’élaboration secondaire des contenus. C’est donc très logiquement que Dada avait rompu avec la narration et le revendiquait (in Man Ray « Autoportrait ») et que les surréalistes allaient  retrouver, sinon une narration structurée, du moins une trame narrative au fil de leurs oeuvres.

Si tous deux sont à la recherche d’une liberté créatrice totale, les chemins pour y parvenir vont se révéler profondément divergents.

Mireille Laplace

Videodrome 2
Du 2 octobre au 7 octobre 2018
5 € (adhésion annuelle : 3 €). Pass 6 séances : 20 € (adhésion annuelle : 3 €)
Rens. 04 91 42 75 41
https://grainsdelumiere.wordpress.com
49 cours Julien
13006 Marseille
04 91 42 75 41

Article paru le vendredi 21 septembre 2018 dans Ventilo n° 414

Rétrospective « Cinéma Dada et Surréaliste »

À cheval sur l’image

 

Pour cette rentrée sur les chapeaux de roues, l’équipe de Videodrome 2 accueille dans la salle du Cours Julien la programmatrice Mireille Laplace, de Grains de Lumière, pour une magnifique rétrospective du mouvement Dada, à travers une programmation de haut vol au cœur des mouvements avant-gardistes du vingtième siècle.

Une poignée de cinéphiles hors norme ont secoué notre rapport au cinéma au sein de la cité phocéenne depuis des décennies. Défricheurs et passeurs d’exception, ils ont permis, par la myriade de séances qui ont enchanté la ville, et parfois dans une vague indifférence, d’hisser Marseille au premier plan des villes hexagonales où se projetait un autre cinéma, celui-là même qui fit son histoire intrinsèque. Nous pourrions vous dérouler dans ces colonnes un inventaire à la Prévert — et cela nécessiterait en lui-même un vaste article — de ces passionnés habités par le défilement des vingt-quatre images par seconde qui nous font pénétrer, spectateurs, dans une historiographie unique. Nous nous attarderons sur l’exemple de Mireille Laplace qui, depuis de longues années, explore le vaste champ expérimental de l’image en mouvement, ayant permis ainsi d’aiguiser et élargir les regards de toute une génération de cinéphiles, et dont les programmations, construites en partenariat avec d’éminentes structures (du FRAC au Centre Georges Pompidou, en passant par la Fondation Pathé ou Light Cone) sont un exemple de rigueur cinématographique et d’intelligence de l’image. Dont acte avec un nouveau cycle proposé au Videodrome 2, consacré au cinéma Dada et surréaliste. Ce mouvement d’avant-garde majeur du vingtième siècle, né en réaction à la guerre de 14-18, a réuni en son sein les plus grands noms de la création artistique protéiforme, de Man Ray à Marcel Duchamp, en passant par André Breton, René Clair, Hans Richter ou Germaine Dulac. La programmation des seize films présentés est un exercice de haute voltige qu’aucun amoureux du cinéma ne peut négliger ! Aux côtés des chefs-d’œuvre reconnus — L’Âge d’or et Un chien andalou de Luis Buñuel, Le Sang d’un poète de Jean Cocteau, Entr’acte de René Clair ou L’Étoile de mer de Man Ray —, quelques perles rares de Maya Deren, Hans Richter, Marcel Duchamp ou Sidney Peterson hisseront cette programmation dans un hic et nunc artistique dont le spectateur deviendra l’un des éléments des films.  

Emmanuel Vigne

 

Rétrospective « Cinéma Dada et Surréaliste »: du 2 au 7/10 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e).

Rens. : 04 91 42 75 41 / https://grainsdelumiere.wordpress.com