De la table au tableau

75 œuvres des XIXe et XXe siècles de la collection de la Fondation Regards de Provence et de prêts muséaux, dans le cadre de Marseille Provence Gastronomie 2019

L’exposition réunit des œuvres des XIXe et XXe siècles incarnant l’Art de Vivre en Provence, à travers son patrimoine gastronomique, ses traditions et son art de recevoir. Les coutumes provençales, les marchés, les fermes, les métiers de la pêche, la nourriture du bord de mer, la tradition du vrai repas, la cuisine, l’art de la table, sont transcrits dans les évocations de ces artistes provençaux ou ayant séjourné dans le Sud.

Ces artistes portent une attention particulière sur l’art de la représentation d’éléments symboliques inanimés / immobiles : tels que les objets rustiques du quotidien ou plus exotiques, de la nourriture, des fruits, des aliments sucrés, salés, des poissons et viandes. L'univers de « la table au tableau » englobe, entre autres, la thématique des « vies silencieuses » à travers les époques et les changements de styles, révélant des compositions classiques, romantiques et modernes.

Cette exposition prend son appui sur deux mots : table et tableau. Pour de nombreux artistes, la table est un sujet de questionnement et de représentation aux problématiques différentes. Toutes les tables ont été représentées dans la peinture, qu’elle soit le sujet principal ou un élément de décor ou de support. Les tables de banquets et de festins au Moyen Âge, la table ronde du Roi Arthur, la table de jeu chez de La Tour, Cézanne, les tables de salon, de salle à manger ou de cuisine chez Bonnard, Vuillard, tables de réunion, chez Fantin Latour, de café, chez Picasso et Degas, de restaurant, chez Renoir et Hopper, de terrasse, de jardin, chez Bonnard ou Monet…
C’est certainement dans les natures mortes que la table est particulièrement présente, comme support, mais aussi comme sujet signifiant.

Les compositions sur table associant vaisselle, objets, fruits et légumes, sont des éléments décoratifs, affectifs, utilitaires ou pratiques qui nous entourent et nous sollicitent visuellement : comme le dit Lamartine « un seul objet vous manque, et tout est dépeuplé ».

Au-delà de la nature morte classique, certaines réalisations artistiques expriment et décrivent ce qui participe de la nourriture et représentent les repas à table qui renvoient à des moments de convivialité et de fêtes à travers de multiples scènes de genre. Entre les XIXe et XXe siècles, les artistes mettent en scène la représentation des intérieurs de cuisines, des celliers, des tables dressées, avec les aliments et tous les ustensiles et récipients spécifiques à la préparation ou à la consommation de mets.

Leur témoignage sur l’activité des poissonnières, des marchands d'oursins et de poissons, des marchés en plein air de fruits et légumes, met en évidence une production régionale riche, variée et colorée, qui illustre les traditions locales et souligne une forte identité régionale. Une manière de glorifier sa région et les us et coutumes.

Grâce à l'arrivée de nouveaux produits à Marseille - Portes de l'Orient - qui ont métamorphosé les tables provençales, comme la tomate et la pomme de terre originaires d'Amérique du Sud, l'orange venue de Chine ou la banane d’Inde, les marchés si pittoresques en Provence prirent d'autres couleurs, d'autres odeurs, réveillant l'inspiration de nouvelles recettes culinaires.

Certaines natures mortes, comme celles de Jean-Baptiste Olive ou Ludovic Alussi, faisant écho aux natures mortes hollandaises, représentent des tables opulentes et variées : aux compositions rigoureuses, sophistiquées pour mieux courtiser le regard ! On observe un accent décoratif, mêlé au goût pour les effets de virtuosité, ce qui explique la vogue du trompe-l'oeil : la peinture comme volupté. Tout est une question d'assemblage de contenants et de contenus. Les assiettes, plats, verres, vases, compotiers, coupes plus ou moins sophistiquées, forment un ensemble d'objets mis à la disposition d'un contenu qui va du bouquet de fleurs aux fruits et légumes.

Ces chefs d'oeuvres sont des prouesses de réalisation dans la précision des reflets, les transparences du cristal, le velouté de la peau d'une pêche, une fraise qui paraît tellement réaliste rendant admiratif le spectateur. La restitution quasi parfaite, voire en trompe-l’oeil, du réel provoque un sentiment de plaisir chez le spectateur qui se trouve devant l’œuvre mais également face à la table dressée devant lui, invité à ce repas qui, ni ne commence ni ne finit.

Pourquoi les victuailles (fruits, légumes, poissons, gibiers), sont-elles autant représentées ? Ils ont une signification proche de celle d'une fleur flétrie, une bougie fumante, le sablier, tous de symboles associés à la notion de disparition, celle de l'homme en particulier. Le dicton « Carpe Diem », qui signifie « Cueille je jour présent sans te soucier du lendemain », cher à Horace, et cette autre expression « Memento Mori » « Souviens-toi que tu mourras » sont deux préceptes de l'antiquité classique qui mettent en exergue la précarité de la condition humaine et qui nous invitent à vivre pleinement la jouissance du moment.

Au fil des siècles, les styles changent, comme dans les oeuvres de Pierre Ambrogiani, Louis Valtat, Louis-Mathieu Verdilhan ou Auguste Chabaud, aux compositions modernes, colorées et synthétisées, spontanées. Les fruits et légumes sont devenus le sujet, le motif unique du tableau, ils sont présentés frontalement, en faisant l’économie du décor. On Simplifie, on épure, on suggère et parfois on cerne de noir ou de bleu foncé les motifs en détachant, délimitant chaque objet comme dessiné donnant davantage de force aux formes colorées !

D'autres artistes présentés tels Aurrens, André, Allegre, Baboulène, Crémieux, Canepa, Ducros, Dufy, Friesz, Grivolas, Manguin, Montenard, Maire, Olive, Pomerat, Seyssaud, Tobiasse, Verdilhan, Valls, Ziem, Guin, Mathigot, Alberola, Fort, Lamsfuss….constituent le récit pictural de cet Art de Vivre en Provence. Afin d’apporter une note humoristique et décalée à l’ensemble de l’exposition, trois dessinateurs caricaturistes sont mis en lumière : Honoré Daumier, dessinateur satirique - Albert Dubout, virtuose inégalable dans le maniement des foules - et Roger Blachon, grand dessinateur et illustrateur doté d’un humour contemplatif décalé, cynique… Chacun donne à voir sa version singulière d’un réveillon, d’un banquet érotique ou de l’art de déguster le vin...


Musée Regards de Provence
Mar-dim 10h-18h
2/6,50 € (gratuit pour les moins de 12 ans)
www.museeregardsdeprovence.com
Boulevard du Littoral
Allée Regards de Provence
13002 Marseille
04 96 17 40 40