Traversée des apparences

Première exposition de magie nouvelle : ode festive et poétique à la magie dans ses diverses formes. Commissariat : Raphaël Navarro (Cie 14:20). Dès 3 ans

Depuis la naissance en 2002 du mouvement artistique, la Magie nouvelle et les artistes qui s'y reconnaissent, portent l'idée de produire à la fois des formes de spectacle vivant et des œuvres d'art plastique. De nombreux auteurs magiciens se sont spécialisés dans des œuvres de magie et d'illusions pour les musées et galeries.

Dans le cadre de cette carte blanche pour la BIAC, Biennale Internationale des Arts du Cique 2019, Raphaël Navarro, magicien et commissaire de l'exposition, présente dans ce lieu de contribution collective qu'est la Friche Belle de Mai, au-delà d'œuvres de son répertoire, toute la diversité et la vivacité de cette création plasticienne.

Son travail de commissaire consiste ici à réunir et présenter, pour la première fois, onze des artistes* les plus marquants ou prometteurs du renouveau de la magie actuelle, avec une sélection de seize œuvres magiques pour une Traversée des apparences mystérieuse, poétique et festive.

*Gérard Bakner, Philippe Beau, Louis Debailleul, Clément Debailleul et Raphaël Navarro - Cie 14:20, Violaine Fimbel - Cie Yokaï, Nicolas Jargic, Rémi Lasvénes - Cie Sans gravité, Etienne Saglio - Cie Monstre(s), Francis Tabary, Antoine Terrieux et Camille Vacher - Cie Blizzard Concept

Une expérience visuelle, où résonnance et silence répondent au burlesque et à l'absurde pour qu'il ne reste plus que l'expérience interactive ou immersive de la Magie elle même.

L'exposition propose un voyage, une ode festive et poétique à la magie dans ses diverses formes. Elle invite à contempler les invisibles, et à croire, le temps de cette traversée, aux mondes sensibles et aux crédibles merveilleux.

 


Tour-Panorama / Friche La Belle de Mai
Mer-ven 14h-19h + sam-dim 13h-19h
3/5 €
http://www.biennale-cirque.com
41 rue Jobin
Friche La Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le mercredi 23 janvier 2019 dans Ventilo n° 421

Traversée des apparences à la Friche la Belle du Mai

Au-delà de l’irréel

 

Première exposition de Magie nouvelle à la Friche, dans le cadre de la Biennale Internationale des Arts du Cirque, Traversée des apparences envoûte les spectateurs dans une déambulation illusionniste et surnaturelle.

  Ici, pas de chapeau, pas de baguette, le magicien a même disparu pour laisser place à des œuvres, toutes plus fantastiques les unes que les autres. Dans cette exposition curatée par Raphaël Navarro, fondateur du mouvement de la Magie nouvelle, un courant artistique et magique créé en 2002, on découvre des peintures qui changent de couleur, des plantes qui dansent, et même des fantômes qui virevoltent au-dessus de nos têtes ! Ce magicien-commissaire a rassemblé les œuvres d’une douzaine d’artistes et vous jette un sortilège pour un vrai parcours à travers des moments mystérieux, fascinants, et tout aussi inexplicables. Il est vrai qu’on a souvent l’habitude d’associer le charme des illusionnistes à un spectacle vivant, à une scène, à une distance qui permettrait à la magie d’opérer. Ici, le spectateur est seul acteur de ce qu’il voit. Son corps est presque en lévitation entre les installations, peintures, sculptures ou même des objets volants non identifiés. Personne pour actionner les rouages d’un tour, pas de baguette ou de formule, la Magie nouvelle agit seule, sans abracadabras. On dit souvent qu’un magicien ne révèle jamais ses tours. C’est le contraire ici, certains dispositifs magiques dévoilent leurs mécanismes, ou nous jouent des tours. L’artiste Nicolas Jargic joue des codes des spectacles de prestidigitation : il propose une porte qui parait donner sur un couloir sans fin alors qu’elle ne débouche nulle part (Sortie), ou un caisson où semble enfermé un lapin qui aurait été happé par le chapeau (Lapin Noir). Les sculptures impossibles de Francis Tabary deviennent des jeux d’optiques et de point de vue dont les secrets apparaissent après une observation minutieuse ou lorsqu’on les regarde dans un miroir. Dans cette exposition, il y a aussi des moments qui relèvent de l’enchantement pur. Louis Debailleul invite le spectateur à la lente contemplation d’une peinture qui change de couleurs à mesure qu’on la regarde : est-ce notre regard qui la voit différente ou évolue-t-elle vraiment sous nos yeux ? Sans parler de Neptunia, la vraie plante de la compagnie Blizzard Concept qui danse sous nos yeux et dont les mouvements chorégraphiques restent impossibles à concevoir sans l’opération d’une divinité. La magie passe aussi par le récit, et souvent prend sa source dans des histoires vraies, comme celle de cette fabuleuse Denise, grand-mère de Rémi Lasvènes de la compagnie Sans Gravité. L’artiste raconte qu’elle s’enfermait dans son boudoir, prétextant après chaque repas aller y faire son tricot, mais que jamais personne n’a vu aucun tricot sortir de cette pièce. Quelle surprise à son décès de découvrir que la grand-mère n’était autre qu’une intermédiaire entre deux magiciens scientifiques de son époque et que son boudoir (aujourd’hui reproduit dans l’exposition) était plein d’expériences autour de la lévité (le contraire de la gravité). On pénètre dans une pièce plongée dans l’obscurité, où des objets sont en lévitation, des balles jonglent dans une cheminée, une chaise parait ne tenir que sur un pied. Sacré secret de famille ! L’ébahissement continue dans la Tour Panorama plongée dans l’obscurité où le fantôme d’Étienne Saglio virevolte au-dessus de nos têtes avec légèreté et hante nos pensées plusieurs jours durant. Notre corps même devient fantasmatique dans l’installation de Clément Debailleul et Raphaël Navarro : alors que l’on nous invite à danser face à un miroir sans tain, ce sont d’autres mouvements que l’on voit projetés… Notre empreinte corporelle est comme capturée par ce dispositif qu’il reproduit alors que l’on ne sera plus là. On n’en croit pas ses yeux ! Et une question résonne quand on sort de l’exposition : mais comment tout cela est-il possible ? On ne saura rien des rouages de ces tours… Il faut laisser la magie faire effet… Et quel effet !  

Mathilde Ayoub

Traversée des apparences : jusqu’au 24/02 à la Friche la Belle du Mai (41 rue Jobin, 3e). Rens : www.lafriche.org/fr/agenda/traversee-des-apparences-1451 /