Il y a 50 ans (1968), près de 10 millions de personnes se sont mises en grève sur l’ensemble du territoire français. Ces femmes et ces hommes ne souhaitaient pas seulement de meilleurs salaires ou de nouveaux droits syndicaux. Ils voulaient vivre autrement. Ils ne voulaient plus que le travail abîme les corps et vole leur temps. Ils voulaient être traité dignement.
Nous proposons, après avoir regardé quelques vidéo d’artistes, d’imaginer ensemble ce que pourrait être un travail épanouissant, respectueux des capacités et des désirs de chacun… Bref, d’imaginer un futur, sachant que les utopies d’hier finissent toujours par être les réalités de demain. Ainsi, nous pourrions tous avoir un seul travail que nous appellerions le « métier de vivre ».
La limite élastique (14’ – 2017) / Pasty (France)
Dans cette œuvre, l’artiste s’inspire de son père ouvrier, qui lui sert alors d’interprète et de modèle de la figure ouvrière dans une période de l’entre-deux industriel, entre la banalisation de la robotisation et le maintien du travail à la chaîne. Quelle sera la place des corps humains dans l’industrie de demain ? Le corps soumis à un travail répétitif peut lui aussi, tout comme un matériau, atteindre sa limite, casser et ne pas retrouver sa forme initiale.
Ce projet est une mise en relation des notions d’optimisation, de rendement, de fatigue et de devenir du corps, gardant une position hybride entre la fascination de la technique et la sensibilité pour la cause ouvrière. Des dialogues partagés se confrontent : celui d’un directeur technique, d’un commercial d’une entreprise de robotique, et d’un concepteur d’exosquelettes de robots. S’ajoute à cela des images prises dans une école d’orthopédie. L’artiste ayant lui-même porté un corset pendant des années, comprend alors la contrainte physique que peuvent ressentir les ouvriers équipés d’exosquelettes : à la fois une certaine résignation, mais aussi un sentiment de vulnérabilité du corps face à la cadence des gestes répétitifs.
Night Clerk (1’35 – 2017) / Damon Mohl (USA)
Une chanson pour un concierge de nuit.
L´Usine (3’44 – 2017) / Isabel Pérez del Pulgar (Espagne – France)
La variation des horaires et des quarts de travail en semaines alternées entraîne une modification de la perception du temps, des horaires de repas et du sommeil. L’éclairage électrique permanent dans les espaces de travail est également une source de confusion en ce qui concerne les horaires et la lumière du soleil. Le bruit constant tout au long de la journée, le manque de communication, les mouvements répétitifs, le rythme des tapis roulants, le petit espace de mobilité, les postures forcées, les exigences de vitesse dans l’exécution de la tâche, les blessures aux mains suite à la pression et à la manipulation des couteaux…. tout cela provoque un état de stress et d’anxiété forte.
Réussir à enchaîner les jours, dans une sorte de ligne continue divisée par des fins de semaine invisibles, n’est possible que par le biais d’une sorte de détachement du “Moi” au sein d’un abîme intemporel, dans lequel se crée une danse, une chorégraphie de femmes automates. La vie devient une boucle aliénante.
Le rythme et l’exécution du film ont été conçus comme la projection d’un film, avec l’idée de créer la perception d’une boucle sans fin. Les changements lumineux et chromatiques différencient l’espace extérieur et l’espace intérieur de l’usine, ainsi que l’usage d’extraits tirés du cinéma muet. Pour la réalisation du projet, l’artiste a utilisé des images et des sons provenant du domaine public.
Le temps est hors de ses gonds (7’09 – 2018)/ Bernard Obadia (France)
Des corps, des gens, des “anonymes” comme on dit, et puis le monde aujourd’hui.
LE MONDE AUJOURD’HUI. Images accompagnées d’un poème de Jean-Pierre Ostende.
Pauline Puaux