Mimicry—Empathy

Expo collective sur les identités culturelles : œuvres de Caroline Achaintre, Armin Alian, Bless, Ulla Von Brandenburg, Susanne Bürner, Berta Fischer, Wiktor Gutt & Waldemar Raniszewski, Sofia Hultén, Annette Kelm, Vera Lehndorff & Holger Trülzsch, Jochen Lempert, Alexandra Leykauf, Sonya Schönberger, Anika Schwarzlose et Daniel Steegmann Mangrané. Commissariat : S. Bürner

Fræme (Marseille) est heureuse d’inviter l’artiste allemande basée à Berlin Susanne Bürner à présenter une grande exposition collective regroupant des œuvres aux formes diverses (photographie, vidéo, sculpture, installation, entre autres médiums). Nouvelle variation du projet « Mimicry – Empathy » initié en 2018 à la Fondation Lajevardi à Téhéran (Iran), l’exposition qui se tiendra à la Friche la Belle de mai à Marseille du 12 mars au 5 juin 2022, aborde et questionne les domaines émotionnellement fragiles du mimétisme comme stratégies de survie.

Du mimétisme à l’empathie : un équilibre entre adaptation visuelle et engagement émotionnel

En biologie le mimétisme (mimicry) est l’imitation principalement visuelle à une autre forme de vie, une stratégie qui peut s’avérer avantageuse et in fine assurer la survie.
Dans son essai « Mimétisme et psychasthénie légendaire », Roger Caillois suggère que, contrairement aux idées reçues, les animaux se fondent dans leur environnement non pas pour se protéger, mais plutôt par désir mythologique de dissolution dans le monde. C'est cet équilibre entre un objectif pragmatique de devenir autre et l'émancipation vis-à-vis de cet objectif qui est évoqué à travers les œuvres de l'exposition.  

Ce mécanisme ne relève pas exclusivement d’une pratique animale, mais se joue également au sein de divers phénomènes de nos sociétés humaines. Les œuvres de l’exposition Mimicry – Empathy mettent en perspective différentes stratégies d’adaptation et les formes de vie idéalisées qui en résultent.

L'évolution du mimétisme exige un certain degré d’empathie, élément essentiel à la compréhension du système que l’on veut intégrer. Aussi, le succès de l’assimilation visuelle dépend totalement du degré d’engagement dans la pensée et les stratégies de l’autre, voire de l’adversaire. Paradoxalement, c’est cette empathie qui brouille les frontières entre l'imitateur·rice et le modèle. Un processus de remise en question de l’être original est donc nécessairement à l’œuvre.

« L’ouverture à l’Autre, qui nous ressemble mais n’est pas soi, est une brèche dans un amour de l’illusion. En effet, le dévoilement de la méprise, du leurre auquel notre narcissisme nous fait prendre nous-même pour l’Autre, est le piège de l’écranité qui remplace l’artefact. Les photographies, peintures, installations et films de l’exposition Mimicry-Empathy sont autant de trébuchets qui provoquent une rencontre, l’ici et maintenant du glissement, du soulèvement d’un rideau, prêt à s’envoler avant une chute légère, ou une déchirure réelle. » Marie de Brugerolle, extrait du texte "PRELUDE : Devant le rideau....je me tiens” réalisé pour l’exposition.

La transformation comme essence du mimétisme

Le processus de mimétisme initie une transformation de l’imitateur·rice à travers l’échange avec et la relation à l’autre, dans le but de se conformer à une image particulière considérée comme avantageuse.

C'est dans les expériences de transformation de l'individu au sein du groupe et dans l'empathie mutuelle authentique que réside finalement le potentiel de changement de la société.

L’exposition Mimicry – Empathy s’intéresse davantage au processus même de transformation qu’à l'image visée et aborde ainsi la formation de l'identité par l'expérience multiple du mimétisme. Comme des adolescent·e·s jouent à tester leur identité au travers de différentes affiliations à un groupe, le·la visiteur·euse est invité·e à découvrir des variations du soi dans le miroir de l'exposition.

Alors que nous considérons les visages comme la clé de lecture d'une personne, cette recherche intime de soi trouve son allégorie dans le masque. Oscar Wilde affirmait : « L'homme est le moins bien loti lorsqu'il parle en sa propre personne. Donnez-lui un masque, et il vous dira la vérité ». Les masques nous permettent de devenir d'autres personnes et pourtant ils révèlent celui·celle qui les porte. Ils sont à la fois alias et originaux.

 

Avec les artistes : Caroline Achaintre, Armin Alian, BLESS, Ulla Von Brandenburg, Susanne Bürner, Berta Fischer, Wiktor Gutt & Waldemar Raniszewski, Sofia Hultén, Annette Kelm, Vera Lehndorff & Holger Trülzsch, Jochen Lempert, Alexandra Leykauf, Sonya Schönberger, Anika Schwarzlose et Daniel Steegmann Mangrané

 

Susanne Bürner est une artiste basée à Berlin. À travers un large spectre de sujets, elle explore les dimensions psychologiques des images, dirigeant l’attention des spectateurs sur les questions de présence et d’absence incluant sa projection personnelle. L’architecture joue un rôle essentiel dans son travail, comme tentative humaine de structuration de l’espace et de la société, et d’agencement méthodique de nos vies. Son travail a été exposé au Los Angeles Filmforum, CAPC Bordeaux, Hamburger Bahnhof Berlin, Hygiene Museum Dresden, Kunstraum Kreuzberg, South London Gallery, Fotomuseum Winterthur. Elle a organisé des expositions et des projections à la Galerie Giti Nourbakhsch Berlin, L40 Berlin, Videonale Bonn et Lajevardi Foundation Tehran.

 

Exposition en partenariat avec l’IFA (Institut für Auslandsbeziehungen) et le Gœthe Institut.

 

www.lafriche.org


Tour-Panorama / Friche La Belle de Mai
Jusqu'au 5/06 - Mer-ven 14h-19h + sam-dim 13h-19h
0/3/5 €
Rens. 09 50 71 13 54 / contact@p-a-c.fr
https://p-a-c.fr/le-festival
41 rue Jobin
Friche La Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le mercredi 11 mai 2022 dans Ventilo n° 464

Mimicry-Empathy à la Friche

Fondus d’art

Depuis le 12 mars, l’exposition Mimicry-Empathy a pris ses quartiers à la Friche La Belle de Mai. Un pêle-mêle de propositions surprenantes porté par Susanne Bürner, une artiste allemande mêlant les travaux de près d’une vingtaine d’artistes aux techniques diverses et variées. 

Commençons par le commencement. Qu’est-ce que le mimétisme (mimicry en anglais) ? Dans le dictionnaire, on lui trouve les synonymes suivants : imitation, adaptation, assimilation, caméléonisme (si, si !) ou encore ressemblance. La curatrice de l’exposition, Susanne Bürner, explore quant à elle l’univers du mimétisme expérimental. Montré pour la première fois en 2018 à la Fondation Lajevardi à Téhéran (Iran) sous la forme d’une exposition accompagnée de projections, d’ateliers et de conférences, le projet a été suivi en 2020 par un livre éponyme. Tel un caméléon lui aussi, il s’adapte à son environnement.  Pour mieux comprendre l’objectif de cette exposition, partons d’une autre facette du mot mimicry. En biologie, le terme implique l’adaptation à une forme de vie différente, une stratégie avantageuse dans certaines circonstances puisqu’elle vise à assurer la survie. Les œuvres présentes ici interrogent la relation entre une intention pragmatique de devenir autre et la faculté de s’en émanciper. « Parfois, on est aux confins du camouflage et de l’hypervisibilité », explique Thibault Vanco (membre de l’équipe de Fræme), en évoquant notamment l’œuvre de l’artiste allemand Jochen Lempert, photographe de faune et flore, dont les tirages gélatino-argentiques noir et blanc interrogent les relations entre le voir et l’être vu. Dans une de ses œuvres datant de 2018, toutes les créatures sont montrées de manière égale. Les images représentent une sélection d’espèces issues du monde végétal et animal à différents stades de formation, prises furtivement ou découvertes avec une radicale frontalité.  À l’image des autres travaux présents dans la salle, qui utilisent des méthodes et matières différentes, la photographie de Vera von Lehndorff est unique en son genre. Ex-mannequin allemande surnommée Veruschka, elle décide de se réapproprier son corps en l’utilisant comme instrument de son travail artistique pour « être capable de se fondre dans ce qu’elle trouvait beau. » Sa série de trois photographies intitulée Hörzig Grotto date de 1971 (lorsqu’elle était sommet de sa carrière et de sa célébrité en tant que modèle) et explore l’univers d’une grotte tout en body painting : l’artiste se fond dans les murs de pierre d’une caverne, entièrement recouverte de peinture grise.  Dans un tout autre genre, Grey Area (2001) de la Suédoise Sofia Hultén montre une femme vêtue d’un ensemble gris — en fait l’artiste elle-même — qui tente de se fondre et de se dissoudre dans les limites spatiales de son bureau. La neutralité de son costume gris rappelle les éléments de son environnement, suggérant l’espoir d’échapper aux restrictions de son lieu de travail. « En fait, elle n’y parvient pas vraiment ! », résume Thibault. Ses contours se distinguent toujours dans le mobilier. Saisissant ! Tout comme l’œuvre Tank, de l’artiste allemande Anika Schwarzlose, basée à Amsterdam. Un tank : on l’imagine volontiers comme un élément robuste et résistant à toute épreuve. Il nous est ici présenté comme un objet qui se gonfle et se dégonfle, le tout sur une banale moquette de couleur bleue. Anika Schwarzlose effectue ici un travail de recherche et de création en questionnant nos codes visuels pour enquêter sur les principes du camouflage et de ses formes, entre visibilité et invisibilité. Tank s’inscrit notamment dans cette quête : un plan fixe sur cet objet, conçu pour être transportable et facilement installable dans l’espace, ici décontextualisé et exhibé.  Vous l’aurez compris, les propositions s’avèrent extrêmement variées, de l’image fixe ou animée aux matières plus palpables, comme l’œuvre en laine Igor, de Caroline Achaintre ; ou encore les structures en PVC Garmion et Yraminion de Berta Fischer.  Susanne Bürner propose quant à elle sa propre série de photographies, Silk for V.B, A.P., B.D. and M.A. (2018), qui s’inspire du travail sur le drapé du psychiatre Gaëtan Gatian de Clérambault. Ces clichés montrent différentes mains se déplaçant entre les plis de la soie. Mais la soie n’en est que l’image, comme le révèlent les bords et les fentes découpés au couteau dans le papier imprimé : on navigue ici entre illusions et désillusions.   Il reste encore un petit mois pour découvrir cette exposition foisonnante où chacun pourra se sentir libre de piocher un morceau, retenir une image, enregistrer un propos. Pour plonger encore un peu plus au cœur de ces travaux, se tiendra une soirée de projection liée à la grande nocturne du Printemps de l’Art Contemporain le jeudi 26 mai, de 17h à 22h. En attendant, Fræme anticipe également une nouvelle édition d’Art-o-rama, le Salon international d’art contemporain au mois d’août.  

Charlotte Lazarewicz

 

Mimicry-Empathy : jusqu’au 5/06 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).

Rens. : www.lafriche.org / http://fraeme.art