Les beaux jours d'Enki Bilal

Entretien avec l'auteur de BD et artiste, animé par Tewfik Hakem (France Culture). Atelier en parallèle avec Renaud Perrin pour les 7-12 ans (4/6 €)

Bien plus qu’un auteur de bandes dessinées, Enki Bilal est un artiste visionnaire. À travers ses récits qui mêlent science-fiction, philosophie et poésie, cet enfant de toutes les guerres d’Europe nous transporte dans des univers post-apocalyptiques qui ne sont pas sans rappeler les failles du présent. En témoigne sa dernière série, Bug, dans laquelle il imagine un futur proche en plein désarroi face à la soudaine disparition du monde numérique, ce qui lui fait dire que « la science-fiction n’existe plus »…

Depuis ses premières collaborations avec le scénariste Pierre Christin, à la fin des années 1970, en passant par Partie de chasse ou la mythique Trilogie Nikopol, jusqu’à son grand retour récent avec Bug, Enki Bilal a conquis plusieurs générations. Artiste polymorphe, il est à la fois dessinateur, peintre, scénariste, mais également réalisateur de longs métrages et de clips. Il a travaillé pour l’opéra, le théâtre, le cinéma et la danse en réalisant costumes, décors ou affiches (notamment avec Alain Resnais et Angelin Preljocaj). Pour ses propres récits ou pour les autres, Enki Bilal dessine partout la beauté qui illumine les mondes obscurs. Humains ou hybrides, bourreaux ou victimes, on n’oublie jamais ses personnages.

Passé et futur, crayons et pinceaux, cauchemars d’enfant et rêves d’adulte… Enki Bilal nous raconte ses « beaux jours » sur la scène de la Criée. Lors de ce grand entretien, il dialoguera avec un chercheur spécialisé en biorobotique, Julien Serres, évoquera son lien avec le cinéma (il est cette année membre du jury du festival de Cannes), nous présentera ses livres de chevet… Sans oublier d’autres surprises que ce poète visionnaire a peut-être déjà dessinées dans ses albums, lui qui avait prévu la fin du bloc communiste, évoqué l’intégrisme religieux, ou encore l’avènement du transhumanisme bien avant qu’ils n’adviennent !

  • Bug, tome 1, Casterman, 2018.
  • Bug, tome 2, Casterman, 2019.
  • Ciels d’orage, conversations avec Christophe Ono-dit-Biot, Flammarion, 2011.

Atelier (13h45) - Les "Quincaillérismes" de Renaud Perrin (2h)
Un atelier pour réaliser des illustrations en volume, créer des décors et des personnages à partir de pochoirs en forme d’outils et de matériaux de construction.

TNM La Criée
Le jeudi 30 mai 2019 à 14h
Entrée libre. Réservation conseillée au 09 72 57 41 09 ou à contact@ohlesbeauxjours.fr
http://ohlesbeauxjours.fr/
30 quai de Rive Neuve
13007 Marseille
04 91 54 70 54

Article paru le mercredi 15 mai 2019 dans Ventilo n° 429

Oh les beaux jours !

Des livres et la parole

 

Festival littéraire porté par l’association Des livres comme des idées, Oh les beaux jours ! démarre fin mai sa croisière des mots à Marseille avec des escales musicales, théâtrales, dessinées, économiques et scientifiques. Une manière astucieuse d’attirer un public large.

  Avec le lancement du Plan de développement de la lecture publique en décembre 2015, le constat était fait, pour Marseille, d’un retard en termes de nombre de bibliothèques et d’un manque de coordination des actions autour du livre. L’association Des livres comme des idées, co-dirigée par la libraire Nadia Champesme et l’éditrice Fabienne Pavia, séduit alors les institutions locales avec « un projet ambitieux donnant un temps de visibilité fort à la littérature, pour la faire découvrir autrement, à travers un festival et un maillage territorial avec des actions sur le terrain toute l’année. » Mais comment attirer un public large vers le livre et la littérature sans injonction politique ou académique ? Et comment démontrer un intérêt et une richesse pour tous quel que soit son âge, son statut, ou son métier, tant il est vrai que « le terme de littérature peut faire peur » ? Des livres comme des idées fait le pari des frictions vers d’autres disciplines, artistiques ou pas. Car si les classiques séances de signature sont au rendez-vous, l’association nous amène astucieusement, par des chemins de traverse, à notre insu parfois, vers la littérature. Ce qui peut passer par un genre traversant les générations, comme la bande dessinée, mais surtout par des dialogues interdisciplinaires, à l’instar de cette rencontre entre le philosophe des sciences Baptiste Morizot et l’écrivain Vincent Message. La forme avec laquelle les genres se rencontrent se révèle également variée, entre ateliers, rencontres, lectures musicales, entretiens, conférences, spectacles, et lectures publiques. Derrière la surprise pointe donc la curiosité. Difficile de résumer un événement qui compte 96 invités pour 62 rencontres, lectures et ateliers, et qui ne s’arrête pas aux six jours du festival avec des actions culturelles menées toute l’année. Alors abandonnons tout effort de dissertation ou de commentaire composé pour oser la synthèse grâce aux clés fournies par les deux directrices du festival. En cela, l’élaboration de la programmation est un guide plus qu’utile. Sitôt l’édition précédente achevée, nos deux expertes définissent des envies et des évidences à partir de coups de cœur, d’une actualité inspirante et de conseils avisés de leurs réseaux. Peu à peu, le recul sur ces choix étoilés permet de tracer des constellations de thématiques. Les relais institutionnels de quartier et une équipe associative de près de quarante personnes se mettent alors en ordre de marche pour cet exercice astronomique. Un travail en amont conséquent, donc, d’autant que les invités sont associés à la forme de leur intervention, partant du constat d’un intérêt croissant des auteurs pour des évènements mixant les genres. En somme, une organisation innovante qui répond au moteur des écrivains : la créativité. Cette année, huit thématiques ont été ainsi créées. Tout d’abord, les mots seront incarnés par des figures emblématiques. Ici, nul besoin de veilleuse pour éclairer des auteurs contemporains avec les Beaux Jours d’Enki Bilal, Maryse Condé, Stefano Massini et Alice Zeniter. Ces artistes nous feront voyager entre leurs origines (serbe, guadeloupéenne, italienne…) et entre les genres artistiques. Parce que notre passé construit notre présent, qui l’éclaire ensuite sous un nouveau jour, la richesse du patrimoine littéraire n’est pas pour autant oubliée avec Louons maintenant les grands auteurs et, notamment, cette traduction inédite d’Edgar Allan Poe signée Christian Garcin et Thierry Gillybœuf, plus de 160 ans après celle de Baudelaire.   Outre ces passerelles entre auteurs d’hier et d’aujourd’hui, d’autres thématiques confirment le voyage comme un important fil conducteur de cette édition. C’est sa dimension temporelle qui sera surtout explorée avec Traversées et Je viens d’ici. Dans la première, les souvenirs familiaux réels de Léonor de Récondo alterneront avec ceux, plus fictionnels, de Véronique Ovaldé. Dans la seconde, nous serons ramenés à des passés ruraux (le Montana de Pete Fromm et le Cantal de Marie-Hélène Lafon) ou plus urbains (les villes d’exil de Mehdi Charef et Kamel Khélif). Dans cette programmation, le dialogue traverse aussi plusieurs des thématiques. L’échange s’instaurera entre artistes qui se respectent (Daniel Pennac et Silvia Avallone) et peuvent collaborer ensemble (Nicolas Mathieu avec le chanteur-compositeur Florent Marchet) avec Connivences, et entre disciplines Quand les sciences dialoguent avec la littérature. Ici, des ponts se tissent entre réel et fiction, tel ce dialogue entre l’anthropobiologie et la science-fiction avec, respectivement, Judith Nicogossian et Alain Damasio. Enfin, ces Beaux Jours nous rappellent que l’écriture et l’édition sont des actes d’engagement. Avec Continuons le combat, certains écrivent en se battant pour que le monde connaisse des tragédies humaines à portée de plume (Cécile Hennion), et d’autres pour l’amour avec plus (Lisa Ginzburg et Valérie Manteau) ou moins (Fabcaro) de sérieux, quand ce n’est pas pour dénoncer des dérives du progrès (Alain Damasio). La Belle jeunesse milite quant à elle pour que le flambeau de la littérature soit repris par des auteurs en devenir avec le résultat du concours littéraire au collège, et par de futurs éditeurs sous l’encadrement de Benoît Virot. Autant de propositions qui permettent d’affirmer que la littérature a décidément de beaux jours devant elle…  

Guillaume Arias

 
Oh les beaux jours ! : du 28/05 au 2/6 à Marseille.
Rens. : http://ohlesbeauxjours.fr/
Le programme complet du festival Oh les beaux jours ici