Quand on se retrouve entre nous, chacun reprend sa place
Il y a des créations qui se construisent dans le temps, sans préméditation. C’est le cas de « Quand on se retrouve entre nous chacun reprend sa place». J’ai eu l’occasion de rencontrer depuis 2016, à travers des ateliers, des jeunes gens venus de différents pays du monde, échouant à Marseille après un long périple pour avoir fuit leur pays d’origine souvent en guerre. Moi je suis là - française et eux viennent d’ailleurs, tous nouveaux dans ce pays qui n’est pas le leur. J’entrevois au fil du temps, se dessiner l’omniprésence des frontières ; Frontières matérielles, celles de nos pays, celles qui structurent nos espaces de vie ou de survie, et qui par là orientent très fortement nos déplacements. Mais aussi ces frontières impalpables encrées dans nos peurs, qui régissent le rapport entre nous.
On pourrait donc, en rester là…
Exposer ce constat et espérer révéler les tenants et aboutissements de ce constat, du moins certains d’entre eux.
Mais il manque quelque chose, comme le besoin de pouvoir entrevoir une faille, d’ouvrir une porte (pour être plus optimiste), car ce qui reste présent dans les entretiens avec ces jeunes gens que j’ai rencontrés, c’est cette énergie et cette joie de vivre, par le fait même d’être encore vivant. Peut être que cette faille se situe dans une possible transgression de ces frontières palpables ou impalpables. Je chercherai un chemin à travers le corps, qui se traduira dans un même temps par une certaine urgence, celle de vivre et de reconstruire, mais aussi en cherchant du coté de l’énergie. L’énergie de cette jeunesse, comme contre point à l’omniprésence des ces frontières.
Au plateau un groupe de 6 individualités accompagnées de 3 marionnettes, et de la complicité du public, évoluera entre ces frontières, dans un espace épuré qui ne cesse de se construire et de se déconstruire par de simples dessins-plans à la craies.
Le vendredi 24 septembre 2021 à 20h
6/13 €
www.allez-savoir.fr
30 quai de Rive Neuve
13007 Marseille
04 91 54 70 54
Article paru le mercredi 23 janvier 2019 dans Ventilo n° 421
Retour | Quand on se retrouve entre nous chacun reprend sa place par le Collectif KO.com présenté à KLAP
Un entre nous sans entre-soi
Quand on se retrouve entre nous chacun reprend sa place : le titre interpelle… Intrigués par celui-ci, et par le casting de la nouvelle création du Collectif K.O. com, dont nous sommes familiers à Marseille depuis dix ans, nous voici aussi interpelés…
Après avoir passé un long couloir sombre et dense, avec pour seul éclairage de petites lumières bleues, nous nous voyons accueillis par deux acteurs, qui nous demandent de dire nos noms à haute voix, nous assignant en fonction une place, parfois en salle, parfois sur la scène. L’accueil est extrêmement respectueux, mais décontenance, on doit bien l’avouer, rappelant de loin en loin quelque situation administrative faisant malheureusement l’actualité. Mais nous n’en resterons pas à ce rapprochement, cela serait paresse. Sur le plateau, la scénographie se révèle presque nue : seuls des traits marqués à la craie vont spatialiser le(s) plateau(x) de jeu et vont faire se succéder des architectures imaginées, un peu à la manière du Dogville de Lars Von Trier. Six interprètes, acteurs et/ou danseurs, sont au plateau. L’un d’eux ne voit pas. Nous si. Mais ce que l’on va voir, ce n’est pas qu’eux, c’est aussi l’un ou l’autre de nous. Tour à tour et tout au long de la pièce, on propose à certains de participer à un match de foot au ballon invisible (!), à d’autres de coopérer dans un jeu de lancer de marionnette-enfant (!!), de se joindre à une dégustation, de présider un repas, tandis qu’on pose des questions intimes à d’autres encore… Les situations varient et glissent, les joueurs aussi. On croit reconnaître et puis plus : on cherche, on se voit en train de prendre des indices et en train de chercher à comprendre, on tâtonne. Parce que les situations nous sont familières, parce que ce titre revient inlassablement dans notre tête sans qu’il soit jamais énoncé sur le plateau, on continue de chercher la clé de voûte de ce mystère qui se déroule sous nos yeux. Avec ces six interprètes aux énergies aussi différentes qu’heureusement réunies, Manon Avram signe ici une œuvre qui ne se contente plus d’être un spectacle, ni d’offrir une forme artistique à un postulat sur le monde énoncé a priori. La chorégraphe qu’elle est devenue nous emmène plus loin que dans nos réflexions, dans un questionnement qui se prolongera bien au-delà du temps de la représentation. La magie reste d’avoir su nous offrir avec tant de douceur et d’humilité une intelligence au monde aussi sensible qu’impertinente, nous troublant par la mise aux aguets ainsi provoquée sur notre quotidien.Joanna Selvides