Balabala

Pièce pour 5 danseuses par l'Ekosdance Company (55'). Direction artistique et chorégraphie : Eko Supriyanto

Dans la dernière création du chorégraphe javanais, cinq jeunes danseuses donnent voix à une communauté reculée de l’est de l’Indonésie et revisitent avec force, énergie et beauté une danse de combat masculine.
Figure clé de la danse contemporaine en Indonésie, le chorégraphe et danseur Eko Supriyanto crée une danse inspirée des arts martiaux indonésiens. Balabala est une pièce de combat, dépouillée à l’extrême, oscillant entre force et vulnérabilité ; le chorégraphe détourne, déconstruit, ralentit, étend et élargit cette danse guerrière du peuple Tobaru traditionnellement réservée aux hommes. Les mouvements lents et rythmés, la force des cinq jeunes femmes sculptent l’espace et prennent le pas sur les hiérarchies entre les sexes et les cultures, ouvrant sur tout un espace de liberté.

http://www.ekosdancecompany.com


Friche La Belle de Mai, Grand Plateau
Du 15 au 17 juin : ven, sam 20h - dim 18h30
5/24 €. Pass combiné Salt : 30 €
http://festivaldemarseille.com/
41 rue Jobin
Friche de la Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le mercredi 13 juin 2018 dans Ventilo n° 412

Festival de Marseille

Rêvons globish

 

Depuis trois ans, le Festival de Marseille explore de nouveaux horizons sous la direction de Jan Goossens, avec l’idée directrice de placer la pluralité des habitants de Marseille au centre des attentions.

  Dans le quotidien Libération du 20 mai 2018, Jan Goossens s’est exprimé sur la pertinence d’un pass culture, proposé par Françoise Nyssen, émettant l’idée que le moteur principal d’un retour du public vers le spectacle vivant n’est pas la gratuité, mais plutôt le regard critique que l’on doit porter sur une programmation parfois trop académique et très éloignée de ce que vivent les quartiers périurbains et les territoires d’outremer. Partant de ce constat, le débat devient explosif et mérite toute notre attention sur la question de qui va vers l’autre et où se trouve le point de rencontre. Jan Goossens prend le pari d’ouvrir sa programmation sur l’Afrique et l’Indonésie : une manière de sortir le public de ses repères et de casser les préjugés en allant voir par soi-même. De Eko Supriyanto à Serge Aimé Coulibaly, le corps traverse des origines et des cultures qui le façonnent et l’habillent. L’histoire entremêle l’idée d’une réalité crue et d’un conte, parce que l’on ne peut pas vérifier par soi-même, et la dissonance entre ici et là-bas construit un nouveau récit. Le débat sur la manière dont le théâtre doit être déclamé est un leurre, car seul le voyage renouvelle les formes et les réappropriations. Ce qui est lointain devient local, et la singularité d’un parcours devient le témoin d’une identité. Cependant, on constate que la politique du Festival de Marseille n’est guère éloignée de celle des CCN. L’artiste est un nomade implanté dans un réseau qui n’a pas de frontière, et Jan Goossens n’échappe pas à un système qui veut que chacun accueille ceux qu’il connaît dans une complicité devenant une amitié. D’Alain Platel à Boris Charmatz, de Jan Lauwers à Olivier Dubois, ce sont des noms que l’on connait bien et que l’on retournera voir avec plaisir, mais qui n’inscrivent pas un renouveau, loin de là. Il est finalement et peut-être beaucoup plus intéressant de cultiver cette rareté et cet appauvrissement des propositions à la manière du globish, car après tout, c’est un nouveau langage, source de fous rires et de malentendus qui apparait ; et l’on voit bien que du one man show à la tartuferie, tout redevient possible. Comment croire que dans un monde où l’on construit des buildings en verre au milieu du désert, la parole du Bédouin, équipé lui-même d’un téléphone par satellite, ait encore une portée politique ? L’autochtone rêve d’intégrer le réseau de la mondialisation pour exprimer sa parole à New York, à Tokyo, à Paris, quittant de lui-même sa vie d’acteur local pour participer pleinement à la mondialisation des sentiments.  

Karim Grandi-Baupain

 

Festival de Marseille : du 15/06 au 8/07 à Marseille.

Rens. : 04 91 99 00 20 / www.festivaldemarseille.com

Le programme complet du Festival de Marseille ici

 

/// Les immanquables du Festival ///

 

Balabala / Eko Supriyanto

[caption id="attachment_26838" align="alignleft" width="150"] © Jamie Williams[/caption] Le chorégraphe javanais offre à cinq jeunes femmes une danse de combat réservée aux hommes. À la manière d’une main qui étire et contracte le temps, ce rituel devient un objet d’extase et de contemplation où l’interprète s’approprie un interdit pour mieux ressentir ce qui est dominant. Ce rêve de liberté et d’au-delà devient une réalité le temps d’une création et s’expose avec force au regard des hommes.

KGB

  • Du 15 au 17/06 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e)
 

Pénélope et The Sea Within par la Cie Voetvolk (Lisbeth Gruwez)

[caption id="attachment_26845" align="alignleft" width="150"] © Danny Willems[/caption] La danse de l’ex égérie de Jan Fabre, Lisbeth Gruwez, est toujours une expérience émotionnelle d’une grande intensité, conduite avec le musicien Maarten Van Cauwenberghe, co-fondateur de sa compagnie Voetvolk. Pénélope, initialement épilogue d’un spectacle de 24 heures sur L’Odyssée au KVS de Bruxelles, devait rester un geste artistique exceptionnel. Jan Goossens l’offre au public comme ouverture de son festival. Ce solo inédit matérialise l’attente de Pénélope dans un mouvement circulaire perpétuel. Porté jusqu’à la transe par une musique cosmique, il installe le public dans un état parallèle. Son second spectacle, The Sea Within, est né de cet état-là, similaire à celui de la méditation. Un voyage intérieur, expérimenté sur le plateau par dix danseuses singulières. The Sea Within est un magma organique, un flux et reflux de vagues successives. L’armada de synthétiseurs de Maarten Van Cauwenberghe distille une rythmique rugueuse qui impose des pulsions frénétiques, sensuelles. Lisbeth Gruwez sonde ici les rapports entre l’individualité et le groupe. Elle s’interroge sur la façon dont la féminité vient aux femmes, comment elles s’en emparent, s’y ouvrent, s’en défendent ou en font force. Elle remet également à l’épreuve son processus créatif, fait d’allers-retours entre son geste chorégraphique et la musique de Maarten, jouée en live comme un personnage supplémentaire.

Marie Anezin

  • Pénélope : le 16/06 aux Grandes Tables et le 17 sur le toit-terrasse de la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e)
  • The Sea Within : les 19 & 20/06 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e)
 

Pour sortir au jour / Olivier Dubois

[caption id="attachment_26843" align="alignleft" width="150"] © Julien Benhamou[/caption] Ancien directeur et chorégraphe du CCN de Roubaix, Olivier Dubois cultive l’art du geste comme un défi permanent à l’apesanteur, usant et abusant de sa corpulence pour mieux convoquer la légèreté et l’art de la demi-pointe. Pour sortir au jour est une création qui convoque l’ego de l’artiste dans la réminiscence d’une gloire encore naissante qui peut s’éteindre à tout moment. Olivier Dubois cultive l’extravagance et l’affirmation de soi au-delà du possible et du commun des mortels, le rêve de Narcisse.

KGB

  • Du 22 au 24/06 à Klap, Maison pour la Danse (5 avenue Rostand, 3e)
 

Guerre et Térébenthine par la Needcompany (Jan Lauwers)

[caption id="attachment_26842" align="alignleft" width="150"] © Maarten Vanden Abeele[/caption] Guerre et Térébenthine est avant tout un roman magnifique de Stefan Hertmans, l’un des plus brillants écrivains contemporains flamands. De destins broyés en passions contrariées, il raconte la Grande Guerre et les petites histoires sentimentales de son grand-père, qui a fait de la peinture son refuge. Jan Lauwers s’est approprié ce roman dans une approche plurielle, démultipliant les champs visuels. Au premier plan, un plasticien dessine en direct, une infirmière s’agite ; au centre, la voix chavirante de Viviane De Muynck (La Chambre d’Isabella) scande le récit sur les compositions de Rombout Willems ; en fond, des danseurs s’emparent d’une structure métallique irréelle... Un chaos s’installe et l’horreur se dit, l’écriture de Stefan Hertmans explose sur scène, dispensant son message optimiste : la capacité de l’art à changer l’homme.

Marie Anezin

  • Les 28 & 29/06 au Théâtre du Gymnase (4 rue du Théâtre Français, 1er)
 

10 000 gestes de Boris Charmatz

[caption id="attachment_26846" align="alignleft" width="150"] © Alighiero Boetti[/caption] Le directeur et chorégraphe du CCN de Rennes a réussi à construire dans la durée des forces de propositions qui emmènent la danse à la rencontre de l’art brut. Dans Manger, présenté au Mucem en 2015, l’interprète retournait vers une forme animale dévorant minutieusement des bouts de papiers à même le sol. Cette fois-ci, il s’agit de ne répéter qu’un seul geste à la rencontre d’une multitude d’autres gestes. La danse quitte définitivement le pas compté pour questionner le corps dans son essence.

KGB

  • Le 5/07 au Mucem (7 promenade Robert Laffont, 2e)
 

Requiem pour L. par les Ballets C de la B (Alain Platel)

[caption id="attachment_26844" align="alignleft" width="150"] © Chris Van Der Burght[/caption] Alain Platel est un explorateur de l’âme humaine, qui repousse les limites à chacun de ses spectacles. Il brise tous les tabous et fait danser sur les tombes. Sa nouvelle création est une mort en direct accompagnée d’un requiem de Mozart métissé. C’est une réunification entre le présent de la vie et tout ce qui est mort, en nous, autour de nous, avec nous. Une réunification de sons, de Mozart à l’Afrique, une mixité de genres qui rend cette partition musicale bouleversante. Elle est orchestrée par son complice Fabrizio Cassol, dans la continuité d’un travail artistique mené avec des musiciens congolais et des chanteurs sud-africains issus de deux spectacles qui ont marqué le Festival, Coup fatal (Platel) et Macbeth (Brett Bailey). On retrouve Boule Mpanya et Russel Tshiebua qui, de Coup fatal à Nicht Schlafen, visitent avec singularité et force toutes les contrées de la musique. Une expérience extrême dont on ressort nourri de vie, de beauté.

Marie Anezin

  • Du 6 au 8/07 au Silo (35 quai du Lazaret, 2e)