May He Rise and Smell the Fragrance 

Cérémonie où danse, chant et musique crient la souffrance de la mort et l’urgence de la vie (1h). Chorégraphie : Ali Chahrour. Avec Hala Omran et Ali Chahrour. Musique live : Two or The Dragon (Ali Hout, Abed Kobeissy). Dramaturgie : Junaid Sarieddeen. ¡ Spectacle en arabe surtitré en français !

« Puisse-t-il se relever et humer le parfum » 
(Descente d'Ishtar aux Enfers) 
Du plateau plongé dans l'obscurité, entre-deux crépusculaire, une voix de femme s'élève. Chant profond. Attirés par cette prière, un danseur et deux musiciens entrent. Ainsi s'ouvre le dernier volet d'une trilogie (Fatmeh, Leïla se meurt) revisitant les rituels de deuil dans la tradition chiite que Ali Chahrour nous invite à contempler telle une cérémonie funéraire émergeant des terres noires de Mésopotamie. Un voyage qui plonge aux sources des mythes arabes, guidé par une prêtresse – gardienne du passage des âmes dans l'autre monde – exhortant les hommes à ressentir le chagrin de la perte. La masculinité et ses attributs de force et d'héroïsme sont alors éprouvés, révélant les faiblesses et l'impuissance de ces hommes interdits de larmes. Chanter, crier, psalmodier, danser et par l'intensité de ces lamentations graves et poétiques, extirper la douleur des corps, exorciser la violence et libérer une force de vie. Avec May He Rise and Smell the Fragrance, le chorégraphe libanais interroge les interdits et la souffrance d'un pays traversé par les guerres, et une possible renaissance.

Ali Chahrour
Né à Beyrouth en 1989, Ali Chahrour, danseur et chorégraphe, est diplômé en études théâtrales et danse dramatique de l'Université libanaise. Loin des standards occidentaux, il construit une identité gestuelle contemporaine prise au coeur des mythes arabes et du contexte politique, social et religieux dans lequel il vit. Son travail explore les relations entre corps et mouvement, entre religion et sacré. May He Rise clôt une trilogie initiée par Fatmeh et Leïla se meurt présentés au Festival d'Avignon en 2016.

Théâtre Benoît-XII
Du 14 au 17 juil. : 15h
14/30 €
www.festival-avignon.com
12 bis rue des Teinturiers
84000 Avignon
04 90 85 32 06

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

Festival d’Avignon 2018

Avignon en tous genres

 

Pour la sixième année consécutive à la tête de l’incontournable festival créé par Jean Vilar à Avignon, l’auteur et metteur en scène Olivier Py place cette soixante-douzième édition sous le thème du genre et de la singularité.

  Les petits visages, tous à la peau bien claire, sur la peinture de couverture du programme signée Alice Tabouret, adressent un regard interrogateur, doublé d’une moue perplexe aux futur.es festivalier.e.s. C’est que le maître-mot de cette année, fil rouge de la programmation, est le genre, qui concerne non seulement la transidentité mais aide aussi à appréhender des questions philosophiques et sociétales. La parité sera presqu’atteinte avec 45,5 % de femmes artistes représentées, pour une édition presque raccord avec son époque. L’agora du jardin Ceccano accueillera de nouveau un rendez-vous devenu immanquable : le feuilleton du festival, imaginé cette fois par David Bobée. Mesdames, Messieurs et le Reste du Monde se veut un espace « où faire voir et entendre les invisibles », dans lequel le directeur du CDN de Rouen invite nombre de complices et consacrera un jour à l’injuste procès de Kirill Serebrennikov en Russie. Cette année, point de douteux focus Afrique ou Moyen-Orient, mais une présence arabe notable avec le très attendu Summerless d’Amir Reza Koohestani, après le succès de son Hearing il y a deux ans ; Mama d’Ahmed El Attar, dernier volet de sa trilogie sur la famille ; Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète de Gurshad Shaheman, qui met en scène dans un labyrinthe sonore la parole d’exilés pour cause d’identité de genre ou d’orientation sexuelle non tolérées dans leur pays ; May he rise and smell the fragrance du chorégraphe Ali Chahrour, également troisième opus d’une trilogie sur le deuil et les rites funéraires chiites, dans lequel il interroge la masculinité. Côté danse justement, d’autres belles échappées en perspectives avec notamment Kreatur de Sasha Waltz, qui travaille sur le confinement des corps, inspiré par une visite d’une prison de la Stasi à Berlin. Raimund Hoghe revient avec deux œuvres : 36, Avenue Mandel, un hommage à Maria Callas et Canzone per Ornella, dédié à la danseuse Ornella Balestra. Jan Martens et Mickaël Phelippeau investiront quant à eux le studio des Hivernales avec respectivement Ode to the Attempt et Ben&Luc ; dans Grito Pelao, Rocio Molina se met en scène aux côtés de sa mère dans une allégorie sur le désir d’enfant et la maternité. Parmi les spectacles hors-normes, citons d’ailleurs Saison sèche de Phia Ménard, qui entend bousculer les codes. Au rayon théâtre, il y aura bien entendu de quoi faire, avec d’abord deux classiques français très attendus : Iphigénie par la jeune metteuse en scène Chloé Dabert, qui face à un horizon implacable fera résonner les vers raciniens à l’aune des problématiques contemporaines sur la place des femmes et le rapport au patriarcat ; le scandaleux Tartuffe de Molière sera revisité de façon explosive par le Lithuanien Oskaras Koršunovas. Pour la pièce-fleuve de l’année, avec une durée de huit heures minimum, Julien Gosselin s’attèle au prolifique Don Delillo, en croisant trois de ses œuvres, Joueurs, Mao II et Les Noms. Nouveau défi de catharsis pour Milo Rau qui prendra pour matière source le meurtre d’un homosexuel à Liège par un groupe de jeunes hommes dans La Reprise. La Cour d’Honneur du Palais des Papes sera le théâtre de la terrifiante pièce de Sénèque Thyeste, mise en scène par Thomas Jolly, empruntant à l’opéra pour représenter la figure du monstre. Ahmed Revient en itinérance, incarné par Didier Galas et trente-quatre ans après sa naissance sous la plume d’Alain Badiou, pour continuer son indécrottable et plus que jamais nécessaire et urgente lutte contre le racisme. Retour également d’Ivo Von Hove avec Les Choses qui passent d’après le Hollandais Louis Couperus. Certaines n’avaient jamais vu la mer, mis en scène par Richard Brunel, retrace la désillusion de milliers de Japonaises exilées aux États-Unis pour devenir des épouses. Le collectif marseillais Ildi! Eldi donnera lui à entendre les voix de témoins d’Ovni(s). Didier Ruiz présentera Trans (Més Enllà), « création et dénonciation » mettant en scène des personnes assignés à leur naissance à un genre dans lequel ils.elles ne se reconnaissaient pas, et traite de la violence que le monde a pu leur renvoyer. Enfin, le directeur Olivier Py ne sera pas en reste, bien au contraire, puisque sa nouvelle création, Pur Présent, composée de trois pièces courtes d’Eschyle qu’il a traduites, sera visible en filigrane pratiquement tout le temps du festival.  

Barbara Chossis

 

Festival d’Avignon : du 6 au 24/07 à Avignon. Rens. : 04 90 14 14 14 / www.festival-avignon.com

Le programme complet du Festival d’Avignon ici