Le Jeune Noir à l'épée

Installation artistique, militante et festive d'Abd Al Malik mêlant art contemporain, danse, théâtre, rap, slam et chanson (1h15). Chorégraphie : Salia Sanou

« Jeune noir à l’épée est d’abord le titre d’une peinture de Pierre Puvis de Chavannes qui m’a bouleversée lorsque j’ai pris connaissance des œuvres exposées lors de l’exposition du Musée d’Orsay (pour laquelle ce spectacle a été créé). Et pour moi qui ambitionnait d’écrire un long poème, à ma manière, sur l’identité à l’ère de la mondialisation, à la croisée du langage poétique de Baudelaire et de la philosophie de Glissant, ce tableau fut pour moi une révélation.
Parmi les autres toiles de maîtres du XIXe siècle, que j’avais sous les yeux, comme des symboles de la construction d’un regard, de la création de l’Autre et d’un inconscient collectif racialisé,Jeune noir à l’épée, par sa singularité criante en terme de symbolismes et de représentation de la figure noire, me racontait émotionnellement une histoire qui s’inscrivait tout naturellement dans ce monde de pauvreté et de béton que j’avais connu toute ma vie.
C’est donc tout naturellement que se mit à s’exprimer sous ma plume, propulsé à notre époque, ce jeune noir, à peine sorti de prison, dans sa cité HLM. Du plus profond de mon propre vécu, je savais bien d’où venaient la lutte de ce jeune noir pour quitter la rue et la haine, sans abandonner les siens, sa relation conflictuelle à ses origines africaines et à la France, sa révolte inflexible contre l’injustice des violences policières subie par son peuple, celui des banlieues, et contre la barbarie des frontières et des crimes qui s’y commettent, pour citer Chamoiseau. »

saliasanou.net

Salle de l'Étoile
Le vendredi 21 février 2020 à 21h
15/25 €
http://www.hivernales-avignon.com/
10 Avenue Léo Lagrange
13160 Châteaurenard
04 90 95 34 39

Article paru le mercredi 22 janvier 2020 dans Ventilo n° 440

Festival Les Hivernales

À corps multiples

 

Les festivals de danse se succèdent et le paysage modelé par les vents que soufflent les institutionnels de la culture ne se ressemble pas. Et pourtant, dans la plaine avignonnaise, tel un Gaulois qui résiste aux saisons, Les Hivernales s’apprêtent à célébrer leur quarante-deuxième anniversaire, avec pas moins de vingt-trois propositions spectaculaires et une douzaine de stages, dans un va-et-vient pertinent entre pratique et public.

  C’est une très belle édition qui s’annonce aux Hivernales. Si notre œil est évidemment alléché a priori par quelques « stars » de la danse contemporaine — Cindy Van Acker, un « magic trio » Tiago Rodrigues / La Ribot / Mathilde Monnier, Mette Ingvartsen, Abd Al Malik et Salia Sanou, Christian Rizzo… —, on découvre à leurs côtés des noms peu connus, perpétuant la tradition du festival de mettre en lumière la jeune création. Il semblerait que le fil conducteur de la manifestation soit une danse aux âges multiples, qui puise son souffle dans d’autres matières, d’autres textures que le corps, tout en ennoblissant cet art. Ici et là, les propositions se révèlent exigeantes, les écritures ciselées, les gestes maîtrisés. Le krump, le hip-hop, la peinture, la technologie, le rire, le trapèze, le théâtre, le texte, la voix, la danse traditionnelle, les arts visuels, le numérique ou encore des thèmes profonds sur le lien, le soin, le deuil, le couple, sont autant de pistes admirablement exploitées, donnant lieu à des formes léchées dont la créativité nous désaltère enfin. Que les formats soient modestes ou jouissant d’un plus grand nombre, ces propositions ont toutes pour ambition de jouer des lumières, de jouer de la scène, de ce qui fait scène. Il y a tant de profusion de genres, de formes, et d’intérêts qu’une sélection s’avère difficile, et ne sera qu’humblement la nôtre. On ose alors avouer un coup de cœur pour le quatuor imaginé par Lali Ayguadé à partir du sujet épineux des funérailles, mais aussi pour l’éloge d’une lenteur qui racle en profondeur chorégraphié par Cindy Van Acker, pour le krump animal de Nach, la danse fusion de Fouad Boussouf, pour l’ultime création de Christian Rizzo admirablement architecturée par les lumières de Caty Olive, ou encore pour la pièce grand format si envoûtante de Mette Ingvartsen. Côté jeune public, le festival donne à voir six projets très différents, allant de la danse-théâtre facétieuse (Marc Lacourt, Pierre Rigal) à un jardin numérique psychédélique tout doux en forme d’I-Glu, en passant par un hip-hop baigné de lumière (Nacim Battou) et des propositions pour les tout-petits. Le projet des Hivernales n’en finit pas de tisser sa toile, nous laissant le temps des vacances pour explorer les terres voisines — et ses théâtres partenaires, donc. En réitérant une formule qui a fait ses preuve, à savoir en proposant aux spectateurs d’un soir d’être les danseurs de quelques jours, il fait du partage la clé de voûte de son édifice. Sans mots vains, les paris d’ouverture, de diversité et de fabrique du commun s’incarnent bel et bien, dans un élan qui souffle le chaud sur un monde qui en a tant besoin.  

Joanna Selvidès

 

Festival Les Hivernales : du 5 au 22/02 à Avignon.

Rens. : 04 90 82 33 12 / www.hivernales-avignon.com

Le programme complet des Hivernales ici