Concerto en 37 1/2

Solo flamenco de et par Ana Pérez (1h). Guitare et composition musicale : José Sanchez. Musique électronique : Matthieu Pernaud

Ana Pérez est une pointure. 37,5 plus exactement, ce dont il est question ici. Mais pensons au delà de la chaussure en l’occurrence. Ana Pérez est une pointure dans un domaine que nous ne connaissons pas tant que ça. Celui des artistes qui n’ont pas besoin de justifier leurs actes. Ana Pérez n’interroge pas, elle répond. Elle n’a pas envie de dire, elle dit et elle fait. Elle danse le flamenco en experte reconnue et ce faisant va bien au delà du sujet et de l’Andalousie ! Elle dispose d’une maîtrise qui la laisse libre d’agir à son gré, dans une énergie tellurique qui vibre bien après le concret. Une technique évidente est invisible. C’est ainsi un tremblement cher à Édouard Glissant qui résonne avec le public, une musique de relation et d’intensité. Car Ana Pérez est aussi et avant tout une musicienne. Et il n’est pas question de rythme. Le rythme n’est souvent que l’élégance de la pulsation. Le sens mélodique de ce concerto pour chaussures révèle la force lyrique d’un choc sur un plancher. Tout n’est qu’affaire de construction et de poésie. Une mélodie apparaît ainsi tout au long d’un dialogue fertile qui se noue subtilement sur scène. Certains diraient qu’Ana Pérez est un ovni de la danse contemporaine. Le terme est galvaudé et on en voit de plus en plus, des ovnis. C’est chose beaucoup plus rare que ce genre d’artiste !

 

Chorégraphie et interprétation Ana Pérez
Guitare et composition musicale José Sanchez
Musique électronique Matthieu Pernaud
Création et régie lumière Héléna Payan
Régie Son Lambert Sylvain
Regard extérieur Patricia Guerrero
Direction artistique Caroline Perdrix
Costumes Barta studio

Espace Robert Hossein
Le vendredi 14 avril 2023 à 20h
4/15 €
https://www.festivalflamenco-azul.com/2023
Boulevard Victor Jauffret
13450 Grans
04 90 55 71 53

Article paru le mercredi 29 mars 2023 dans Ventilo n° 479

Festival Flamenco Azul

Flammes dans le sang

 

Pour sa cinquième édition, le festival Flamenco Azul présente un programme tout simplement admirable, consacré à la culture flamenca sous toutes ses formes, de la sublimation de ses racines aux fusions de la modernité.

    Le flamenco est, évidemment, bien loin d’être un simple genre musical : mêlant danse, chant et accompagnement musical, cet art majeur, inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, que l’on fait par erreur remonter au XVIIIe siècle, mais dont les origines sont bien plus lointaines, reste une mémoire de multiples peuples, par la fusion dont il fait preuve. Le flamenco a par ailleurs formidablement pu, au fil des décennies, marier l’héritage d’une culture multi-centenaire aux élans de la modernité. Une dynamique dont témoigne magnifiquement le festival Flamenco Azul qui, pour sa cinquième édition, enflammera Marseille et ses alentours (Aix-en-Provence, Avignon, Port-de-Bouc, Grans ou Toulon), lors d’un programme de haute volée. Un tel événement participe d’ailleurs à renouveler sans cesse cet art, sans le départir de ses racines, en l’invitant aux frontières de la musique baroque, du jazz, ou y mêlant de plus inhabituels instruments tels le piano ou le violoncelle. Dont acte lors de la première soirée musicale, qui réenchantera l’œuvre de Manuel de Falla, L’Amour sorcier, dans sa version originale pour quinze musiciens par l’Orchestre national de Cannes ! Parmi les invité.e.s prestigieux.ses du festival, citons l’extraordinaire danseuse Ana Perez, dont le geste dansé félin, et contemporain, contient en lui l’histoire vécue et à écrire du flamenco, artiste magnétique que l’on retrouvera dans le spectacle El Cavretico de Nine Spirit, aux côtés de Raphaël Imbert, Maxime Atger, Amandine Habib et Jean-Luc di Fraya. Mais également lors d’une nouvelle création de la danseuse, Répercussions, puzzle culturel joignant le Cap-Vert à l’Espagne, en passant par les Antilles : un bouleversement organique qui en fait l’un des temps forts de la manifestation. À la Friche Belle de Mai, le spectacle Antipodas réunira quant à lui les jumelles Florencia Oz, bailora, et Isidora O’Ryan, musicienne, dans un envoûtant dialogue entre identité et dualité. Autre moment fort, dont un pied s’ancre dans la tradition, l’autre dans la modernité : The Game de Jesús Carmona, avec José Valencia et Juan Requena, mêlera le chant, la danse et la guitare par touches d’une infinie subtilité. Enfin, parmi les très nombreuses propositions de cette nouvelle édition — vertigineuse par sa richesse —, citons le spectacle Cuento el Flamenco, par Kuky Santiago, Melchior Campos et Lenny Creff, Venga ya de la compagnie Luca el Luco, avec Céline Daussan, ou Puntos Cardinales de Mathilde Antón. Conférences, expositions et projection seront également à l’honneur de cette cinquième édition, avec épars, l’exposition Balade Flamenca de Jean-Louis Duzert, les conférences Les Grandes étapes du Flamenco par Pedro Molla, ancien élève de la chaire de flamencologie de Cordoue, et Origines et évolutions de l’art flamenco par Maria Perez, ou la séance du très beau film d’Emilio e Belmonte, consacré à l'immense Jorge Pardo, Transe, aux Variétés. Enfin, l’un des autres temps forts annoncés par l’équipe du festival se logera à quelques encablures de Marseille, à Port-de-Bouc, cité ouvrière fortement marquée par la culture gitane, durant une grande soirée qui réunira Pepe Linares pour la conférence Histoires et migrations des familles gitanes résidant à Port-de-Bouc et dans ses alentours, un récital de cante avec Luisa Muñoz, accompagnée à la guitare par Manuel Gomez (l’un des meilleurs guitaristes d’accompagnement flamenco), et la séance du film Poligono sur de Dominique Abel.  

Emmanuel Vigne

 

Flamenco Azul : du 29/03 au 23/04 à Marseille, Aix-en-Provence, Port-de-Bouc, Grans, Avignon et Toulon.

Rens. : www.festivalflamenco-azul.com/2023

Le programme complet du festival Flamenco Azul ici