La Disparition de Goya (V.O.)

Documentaire de Toni Geitani (Liban - 2017 - 57'). Précédé par Le Terrier d'Amélie Derlon Cordina (France - 2018 - 12')

La Disparition de Goya
De Goya, dessinant les Désastres de la guerre dont il avait été témoin, on connait le fameux « Je l’ai vu ». Témoigner donc. Il s’agit ici d’explorer sous les auspices du peintre un épisode sanglant de la guerre civile qui a ravagé le Liban de 1975 à 1990, la guerre dite du Mont Liban, autour de 1983. Violence de la guerre civile, mais considérée après. Comment dire un massacre ? Qui reste pour dire ? Comment figurer l’événement ? Qui peut le faire ? Ce sera ici l’ambitieux programme dans lequel Toni Geitani embarque sa génération, née après les événements. Dans l’après, tout sera ici question de point de vue, de mise en scène et de mise en place et de mise à nu. De l’événement sans image, Toni Geitani passera par la peinture, la photographie, jusqu’au cinéma, celui du Passion de Godard, peinture encore. Avec pour horizon le programme de Goya et son fameux Tres de mayo, où cette fois-ci il dénonce par les puissances de la synthèse et de l’imagination la répression napoléonienne en Espagne. Un tableau au service d’une image juste, mais inventée, chez l’un comme chez l’autre. Et ce faisant, Geitani écoute les récits, arpente et interroge le paysage, confronte les corps et les images, telle cette scène troublante où le fantastique embrasse l’horreur. Et à écouter l’aujourd’hui habité de voix d’hier, pour s’employer à battre les masques, comme cette figure d’un Joumblatt vieilli qui hante le film. Programme de celui qui n’a pas connu la guerre mais en subit les secrets, les refoulements et les fractures. (NF)

Le Terrier
Le Terrier
est le dernier texte de Kafka, un monologue vertigineux en forme d’adresse, laissé inachevé. L’enjeu ici sera d’en faire l’expérience. Planches dépareillées et palettes de guingois plantées en intérieur en seront le terrain, Strike le corps. Intrications des mots et des lieux où Strike, lecteur, interprète et protagoniste se fondent, indiscernables. Mouvement labyrinthique à l’image du texte lui-même, en un va-et-vient entre dedans et dehors, du terrier-lieu au terrier-texte : son actualisation. (NF)

Villa Cosquer Méditerranée
Le dimanche 15 juillet 2018 à 14h30
5/6 €
www.fidmarseille.org
Esplanade du J4
13002 Marseille

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

FIDMarseille 2018

FID back

 

La vingt-neuvième édition du FID, Festival International de Cinéma de Marseille, déploie une nouvelle programmation passionnante dans plus d’une douzaine de lieux de la cité phocéenne, et confirme, s’il était encore nécessaire, sa place incontournable parmi les festivals européens.

  L’un des festivals majeurs en France — dont peut s’enorgueillir d’ailleurs la cité phocéenne — a déroulé le programme de sa vingt-neuvième édition, qui transcende l’idée même de la diffusion cinématographique, devenant acteur d’une utopie historiographique de l’image en mouvement, durant laquelle le récit se crée à l’instant où il se découvre. Au fil des ans, le FID a non seulement (re)donné sens à l’acte même de montrer les films, par l’exigence dont il fait preuve, mais continue d’inscrire les œuvres dans l’environnement industriel de leur fabrication. Il y a là une forme d’acte (d’art ?) originel, un savoureux péché dont le cinéma s’est éloigné, et qui a cependant longtemps fait son essence. Se rendre au FID dépasse bien largement le seul plaisir cinéphilique, mais, prenant le contrepied de Walter Benjamin, achève une boucle en instillant magistralement le hic et nunc au cœur de chaque séance ancrée selon le philosophe dans la reproductibilité de l’image en mouvement. Une édition marquée cette année par trois figures tutélaires devenues sémiologiquement icônes : Isabelle Huppert, invitée du festival, la merveilleuse Edie Sedgwick — qui marqua les heures glorieuses de la Factory d’Andy Warhol — et feu le président du FID, Paul Otchakovsky-Laurens, dont le travail d’éditeur aura marqué en profondeur l’art littéraire. Impossible de dérouler ici une liste à la Prévert des cent cinquante invité.e.s de cette vingt-neuvième édition, mais citons Wang Bing, Luc Moullet, Jean-Pierre Beauviala, Pierre Creton ou Albert Serra, que nous aurons l’occasion de rencontrer au détour d’une projection. Les cent cinquante films présentés se répartiront au sein des diverses compétitions du festival, mais également lors des écrans parallèles et autres séances spéciales, à l’instar des années précédentes. Internationale, Française, Premier Film et GNCR, ces Compétitions proposent presque exclusivement des premières mondiales — l’une des conditions désormais incontournables pour avoir la chance d’être sélectionné au FID —, avec les nouveaux opus de Jorge León, Albert Serra, Peter Sant, Damir Cucic ou Véronique Aubouy, pour ne citer qu’eux. Le premier écran parallèle sera bien évidemment consacré à Isabelle Huppert, avec une vision kaléidoscopique de sa carrière le long de treize films triés sur le volet, dont les excellents Amateur d’Hal Hartley ou Passion de Jean-Luc Godard. De même pour Edie Sedgwick, dont nous aurons l’immense bonheur de (re)voir les Screen Test de Warhol et bien évidemment l’inoxydable The Chelsea Girls. La thématique « Livre d’image » explorera quant à elle les liens éminemment complexes et historiques entre la littérature — ou plus précisément le livre — et le cinéma. Une rencontre en lettre capitale, où il s’agit plus souvent d’écrire l’image que d’imager le texte. Citons par ailleurs « Make / remake », « Histoires(s) de portrait », la sélection musicale « We’re gonna rock him » ou « Les sentiers » comme autres pistes de découvertes cinéphiliques. Entre le FID Campus, le FID Lab ou les diverses tables rondes, cette nouvelle édition du festival laisse également une place importante à la question même du geste cinématographique, dans son long processus de création, pour une édition 2018 derechef pleine de promesses !  

Emmanuel Vigne

 

FIDMarseille : du 10 au 16/07 à Marseille. Rens. : www.fidmarseille.org