Deportacja (Déportation) + Torre + Alep Terminal (V.O.)

Trois films respectivement réalisés par Talwar Arjun & Wysocki Sandro (Pologne - 2018 - 22'), Nádia Mangolini (Brésil - 2017 - 19') et Zalfa Seurat (France/Syrie - 2017 - 32')

Deportacja (Déportation)
Dans le paysage enneigé et austère d’une ville polonaise, un jeune Nord-Africain cherche un réconfort difficile à trouver. La soupe qu’il mange au restaurant arabe local n’a pas le goût de son pays d’origine, son appartement est la tristesse même et l’avenir semble reposer sur peu. Après avoir été témoin de la déportation « heureuse » d’un ami, Halim tente de commettre un délit pour se faire rapatrier. C’était sans compter sur la rencontre avec une belle policière slave. Empreint d’humour noir, d’une ambiance absurde et d’un traitement à la Kaurismaki, le scénario se déploie dans une grande élégance visuelle. (FM)

Torre
Film d’animation en quatre parties, où chacune est le récit du souvenir d’enfance de quatre enfants d’une même fratrie. En toile de fond, la disparition brutale de leur père lors de la dictature militaire brésilienne. Délicatesse des dessins, subtilité des techniques d’animation, tout cela nous met face à la réalité d’un régime qui a détruit hommes, femmes et enfants. Réminiscence d’une histoire d’un pays vécue à l’échelle d’une famille. (FM)

Alep Terminal
Une mère décide d’emmener sa fille sur les traces d’Alep, où elle est née et a grandi. Des histoires personnelles se mêlent à celle du pays. Des rencontres avec des aïeuls en passant par la maison familiale, la transmission de cette histoire se fait aussi légère que bouleversante. Ces traces sont aujourd’hui ruines : bâtiments délabrés, nature dévastée, restes d’une histoire personnelle riche en souvenirs. Filmée par la célèbre directrice de la photographie, Caroline Champetier, l’histoire récente de la Syrie contemporaine sourd dans ces images d’un passé pourtant si proche. Un carton en début en témoigne : « Jamais nous n’aurions pu penser que c’était le dernier voyage ». (FM)

Cinéma Les Variétés
Du 14 au 16 juil. : lun 10h45 - sam 16h45
5/6 €
www.fidmarseille.org
37 rue Vincent Scotto
13001 Marseille
04 91 35 20 86
08 92 68 05 97

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

FIDMarseille 2018

FID back

 

La vingt-neuvième édition du FID, Festival International de Cinéma de Marseille, déploie une nouvelle programmation passionnante dans plus d’une douzaine de lieux de la cité phocéenne, et confirme, s’il était encore nécessaire, sa place incontournable parmi les festivals européens.

  L’un des festivals majeurs en France — dont peut s’enorgueillir d’ailleurs la cité phocéenne — a déroulé le programme de sa vingt-neuvième édition, qui transcende l’idée même de la diffusion cinématographique, devenant acteur d’une utopie historiographique de l’image en mouvement, durant laquelle le récit se crée à l’instant où il se découvre. Au fil des ans, le FID a non seulement (re)donné sens à l’acte même de montrer les films, par l’exigence dont il fait preuve, mais continue d’inscrire les œuvres dans l’environnement industriel de leur fabrication. Il y a là une forme d’acte (d’art ?) originel, un savoureux péché dont le cinéma s’est éloigné, et qui a cependant longtemps fait son essence. Se rendre au FID dépasse bien largement le seul plaisir cinéphilique, mais, prenant le contrepied de Walter Benjamin, achève une boucle en instillant magistralement le hic et nunc au cœur de chaque séance ancrée selon le philosophe dans la reproductibilité de l’image en mouvement. Une édition marquée cette année par trois figures tutélaires devenues sémiologiquement icônes : Isabelle Huppert, invitée du festival, la merveilleuse Edie Sedgwick — qui marqua les heures glorieuses de la Factory d’Andy Warhol — et feu le président du FID, Paul Otchakovsky-Laurens, dont le travail d’éditeur aura marqué en profondeur l’art littéraire. Impossible de dérouler ici une liste à la Prévert des cent cinquante invité.e.s de cette vingt-neuvième édition, mais citons Wang Bing, Luc Moullet, Jean-Pierre Beauviala, Pierre Creton ou Albert Serra, que nous aurons l’occasion de rencontrer au détour d’une projection. Les cent cinquante films présentés se répartiront au sein des diverses compétitions du festival, mais également lors des écrans parallèles et autres séances spéciales, à l’instar des années précédentes. Internationale, Française, Premier Film et GNCR, ces Compétitions proposent presque exclusivement des premières mondiales — l’une des conditions désormais incontournables pour avoir la chance d’être sélectionné au FID —, avec les nouveaux opus de Jorge León, Albert Serra, Peter Sant, Damir Cucic ou Véronique Aubouy, pour ne citer qu’eux. Le premier écran parallèle sera bien évidemment consacré à Isabelle Huppert, avec une vision kaléidoscopique de sa carrière le long de treize films triés sur le volet, dont les excellents Amateur d’Hal Hartley ou Passion de Jean-Luc Godard. De même pour Edie Sedgwick, dont nous aurons l’immense bonheur de (re)voir les Screen Test de Warhol et bien évidemment l’inoxydable The Chelsea Girls. La thématique « Livre d’image » explorera quant à elle les liens éminemment complexes et historiques entre la littérature — ou plus précisément le livre — et le cinéma. Une rencontre en lettre capitale, où il s’agit plus souvent d’écrire l’image que d’imager le texte. Citons par ailleurs « Make / remake », « Histoires(s) de portrait », la sélection musicale « We’re gonna rock him » ou « Les sentiers » comme autres pistes de découvertes cinéphiliques. Entre le FID Campus, le FID Lab ou les diverses tables rondes, cette nouvelle édition du festival laisse également une place importante à la question même du geste cinématographique, dans son long processus de création, pour une édition 2018 derechef pleine de promesses !  

Emmanuel Vigne

 

FIDMarseille : du 10 au 16/07 à Marseille. Rens. : www.fidmarseille.org