Freeing Captive Animals + Here and Now + La Banlieue du Skeud (V.O.)

Trois films respectivement réalisés par Xu Linyu (Chine - 2017 - 26'), Thomas Carillon (France - 2017 - 41') et Maxime Le Moing (France - 2018 - 19')

Freeing Captive Animals
Les trouées de lumière dans la nuit, petits points blancs dans le noir de l’écran laissent entrevoir une barque, un pêcheur ou un oiseau. La musique se déploie tout comme l’horizon ou la surface de l’eau. Ces indices rares ne précisent guère les berges du lac Longshuihu. L’énorme rocher sur lequel les trois caractères chinois du titre sont gravés ne sera pas décelé. Le rouge de ces mots et l’action indiquée disparaissent dans le contraste grisé de la nuit. Un appel téléphonique inattendu émerge.

Here and Now
Ici et maintenant, Thomas Carillon retrouve le musicien Avreeayl Ra dans ce second opus à découvrir à Marseille. Il exécute, au sens musical, ce qu’il a ressenti en étant proche de l’improvisateur à Chicago. Le portrait était l’esquisse du premier film, là, le percussionniste, jamais au centre, est présent au milieu d’autres musiciens. Un groupe où les solistes s’entremêlent et donnent leur musique. Ici, l’écart entre le pluriel et le singulier doit être souligné. Le cinéaste veut saisir ce paradoxe.

La Banlieue du Skeud
Un film d’animation, pas vraiment garanti tout public, s’est choisi pour bande-son les rares moments narratifs parlés, prélevés parmi une sélection de disques de Rap et de Hip-hop. C‘est en empruntant au théâtre d’ombres, en le situant dans les multiples cadres d’une anthologie de l’architecture contemporaine, que les cases s’animent et offrent le spectacle stylisé de ce dont les voix nous font le récit haut en couleurs.

Videodrome 2
Le vendredi 13 juillet 2018 à 21h30
5/6 €
www.fidmarseille.org
49 cours Julien
13006 Marseille
04 91 42 75 41

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

FIDMarseille 2018

FID back

 

La vingt-neuvième édition du FID, Festival International de Cinéma de Marseille, déploie une nouvelle programmation passionnante dans plus d’une douzaine de lieux de la cité phocéenne, et confirme, s’il était encore nécessaire, sa place incontournable parmi les festivals européens.

  L’un des festivals majeurs en France — dont peut s’enorgueillir d’ailleurs la cité phocéenne — a déroulé le programme de sa vingt-neuvième édition, qui transcende l’idée même de la diffusion cinématographique, devenant acteur d’une utopie historiographique de l’image en mouvement, durant laquelle le récit se crée à l’instant où il se découvre. Au fil des ans, le FID a non seulement (re)donné sens à l’acte même de montrer les films, par l’exigence dont il fait preuve, mais continue d’inscrire les œuvres dans l’environnement industriel de leur fabrication. Il y a là une forme d’acte (d’art ?) originel, un savoureux péché dont le cinéma s’est éloigné, et qui a cependant longtemps fait son essence. Se rendre au FID dépasse bien largement le seul plaisir cinéphilique, mais, prenant le contrepied de Walter Benjamin, achève une boucle en instillant magistralement le hic et nunc au cœur de chaque séance ancrée selon le philosophe dans la reproductibilité de l’image en mouvement. Une édition marquée cette année par trois figures tutélaires devenues sémiologiquement icônes : Isabelle Huppert, invitée du festival, la merveilleuse Edie Sedgwick — qui marqua les heures glorieuses de la Factory d’Andy Warhol — et feu le président du FID, Paul Otchakovsky-Laurens, dont le travail d’éditeur aura marqué en profondeur l’art littéraire. Impossible de dérouler ici une liste à la Prévert des cent cinquante invité.e.s de cette vingt-neuvième édition, mais citons Wang Bing, Luc Moullet, Jean-Pierre Beauviala, Pierre Creton ou Albert Serra, que nous aurons l’occasion de rencontrer au détour d’une projection. Les cent cinquante films présentés se répartiront au sein des diverses compétitions du festival, mais également lors des écrans parallèles et autres séances spéciales, à l’instar des années précédentes. Internationale, Française, Premier Film et GNCR, ces Compétitions proposent presque exclusivement des premières mondiales — l’une des conditions désormais incontournables pour avoir la chance d’être sélectionné au FID —, avec les nouveaux opus de Jorge León, Albert Serra, Peter Sant, Damir Cucic ou Véronique Aubouy, pour ne citer qu’eux. Le premier écran parallèle sera bien évidemment consacré à Isabelle Huppert, avec une vision kaléidoscopique de sa carrière le long de treize films triés sur le volet, dont les excellents Amateur d’Hal Hartley ou Passion de Jean-Luc Godard. De même pour Edie Sedgwick, dont nous aurons l’immense bonheur de (re)voir les Screen Test de Warhol et bien évidemment l’inoxydable The Chelsea Girls. La thématique « Livre d’image » explorera quant à elle les liens éminemment complexes et historiques entre la littérature — ou plus précisément le livre — et le cinéma. Une rencontre en lettre capitale, où il s’agit plus souvent d’écrire l’image que d’imager le texte. Citons par ailleurs « Make / remake », « Histoires(s) de portrait », la sélection musicale « We’re gonna rock him » ou « Les sentiers » comme autres pistes de découvertes cinéphiliques. Entre le FID Campus, le FID Lab ou les diverses tables rondes, cette nouvelle édition du festival laisse également une place importante à la question même du geste cinématographique, dans son long processus de création, pour une édition 2018 derechef pleine de promesses !  

Emmanuel Vigne

 

FIDMarseille : du 10 au 16/07 à Marseille. Rens. : www.fidmarseille.org