O Pequeno Mal (Petit mal) (V.O.)

Drame de Lucas Camargo de Barros & Nicolas Thomé Zetune (Brésil - 2018 - 1h10), avec Janaina Afhonso, Joao Paulo Bienemann...

À Sao Paulo, Janaína et João prennent soin l’un de l’autre. Elle est épileptique, lui entretient une relation avec un homme qui persiste à rester distant. Au-dessus de leur vie flotte le traumatisme flou d’une coulée de terrain qui aurait enseveli les hommes et les machines. Un travail dans un hôtel et des films regardés main dans la main semblent donner le rythme des jours. Mais dans l’univers de Lucas Camargo de Barros et Nicolas Thomé Zetune (dont c’est le premier film co-signé), les hommes sont semblables à des plantes contrariées par leur environnement. Les corps, tous minés par une faille secrète, tentent tant bien que mal de survivre dans un monde revêtant les apparences trompeuses de la chaleur. Film résolument pop (mais dans son versant le plus triste), O Pequeno Mal navigue en eaux nouvelles à chaque plan. Parfois doux et calme, parfois éblouissant, le film enveloppe tout d’abord le spectateur de sa douceur pour mieux le tromper : se révèlent progressivement le gouffre véritable de la souffrance physique ainsi que les abysses du désespoir amoureux. Lorsqu’un accident grave accable la relation miraculeuse entretenue par Janaína et João surgit alors l’évidence de la solitude finale de chacun, une solitude redoublée par les cadres acérés de Barros et Zetune. La vie, composée de vignettes elliptiques, est un jeu de rôle autant qu’un jeu de fantômes. Il suffit d’un rien pour que les identités changent et se dissimulent. Si deux mondes cohabitent continuellement, alors le bruit sourd du second enlève toute pureté au premier. O Pequeno Mal, en accord avec la chanson des Smiths qui hante João, crie l’effarante fragilité de nos émotions et impressions : « Last night I dreamt that somebody loved me. No hope, no harm, just another false alarm. » (VP)

Mucem - Auditorium
Le jeudi 12 juillet 2018 à 20h
5/6 €
www.fidmarseille.org
7 promenade Robert Laffont
13002 Marseille
04 84 35 13 13

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

FIDMarseille 2018

FID back

 

La vingt-neuvième édition du FID, Festival International de Cinéma de Marseille, déploie une nouvelle programmation passionnante dans plus d’une douzaine de lieux de la cité phocéenne, et confirme, s’il était encore nécessaire, sa place incontournable parmi les festivals européens.

  L’un des festivals majeurs en France — dont peut s’enorgueillir d’ailleurs la cité phocéenne — a déroulé le programme de sa vingt-neuvième édition, qui transcende l’idée même de la diffusion cinématographique, devenant acteur d’une utopie historiographique de l’image en mouvement, durant laquelle le récit se crée à l’instant où il se découvre. Au fil des ans, le FID a non seulement (re)donné sens à l’acte même de montrer les films, par l’exigence dont il fait preuve, mais continue d’inscrire les œuvres dans l’environnement industriel de leur fabrication. Il y a là une forme d’acte (d’art ?) originel, un savoureux péché dont le cinéma s’est éloigné, et qui a cependant longtemps fait son essence. Se rendre au FID dépasse bien largement le seul plaisir cinéphilique, mais, prenant le contrepied de Walter Benjamin, achève une boucle en instillant magistralement le hic et nunc au cœur de chaque séance ancrée selon le philosophe dans la reproductibilité de l’image en mouvement. Une édition marquée cette année par trois figures tutélaires devenues sémiologiquement icônes : Isabelle Huppert, invitée du festival, la merveilleuse Edie Sedgwick — qui marqua les heures glorieuses de la Factory d’Andy Warhol — et feu le président du FID, Paul Otchakovsky-Laurens, dont le travail d’éditeur aura marqué en profondeur l’art littéraire. Impossible de dérouler ici une liste à la Prévert des cent cinquante invité.e.s de cette vingt-neuvième édition, mais citons Wang Bing, Luc Moullet, Jean-Pierre Beauviala, Pierre Creton ou Albert Serra, que nous aurons l’occasion de rencontrer au détour d’une projection. Les cent cinquante films présentés se répartiront au sein des diverses compétitions du festival, mais également lors des écrans parallèles et autres séances spéciales, à l’instar des années précédentes. Internationale, Française, Premier Film et GNCR, ces Compétitions proposent presque exclusivement des premières mondiales — l’une des conditions désormais incontournables pour avoir la chance d’être sélectionné au FID —, avec les nouveaux opus de Jorge León, Albert Serra, Peter Sant, Damir Cucic ou Véronique Aubouy, pour ne citer qu’eux. Le premier écran parallèle sera bien évidemment consacré à Isabelle Huppert, avec une vision kaléidoscopique de sa carrière le long de treize films triés sur le volet, dont les excellents Amateur d’Hal Hartley ou Passion de Jean-Luc Godard. De même pour Edie Sedgwick, dont nous aurons l’immense bonheur de (re)voir les Screen Test de Warhol et bien évidemment l’inoxydable The Chelsea Girls. La thématique « Livre d’image » explorera quant à elle les liens éminemment complexes et historiques entre la littérature — ou plus précisément le livre — et le cinéma. Une rencontre en lettre capitale, où il s’agit plus souvent d’écrire l’image que d’imager le texte. Citons par ailleurs « Make / remake », « Histoires(s) de portrait », la sélection musicale « We’re gonna rock him » ou « Les sentiers » comme autres pistes de découvertes cinéphiliques. Entre le FID Campus, le FID Lab ou les diverses tables rondes, cette nouvelle édition du festival laisse également une place importante à la question même du geste cinématographique, dans son long processus de création, pour une édition 2018 derechef pleine de promesses !  

Emmanuel Vigne

 

FIDMarseille : du 10 au 16/07 à Marseille. Rens. : www.fidmarseille.org