Flesh Memory

Documentaire de Jacky Goldberg (France - 2018 - 59')

Finley Blake est cam girl : elle gagne sa vie en faisant de l’exhibition sexuelle sur Internet, devant sa webcam. Elle cherche à tous prix à récupérer la garde partagée de son fils, qu’on lui a enlevée du fait du métier qu’elle exerce. Si Finley seule dans son salon semble vaquer à ses occupations, elle peut aussi à tout moment, par la voix ou l’image, décider d’exposer son corps au monde entier. Le rendre connecté et monnayé. Jacky Goldberg capte ces quelques jours de la vie de Finley avec, comme angle d’approche, la sobriété d’un regard complice et discret à la fois. Gonflée d’émotions diverses, la maison de Finley rougeoie délicatement au sein de cette banlieue pavillonnaire du Texas où l’on devine, peut-être à tort, que chaque bâtisse ressemble à sa voisine. L’acte sexuel, que Finley simule ou effectue en plan fixe, opère une fusion bienvenue entre son caractère cru et sa douceur évidente – cette douceur que l’on avait presque oubliée au cinéma. Nous prenons conscience, très vite, que ce que nous voyons n’est ni la vie secrète de Finley ni le fantasme des internautes, mais bel et bien le hors-champ de notre imagination : les épreuves de la vie qui font que Finley, malgré son travail, est toute semblable à nous – sans jamais cesser d’être unique. Alors, Jacky Goldberg, en osmose avec son sujet, se plaît aussi à suivre le tracé de ses nombreux tatouages comme autant d’histoires possibles à raconter, et permet à Flesh Memory de se vêtir d’atmosphères inédites. A l’image des milliers d’internautes invisibles qui s’adressent à Finley, la maison est moins vide qu’elle n’y paraît. Présences fantomatiques ou amour brûlant de l’enfant aimé, Jacky Goldberg saisit délicatement leur aura, presque en retrait : avec le goût du secret partagé. (VP)

Cinéma Les Variétés
Le jeudi 12 juillet 2018 à 16h15
5/6 €
www.fidmarseille.org
37 rue Vincent Scotto
13001 Marseille
04 91 35 20 86
08 92 68 05 97

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

FIDMarseille 2018

FID back

 

La vingt-neuvième édition du FID, Festival International de Cinéma de Marseille, déploie une nouvelle programmation passionnante dans plus d’une douzaine de lieux de la cité phocéenne, et confirme, s’il était encore nécessaire, sa place incontournable parmi les festivals européens.

  L’un des festivals majeurs en France — dont peut s’enorgueillir d’ailleurs la cité phocéenne — a déroulé le programme de sa vingt-neuvième édition, qui transcende l’idée même de la diffusion cinématographique, devenant acteur d’une utopie historiographique de l’image en mouvement, durant laquelle le récit se crée à l’instant où il se découvre. Au fil des ans, le FID a non seulement (re)donné sens à l’acte même de montrer les films, par l’exigence dont il fait preuve, mais continue d’inscrire les œuvres dans l’environnement industriel de leur fabrication. Il y a là une forme d’acte (d’art ?) originel, un savoureux péché dont le cinéma s’est éloigné, et qui a cependant longtemps fait son essence. Se rendre au FID dépasse bien largement le seul plaisir cinéphilique, mais, prenant le contrepied de Walter Benjamin, achève une boucle en instillant magistralement le hic et nunc au cœur de chaque séance ancrée selon le philosophe dans la reproductibilité de l’image en mouvement. Une édition marquée cette année par trois figures tutélaires devenues sémiologiquement icônes : Isabelle Huppert, invitée du festival, la merveilleuse Edie Sedgwick — qui marqua les heures glorieuses de la Factory d’Andy Warhol — et feu le président du FID, Paul Otchakovsky-Laurens, dont le travail d’éditeur aura marqué en profondeur l’art littéraire. Impossible de dérouler ici une liste à la Prévert des cent cinquante invité.e.s de cette vingt-neuvième édition, mais citons Wang Bing, Luc Moullet, Jean-Pierre Beauviala, Pierre Creton ou Albert Serra, que nous aurons l’occasion de rencontrer au détour d’une projection. Les cent cinquante films présentés se répartiront au sein des diverses compétitions du festival, mais également lors des écrans parallèles et autres séances spéciales, à l’instar des années précédentes. Internationale, Française, Premier Film et GNCR, ces Compétitions proposent presque exclusivement des premières mondiales — l’une des conditions désormais incontournables pour avoir la chance d’être sélectionné au FID —, avec les nouveaux opus de Jorge León, Albert Serra, Peter Sant, Damir Cucic ou Véronique Aubouy, pour ne citer qu’eux. Le premier écran parallèle sera bien évidemment consacré à Isabelle Huppert, avec une vision kaléidoscopique de sa carrière le long de treize films triés sur le volet, dont les excellents Amateur d’Hal Hartley ou Passion de Jean-Luc Godard. De même pour Edie Sedgwick, dont nous aurons l’immense bonheur de (re)voir les Screen Test de Warhol et bien évidemment l’inoxydable The Chelsea Girls. La thématique « Livre d’image » explorera quant à elle les liens éminemment complexes et historiques entre la littérature — ou plus précisément le livre — et le cinéma. Une rencontre en lettre capitale, où il s’agit plus souvent d’écrire l’image que d’imager le texte. Citons par ailleurs « Make / remake », « Histoires(s) de portrait », la sélection musicale « We’re gonna rock him » ou « Les sentiers » comme autres pistes de découvertes cinéphiliques. Entre le FID Campus, le FID Lab ou les diverses tables rondes, cette nouvelle édition du festival laisse également une place importante à la question même du geste cinématographique, dans son long processus de création, pour une édition 2018 derechef pleine de promesses !  

Emmanuel Vigne

 

FIDMarseille : du 10 au 16/07 à Marseille. Rens. : www.fidmarseille.org