Between relating and use + Jeune femme à sa fenêtre lisant une lettre + Between my flesh and the world’s fingers  (V.O.)

Trois films respectivement réalisés par Nazli Dinçel (Argentine/États-Unis - 2018 - 9'), Jean-Claude Rousseau (France - 1983 - 45') et Talena Sanders (États-Unis - 2018 - 31')

Between relating and use
Nazlı Dinçel (Solitary Acts 4/5/6, FID 2016) nous prévient : ceci n’est pas une métaphore. Les réflexions fondatrices de Laura Marks sur l’objet transnational et de D.W. Winnicott sur son célèbre objet transitionnel sont le point de départ et deviennent elles-mêmes la matière d’un film qui, loin pourtant d’être théorique, rend sensible les rapports de domination, de réification, de possession, et de fétichisation, liant contexte post-colonial et expérience intime du corps pour créer une expérience haptique. (CG)

Jeune femme à sa fenêtre lisant une lettre
Par la fenêtre on ne sait pas quel est le paysage. Une rue, un canal, la vue sur Delft, le port peut-être. On est à l’intérieur dans la lumière du jour. Au mur, les cartes de géographie sont plus grandes que les tableaux et pourtant nous ne savons pas où nous sommes. La femme est à la fenêtre. Elle est debout lisant une lettre. Elle ne sait plus quel est le paysage tant elle fixe la lettre. Ce pourrait être n’importe lequel, n’importe quel point sur la carte. (Jean-Claude Rousseau, hiver 1988)

Between my flesh and the world’s fingers
Talena Sanders (Liahona, FIDMarseille 2013) s’empare de la vie de Mary MacLane, auteure, cinéaste féministe et provocatrice américaine du tournant du XXe siècle, dont les écrits joyeux reflètent la personnalité insaisissable. Recomposition de l’univers d’une artiste sans pareil par une autre, le film fait se croiser écritures livresque et cinématographique, archives et reconstitution, passé et présent, tel un journal intime à plusieurs voix, traversé d’une énergie vitale qui fait sauter sur son passage les usages et les normes. (CG)

Cinéma Les Variétés
Le mercredi 11 juillet 2018 à 18h30
5/6 €
www.fidmarseille.org
37 rue Vincent Scotto
13001 Marseille
04 91 35 20 86
08 92 68 05 97

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

FIDMarseille 2018

FID back

 

La vingt-neuvième édition du FID, Festival International de Cinéma de Marseille, déploie une nouvelle programmation passionnante dans plus d’une douzaine de lieux de la cité phocéenne, et confirme, s’il était encore nécessaire, sa place incontournable parmi les festivals européens.

  L’un des festivals majeurs en France — dont peut s’enorgueillir d’ailleurs la cité phocéenne — a déroulé le programme de sa vingt-neuvième édition, qui transcende l’idée même de la diffusion cinématographique, devenant acteur d’une utopie historiographique de l’image en mouvement, durant laquelle le récit se crée à l’instant où il se découvre. Au fil des ans, le FID a non seulement (re)donné sens à l’acte même de montrer les films, par l’exigence dont il fait preuve, mais continue d’inscrire les œuvres dans l’environnement industriel de leur fabrication. Il y a là une forme d’acte (d’art ?) originel, un savoureux péché dont le cinéma s’est éloigné, et qui a cependant longtemps fait son essence. Se rendre au FID dépasse bien largement le seul plaisir cinéphilique, mais, prenant le contrepied de Walter Benjamin, achève une boucle en instillant magistralement le hic et nunc au cœur de chaque séance ancrée selon le philosophe dans la reproductibilité de l’image en mouvement. Une édition marquée cette année par trois figures tutélaires devenues sémiologiquement icônes : Isabelle Huppert, invitée du festival, la merveilleuse Edie Sedgwick — qui marqua les heures glorieuses de la Factory d’Andy Warhol — et feu le président du FID, Paul Otchakovsky-Laurens, dont le travail d’éditeur aura marqué en profondeur l’art littéraire. Impossible de dérouler ici une liste à la Prévert des cent cinquante invité.e.s de cette vingt-neuvième édition, mais citons Wang Bing, Luc Moullet, Jean-Pierre Beauviala, Pierre Creton ou Albert Serra, que nous aurons l’occasion de rencontrer au détour d’une projection. Les cent cinquante films présentés se répartiront au sein des diverses compétitions du festival, mais également lors des écrans parallèles et autres séances spéciales, à l’instar des années précédentes. Internationale, Française, Premier Film et GNCR, ces Compétitions proposent presque exclusivement des premières mondiales — l’une des conditions désormais incontournables pour avoir la chance d’être sélectionné au FID —, avec les nouveaux opus de Jorge León, Albert Serra, Peter Sant, Damir Cucic ou Véronique Aubouy, pour ne citer qu’eux. Le premier écran parallèle sera bien évidemment consacré à Isabelle Huppert, avec une vision kaléidoscopique de sa carrière le long de treize films triés sur le volet, dont les excellents Amateur d’Hal Hartley ou Passion de Jean-Luc Godard. De même pour Edie Sedgwick, dont nous aurons l’immense bonheur de (re)voir les Screen Test de Warhol et bien évidemment l’inoxydable The Chelsea Girls. La thématique « Livre d’image » explorera quant à elle les liens éminemment complexes et historiques entre la littérature — ou plus précisément le livre — et le cinéma. Une rencontre en lettre capitale, où il s’agit plus souvent d’écrire l’image que d’imager le texte. Citons par ailleurs « Make / remake », « Histoires(s) de portrait », la sélection musicale « We’re gonna rock him » ou « Les sentiers » comme autres pistes de découvertes cinéphiliques. Entre le FID Campus, le FID Lab ou les diverses tables rondes, cette nouvelle édition du festival laisse également une place importante à la question même du geste cinématographique, dans son long processus de création, pour une édition 2018 derechef pleine de promesses !  

Emmanuel Vigne

 

FIDMarseille : du 10 au 16/07 à Marseille. Rens. : www.fidmarseille.org