Lionel Briot, OM - Olympique Lyonnais, stade Vélodrome, Marseille, 16 août 2002, photographie issue de la série "Virage". © Lionel Briot / Adagp, Paris 2017

Nous sommes foot au Mucem

Football therapy

 

Sacralisé mais sujet à toutes les polémiques, le football n’en finit pas de cumuler les clichés. L’exposition Nous sommes foot ! au Mucem vient gentiment nuancer les idées figées quant à cette discipline mondialement pratiquée à l’aide d’une visite grave et ludique, entre ombres et lumières.

 

La discipline est simple, les règles bien ordonnées mais chaque score fait naître une fièvre souvent démesurée. Le football est, par essence, un sport intelligent et non excluant. Parce qu’il reflète mixité et engouement populaire, il est même devenu un acte citoyen permettant à de multiples civilisations de s’animer mutuellement.

L’exposition Nous Sommes Foot ! qui lui est consacrée au Mucem est un drôle de laboratoire où chaque volet interne raconte une histoire. Comme ces photos d’enfants pakistanais agglutinés autour d’un ballon, fatigués, ou ces ados de Casablanca improvisant, aux pieds d’une église, une partie religieusement intimiste. En fond sonore, d’une pièce à l’autre, les rugissements de supporters électrisés promettent une ambiance bien chauffée. C’est d’ailleurs toute la force de la tribune que nous retrouvons au cœur d’une salle obscure, à travers un mini reportage surprenant de vérité. En vidéo-projection, des cœurs qui battent, des êtres qui s’époumonent, des bouches béantes et des fumigènes venus colorer les gradins surpeuplés. Et s’il y a but ? C’est la terre qui se décroche et tremble. « Fascinant », vient commenter une spectatrice amusée. Le ton est donné.

Cette exploration nous montre finalement que football et générosité vont de pair, malgré les caricatures, et parfois même la colère. Pour convaincre et rassembler, ce sport n’a cessé de titiller les « armes » primaires de l’homme. Comme pour mieux justifier les dérives et animosités répétées. Ce fanatisme poussé à l’extrême, cette adoration tout à fait exceptionnelle, l’exposition y revient en dribblant subtilement entre différents supports médiatiques. La passe d’informations devient même décisive puisque l’amour du foot est une « pathologie » propre aux Marseillais. Ces derniers méritaient donc qu’on leur écrive ici un chapitre à part entière.

C’est avec frisson que nous (re)découvrons les Ultras, habitués aux messages engagés, souvent sociétaux et progressistes. Des groupuscules qui n’ont finalement rien à partager avec les hooligans, casseurs invétérés, rongés par bien des maux (homophobie, racisme, xénophobie) et obsédés par l’idée d’une suprématie. Saisissantes, les images des agissements violents commis à Marseille lors de l’Euro 2016 viennent quant à elles illustrer cette barbarie moderne.

C’est enfin à travers un prisme mondial que l’exposition dégaine des cartons rouges à la volée. Pointées du doigt par les médias, les grandes autorités footballistiques se défendent — non sans langue de bois — de la corruption qui les gangrène, de l’argent qu’elles dépensent de manière irraisonnée, des matchs truqués qu’elles organisent aisément. Ce sont aussi les « laissés pour compte » qui hurlent leur colère, comme de nombreux Brésiliens privés de leurs subventions lors de la Coupe du Monde 2014. Que l’idolâtrie devienne gouffre financier, personne n’avait osé y penser.

Et pourtant, football et résistance ont été intimement liés à travers l’histoire, en utilisant les stades comme vox populi pour mieux trancher sur la terreur et les conflits. Aujourd’hui, de nouvelles équipes voient le jour : souvent « sans genre », puisque les femmes s’imposent dans un univers prétendument macho, mais aussi foncièrement solidaires, à l’instar de l’association sportive Alma de Africa. Redorer le blason du football, c’est lui rendre ses caractéristiques intrinsèques : accessible, libérateur et, surtout, fédérateur.

Marseille étant résolument foot, l’exposition se révèle plus pertinente que jamais. Au sortir du Mucem, sur les pavés du Vieux-Port, une vingtaine de jambes fuselées font circuler la gonfle en fin de journée. Un peu plus loin, en devanture d’un bistrot bien fréquenté, l’ardoise du jour affiche un menu amer : le burger « Jean Neymar ». Au lendemain d’un clasico vibrant, les Marseillais dégustent et le font remarquer. Au foot comme dans la vie, une petite dose de théâtralité n’a jamais dérangé.

 

Pauline Puaux

 

Nous sommes foot : jusqu’au 12/02/2018 au Mucem (7 promenade Robert Laffont, 2e).

Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org