Walt dans Breaking Bad

Semaine de la pop philosophie

Temps de sagesse

A l’initiative des Rencontres Place Publique, journalistes, chercheurs, professeurs et écrivains décortiquent pendant une semaine sous le prisme de la philosophie ce qui fait notre quotidien : la culture pop.

 

Pour Gilles Deleuze, à l’origine du terme « Pop philosophie », c’est avant tout une affaire d’intensité : celle que l’on peut tirer des sujets contemporains soi-disant les plus anodins, pour mieux les élever par le questionnement. Cette philosophie est ainsi non seulement en évolution permanente, mais aussi en connexion directe avec l’individu. Le non initié sera forcément plus apte à pénétrer un monde conceptuel en prise avec son temps qu’un univers philosophique « classique » dont l’entrée requiert des codes moins abordables.
La philosophie se confronte alors à ce qui lui est a priori le plus étranger : la culture populaire.
D’une certaine manière, la pop philosophie montre que l’on peut philosopher sur et avec tout : du smartphone à Nabilla, en passant par les hipsters ou le Ice Bucket Challenge.
Les thèmes de cette sixième édition contenteront tous les goûts avec pas moins de vingt conférences-débats et trois grandes soirées autour de la télévision, des mathématiques et de la mode. A titre d’exemple, chacun pourra choisir, à la carte ou au menu, de naviguer entre la réalité et la virtualité des sites de rencontres, de mieux comprendre le retour en grâce philosophique des séries télé, de découvrir la physique du rugby, de se révéler à travers ses courses alimentaires ou de penser le vêtement.
Pour autant, la pop philosophie doit veiller à rester accessible au plus grand nombre plutôt que d’appliquer une lecture élitiste à des notions populaires. Gageons que les intervenants de cette sixième édition répondront à ces attentes.

Guillaume Arias

 

Semaine de la pop philosophie : du 20 au 25/10 à Marseille.
Rens. : 04 91 90 08 55 / www.semainedelapopphilosophie.fr

La programmation détaillée de la Semaine de la Pop Philosophie ici

 


 

L’interview
François Jost

 

Phénomène incontournable de la pop culture, les séries télé sont plus ou moins à l’origine de la manifestation créée par Jacques Serrano. François Jost, professeur à la Sorbonne, a bien voulu se prêter au jeu des questions en série.

 

Au Moyen Âge, le terme divertissement désignait l’action financière de détourner à son propre profit une part de l’héritage. Quelles que soient les évolutions successives de sa définition, on retrouve partout cette idée de « détournement ». De quoi les séries télé nous détournent-elles ?
On peut bien sûr considérer que les séries appartiennent au divertissement et, en tant que telles, elles sont une parenthèse dans notre vie active. Mais je pense qu’il est très réducteur de ne les considérer que comme divertissement. Elles répondent à un besoin de connaissance. Elles apportent du savoir, du savoir-faire, du savoir être et c’est cela qui nous fascine.

 

Les séries télé disposent d’un temps plus long qu’au cinéma pour développer intrigue et psychologie des personnages. Serait-ce une volonté d’imiter de mieux en mieux la nature (humaine) ?
Si, pendant des siècles, l’art a cherché à imiter la nature, on est sorti de cette esthétique depuis un bout de temps et je ne crois pas que ce soit le but des séries d’imiter la « nature humaine », à laquelle, d’ailleurs, je ne crois pas beaucoup. Les séries ne sont pas des reflets de la société, mais des symptômes de processus, de valeurs, qui ne se donnent pas comme une simple image dans un miroir. Si les séries américaines sont si intéressantes, ce n’est pas seulement pour leur « réalisme », qu’on met toujours en avant, mais pour leur art du scénario.

 

Par le principe même de « l’épisode », les séries instaurent un lien très particulier avec le spectateur qui a « rendez-vous » pour le prochain numéro. S’agit-il d’un enfermement ou d’une ouverture pour lui ?
Pour moi, toute fiction est un pays dans lequel on aime plus ou moins se perdre. Dans certains, on a envie de rester, dans d’autres de prendre la fuite. Quant au rendez-vous au prochain numéro, c’est une pratique parmi d’autres. Aujourd’hui, les sériephiles favorisent les situations dans lesquelles ils peuvent dévorer de nombreux épisodes à la suite.

 

Un « méchant » dans une série télé peut devenir attachant. Cette impression serait-elle liée à une part inavouable de méchanceté au cœur de l’être humain qui nous ferait ressentir cette proximité ?
C’est en fait beaucoup plus complexe que cela car les personnages sont plusieurs personnes à la fois. Un personnage comme Harpagon, dans l’Avare, était méchant avec tout le monde en raison de son avarice. On pouvait donc le rejeter en bloc. Au contraire, Walter White, dans Breaking Bad, est à la fois un hors-la-loi (il fabrique de la drogue) et un bon père de famille et un mari aimant. Ces dernières qualités nous attachent à lui et nous font accepter son comportement délinquant.

 

Propos recueillis par Guillaume Arias

A lire :
– De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme? (CNRS éditions)
– Les Nouveaux méchants (Bayard), à paraître début 2015