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Rentrée des crasses

En cette rentrée, on ne peut pas dire que le secteur associatif soit à la fête (lire notre article). Déjà depuis quelques temps, on constatait une baisse des dotations de la part des collectivités à destination des associations. La faute peut-être, aux lois de décentralisation : les institutions locales se voient attribuer des missions sans un transfert de moyens adéquats. Peut-être aussi à cause de choix hasardeux (1)).

Or, la « trêve » estivale a été le théâtre de deux mesures gouvernementales dont l’application se révèle résolument hostile aux associations. Début août, la nécessaire loi sur la moralisation de la vie politique enterrait la réserve parlementaire dont bénéficiaient députés et sénateurs (entre 130 000 et 150 000 euros par élu). Cette cagnotte, dépensée à discrétion, alimentait une suspicion d’utilisation à but clientéliste. Problème : le milieu associatif faisait partie des bénéficiaires, trouvant là une relative compensation à la baisse, voire à l’absence de subvention.

Le coup de grâce vient d’être donné avec la fin des emplois aidés, qui permettaient l’embauche de personnes éloignées de l’emploi moyennant une aide de l’État (pour les associations mais aussi la police, l’Éducation nationale et les entreprises). La ministre du travail, Muriel Pénicaud, considère que cela coûte trop cher (un peu plus de 3 milliards d’euros en 2016) (2). Et le président d’ajouter : « Il s’agit trop souvent d’une perversion de la politique de l’emploi… une subvention déguisée vers les collectivités locales ou le secteur associatif. (3)» Et alors ?, a-t-on envie de lui répondre. Car c’est avant tout une question idéologique. Ironiquement, l’exonération de l’ISF sur les valeurs mobilières (c’est-à-dire les revenus du capital), prévue par le même gouvernement, coûtera 3 milliards d’euros. On appellerait bien ça « une subvention déguisée vers ceux qui gagnent déjà pas mal d’argent ». Or, si les emplois aidés représentent une dépense directement injectée dans l’économie française (4), l’exonération de l’ISF sur les valeurs mobilières est une mesure destinée à inciter les plus hauts revenus à investir dans les entreprises françaises cotées en bourse… Sans que rien ne les y oblige.

Il s’agit juste de rappeler ici que le milieu associatif, à majorité bénévole, ne doit pas s’évaluer en terme de coûts, car il œuvre au bien commun : il participe à la cohésion sociale, fédère, pacifie, éduque, forme, divertit et ajoute de l’humain dans une société brutale et individualiste. Et tout ça, c’est bon pour les comptes de la sécu !

 

Damien Bœuf

 

Notes
  1. On pense à la Villa Méditerranée qui, en sus des 70 millions d’euros dépensés pour sa construction, nécessite 4,4 millions d’euros annuels pour son fonctionnement. Sans compter une patinoire à 50 millions d’euros, qui nécessite plus de 3 millions annuels de la part du contribuable (qui compense ainsi le déficit d’exploitation de la DSP)… Et on ne mentionnera même pas le Stade Vélodrome… (sources : Marsactu[]
  2. Au centre d’une enquête ouverte par le parquet de Paris « visant des faits éventuels de favoritisme, de complicité et de recel » sur la French Tech Night de Las Vegas[]
  3. Dans une interview pour Le Point[]
  4. L’employeur paie quand même des cotisations sociales et le salarié consomme et paie de la TVA en dépensant son salaire. Rappelons que les associations sont à but non lucratif, ne thésaurisent pas et donc dépensent tout leur chiffre d’affaire.[]