Pascal Navarro - Boîte n°5 : Chambre d’écho à l’Espace Culture

Pascal Navarro – Boîte n°5 : Chambre d’écho à l’Espace Culture

expo-navarro.jpg

Les mots pour le dire

A l’Espace Culture, CompleX invite Pascal Navarro, qui fait de la « boîte » le lieu et l’instant d’un dialogue entre ses images et les mots d’Annie Ernaux. L’installation Chambre d’écho occasionne un jeu qui s’opère autour des souvenirs, les leurs, mais aussi les nôtres…

Il n’est pas de souvenirs qui ne nous laissent d’images, une représentation visuelle que l’on utilise pour rendre sensible une idée abstraite. Cette image suffit parfois à ranimer nos sens…
Dans son livre Les années, Annie Ernaux tente de fixer pour l’éternité ce qui disparaîtra. « Toutes les images disparaîtront », ainsi que les mots les décrivant, et ceux décrivant la personne qui les prononçait…
Pascal Navarro a pensé son installation comme un chiasme entre les images créées à partir des mots d’Annie Ernaux, eux-mêmes nés de photographies décrites par l’écrivain. Pourtant, dans Chambre d’écho, les images n’en sont pas. Il s’agit davantage d’images mentales, provoquées par les phrases conditionnées par « la mise en regard » de l’artiste. Si l’œuvre trouve bien son sujet dans l’écriture, les mots ne sont pas le prétexte d’un processus. Après avoir trouvé une résonance particulière avec le travail du plasticien, ils dictent ici ce que Pascal Navarro nous donne à voir. Le contenant répond au contenu. L’artiste privilégie un geste sobre et minimal qui réunit son goût pour l’émerveillement, dont il ne peut se résoudre à priver l’œuvre d’art, et son goût pour la disparition, qu’il traite ici de façon inédite. Il favorise une approche formelle, offrant aux phrases d’Annie Ernaux une mise en espace qui allie une réflexion et une approche spatiale, plastique, esthétique, sonore et quelque chose de l’ordre de l’intime…
Dans chambre d’écho, tout concourt à l’anamnèse (1) du regardeur. L’installation impose un temps, celui de la durée de la projection. Durée pendant laquelle le temps s’écoule à l’extérieur de l’œuvre, mais sans nous. Un temps de retrait qui fait écho à celui, nécessaire, à la création, pendant lequel, après avoir participé aux choses du monde, l’artiste s’en abstrait pour les restituer. « Le moment où l’on n’est plus dans la fête », dit Annie Ernaux. L’œuvre impose aussi une musique et un rythme. Le rythme sonore du projecteur diapo fait écho à celui, visuel, des phrases qui surgissent et s’éteignent lentement… Un rythme qui souligne que la disparition semble la condition sine qua non à l’apparition, qui entérine la vanité des choses semblant ici inéluctable… La musique du projecteur n’appartient déjà plus à notre époque. Le son permet à Pascal Navarro de matérialiser une idée récurrente dans son travail qui serait celle du chevauchement des différents temps de l’existence. Dans Chambre d’écho, le temps n’est plus linéaire, il est cyclique… Les époques se mêlent et se mélangent, sous nos yeux, écrites en vert sur le mur et dans le ravivement de souvenirs ramenés au temps présent par une phrase, ou une image…
Le processus de rémanence utilisé par l’artiste pour faire mourir ses images à petit feu opère aussi à un tout autre niveau. Car même sorties de la boîte, les images de Pascal Navarro perdurent et se gravent dans nos mémoires, les phrases meurent et ressuscitent une seconde fois…

Céline Ghislery

Pascal Navarro – Boîte n°5 : Chambre d’écho : jusqu’au 28/02 à l’Espace Culture (42 La Canebière, 1er). Rens. 09 54 92 23 21 / www.complexmarseille.fr

Notes
  1. L’anamnèse (en grec, « souvenir ») est le récit des antécédents.[]