Opératour par le collectif Ici-Même

L’Interview
Corine Pontier (Ici-Même)

 

Leur art : les « usages déplacés ». Leur credo : agir sur nos mécaniques perceptives et changer notre vision. A l’invitation du Merlan, les Grenoblois d’Ici-Même (Tous travaux d’art) reviennent à Marseille pour un mois et demi d’expériences déroutantes à ciel ouvert, de jour comme de nuit. Rencontre avec la directrice artistique du collectif.

 

Le projet Opératour relève d’une intention très atypique de placer l’art en tant qu’expérience sensorielle, comme vecteur d’interactions humaines… Comment vous est venue cette idée ?
L’idée du projet, c’est d’abord d’ouvrir une fenêtre sur un grand Marseille, en ne se contentant pas de faire un zoom sur un lieu précis, mais sur plusieurs espaces qui racontent cette ville. On cherche à extirper de nos expériences locales quelque chose de très générique, qu’on pourrait retrouver ailleurs. On a déjà expérimenté certaines de nos propositions (les Concerts de sons de ville, les Marches de nuits, les Marches les yeux fermés…) dans d’autres villes, et à l’étranger aussi. C’est à la fois intéressant et déroutant pour les participants.

Votre programme paraît riche et, surtout, très complexe. Pouvez-vous aider nos lecteurs à le défricher un peu ?
En fait, ce qu’on propose est très simple. C’est un voyage, une immersion dans un bain d’images et de sons qui, au lieu de se passer dans un « intérieur théâtre », se passe dans un « extérieur ». Ces voyages sonores, les Concerts de sons de ville, ont déjà été proposés dans des espaces publics, auprès de personnes pas nécessairement préparées pour ses expériences, ce qui nous a permis de s’assurer que nos propositions étaient très accessibles. Il suffit de se laisser guider et d’embarquer pour une excursion sensorielle, supposée réveiller notre curiosité. D’où l’intérêt de ne pas en dire trop. Mais aussi accessibles qu’elles soient, les expériences proposées doivent être vécues en petit comité. Tout est construit sur mesure et pensé pour une certaine proximité. D’où notre choix d’étendre l’opération sur une longue période, afin de pouvoir accueillir le plus grand nombre de spectateurs.

Vous proposez aussi des événements en intérieurs, comme le Foundouk, qui occupera l’ensemble des locaux du Merlan. En quoi cela va-t-il consister ?
Le Foundouk, c’est la possibilité de se plonger en immersion totale durant plusieurs jours, avec des marches d’intérieur, des nuits sur le plateau du théâtre, et un accès à l’hypermédiathèque aussi. L’an passé, on avait déjà programmé Les Nuits du Merlan, qui proposaient de passer des nuits sur le plateau, et on avait eu de supers retours. Des participants d’autres villes, qui étaient venus découvrir Marseille selon nos dispositifs, nous ont inspirés pour créer les Décalages horaires. C’est une création inédite pour le projet Opératour, une vraie invitation à venir partager un moment, que nous tenons à garder secrète, mais qui sera, en somme, un croisement de publics. Nous voudrions en dire plus, mais les expériences proposées n’auront plus le même impact si les spectateurs y sont préparés. L’idée est vraiment de venir surprendre les participants dans leur perception de la ville et des interactions qui s’y passent.

Votre travail évoque d’ordinaire la performance autour des perceptions sonores et sensorielles. Mais les comportements humains et leurs complexités ne sont-ils pas la véritable matière première de vos « Travaux d’arts » ?
Ce qui nous intéresse, c’est l’état du spectateur. Comment des expériences et des sensations peuvent fabriquer un état de corps et un état des perceptions qui bougent. C’est ce changement qui est, à notre sens, intéressant d’observer et d’écouter. Depuis toujours, on nous dit qu’avec Ici-Même, on fait un travail sur la ville, alors qu’en fait, on s’intéresse surtout aux usages et aux usagers. Pas les habitants, les usagers. A commencer par nous-mêmes.

Pour ce grand projet, vous avez décidé d’élargir votre équipe…
Oui, on a eu envie d’inviter plein de Marseillais à nous rejoindre, ce qui fait toute la force de ce projet. On a une vraie complicité de lecture de la ville et on trouve intéressant de croiser les regards.

Le week-end d’ouverture sera le premier temps fort de l’Opératour. Comment inciter les potentiels participants à tenter l’aventure ?
Pour le lancement de l’Opératour, on propose ce qu’on a appelé les Traversées d’extrémité. C’est une marche prévue sur un ou deux jours, selon le choix de chacun, pour traverser la ville d’un point A à un point B en essayant de tracer un trajet avec ce qu’on appelle un « outil d’exploration ». Encore une fois, je ne rentre pas trop dans les détails pour garder l’effet de surprise…

Propos recueillis par Sylvia Ceccato

 

Opératour par le collectif Ici-Même (Tous travaux d’art) : du 12/04 au 25/05 à Marseille.
Rens. 04 91 11 19 20 / www.merlan.org

Pour en savoir plus : www.icimeme.org