Les plaies de Fukushima de Emmanuel Lepage

Nocturnes, le rêve dans la bande dessinée et La Bande Dessinée Reportage à la Bibliothèque Départementale Gaston Deffere

Bandes à part

 

Décidément, la bande dessinée a le vent en poupe… Outre les festivals dédiés, la bibliothèque ABD Gaston Deferre se pare de deux expositions, consacrées au rêve et à la bande dessinée reportage.

 

Dur de ne pas penser, en appréhendant la première des deux expositions, à Little Nemo, figure par excellence du récit onirique dans le 9e Art : les aventures du petit garçon pendant son sommeil forment des narrations forcément débridées qui se terminent systématiquement au réveil. Il s’agit là d’un exemple, certes emblématique, du rêve dans la BD, mais loin d’être le seul axe par lequel il est ici traité. Car on peut difficilement parler de représentation du rêve, par essence multiple et protéiforme, tout comme il est difficile de désigner cela comme un sujet ou encore un genre. Loin de répondre à une écriture codifiée, le rêve se présente davantage comme un terrain de jeu, offrant une totale liberté de style et de ton. Cette difficulté prévisible à organiser un fil de réflexion dans la scénographie de l’exposition se traduit par les différentes parties relativement fourre-tout (Rêves d’enfants, Autres rêves et Cauchemars), mais qui offrent une jolie opportunité de revoir des planches de pointures de la bande dessinée comme Franquin, Hergé, Moebius, Hugo Pratt et bien d’autres… Des éléments en 3D et des sculptures/installations rehaussent l’exposition de façon un peu illustrative mais appropriée. La dernière partie, Journal de rêve, dans laquelle les auteurs abordent leurs propres rêveries, semble alors jouer comme ce moment où, au sortir du sommeil, on tente d’organiser les images qui se sont formées et de leur donner un sens : on sort alors de la salle avec un petit quelque chose de confus, comme encore imprégnés des images de la nuit…
Mouvement relativement récent, la bande dessinée reportage ou documentaire a quant à elle réellement obtenu ses lettres de noblesse avec Joe Sacco (journaliste dessinateur américain aux images en noir et blanc à la Robert Crumb) et son témoignage immersif bouleversant sur la Cisjordanie en 1993. Il y avait cependant eu des prémices : l’opus Le Photographe de Didier Lefèvre, Emmanuel Guibert et Frédéric Lemercier sur la guerre de 1986 en Afghanistan dans les années 80, qui faisait de la bande dessinée une sorte de nouveau témoignage, comme pour tenter de souligner ce manque d’objectivité que porte en lui le médium photographique. Ces rapports entre dessin et photographie, explorés au début de l’exposition, attestent de la difficulté générale à accorder à l’image dessinée seule la fonction de document journalistique. Notons des divergences à ce niveau : certains auteurs se considèrent d’abord comme dessinateurs, d’autres comme journalistes, quand d’autres encore travaillent en binôme. Tout comme les auteurs n’ont pas tous le même rapport à leur placement dans le récit, preuve de la multiplicité de leurs positionnements vis-à-vis du sujet et du lectorat. Les terrains explorés sont variés et les pistes multiples, et l’exposition offre une belle occasion de découvrir les nouveaux chemins qu’est en train de prendre l’image dessinée. Car cet exercice confère une certaine noblesse au genre, et la nécessité à être en prise directe avec des enjeux politiques et sociaux permet autant de fortes aventures humaines que de riches productions… Sans remplacer les reportages journalistiques plus classiques, cela semble augurer un décloisonnement entre des productions sérieuses et objectives et un genre longtemps cantonné au domaine du loisir et de la distraction.

Estelle Wierzbicki

 

Nocturnes, le rêve dans la bande dessinée et La Bande Dessinée Reportage : jusqu’au 18/07 à la Bibliothèque Départementale Gaston Deffere. (20, rue Mirès, 3e).
Rens. : 04 13 31 82 00 / www.biblio13.fr

 

 

 

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