Un mur de la L2

Les murs de la L2

De vives voies

 

La rocade L2 reliant l’autoroute Nord à celle de l’Est, dont l’ouverture est prévue pour l’été 2016, sera pour les automobilistes l’occasion d’apprécier le talentueux travail d’une douzaine d’artistes français, acteurs engagés dans la scène street art locale et internationale. Un tremplin urbain à grande vitesse.

 

La culture urbaine prend un virage à 180 degrés avec ce projet de grande envergure issu du partenariat entre la Société de la Rocade L2 de Marseille (représentée par son directeur général Inouk Moncorgé) et l’association Planète Emergences, créée en 2000 par Gérard Paquet. Le projet des murs de la L2 a mis à contribution la créativité des artistes et les moyens des professionnels de l’urbanisme pour réaliser dans un espace public atypique une œuvre aux dimensions monumentales. Au niveau de huit échangeurs qui jalonnent la portion d’autoroute, les hauts murs de béton bordant les quatre voies encore inusitées par le grand public ont pris, au gré des interventions successives, des allures de gigantesques tableaux. Un véritable laboratoire artistique y est à l’œuvre depuis deux ans. Du pur style pictural issu de la tradition du graff en passant par des univers flirtant avec la bande dessinée, le tatoo, le lettrisme et le graphisme, les différentes approches et techniques d’art mural qui se croisent dans le projet mettent en lumière un art longtemps opérant « en marge » des circuits institutionnels. On reconnaîtra ainsi la patte de plusieurs figures de la scène street art, accompagnées pour le projet par l’artiste et directeur artistique Jean Faucheur. Parmi eux, Dire du Crew 132 (Marseille-Paris) trace un pont entre le microcosme et le macrocosme avec ses fourmis géantes. Les PM, crew historique marseillais, relient le mouvement du graffiti sauvage originel à sa dimension stylisée et ornementale actuelle. L’Outsider nous ouvre les portes d’un univers multicolore fait d’abstraction et de géométrie. Jace, qui s’est attaqué à la plus grande fresque d’Europe jamais réalisée par un seul artiste, plonge l’environnement dans un univers marin peuplé de gouzous (1). Quelques kilomètres plus loin, Noyps et Veter développent un langage en duo entre bestiaire et tatoo. Et Seth donne vie à des enfants géants marchant vers l’infini. YZ, exception féminine parmi l’ensemble des artistes, s’illustre avec une technique du lavis alliant contraste et finesse. On attend donc les beaux jours pour rouler au volant de sa voiture les fenêtres grandes ouvertes et admirer le fruit de ce travail colossal. Et tant pis pour les piétons.

Morgane Lagorce

 

 

 

Notes
  1. Les gouzous sont de petits personnages anthropomorphes surgissant fréquemment sous la forme de collages ou plus souvent de graffitis dans l’espace urbain réunionnais[]