Manger de Boris Charmatz © Ursula Kaufmann

Marseille Objectif Danse

Brut de décoffrage

Marseille Objectif Danse programme ce mois-ci la venue des chorégraphes Boris Charmatz et Tino Sehgal. L’occasion de se pencher sur deux fortes personnalités de la « non danse » pour lesquels les gestes du quotidien refoulent les petits pas vers une histoire du passé.

 

Boritz Charmatz a commencé la danse à l’école de l’Opéra de Paris avant de rejoindre la compagnie de Régine Chopinot en tant qu’interprète. De cette formation, car Chopinot est aussi une école du corps, il semblerait que Boris Charmatz ait choisi de se construire en tant que chorégraphe dans des directions opposées. D’ailleurs, on ne devient pas directeur du CCN de Rennes par hasard. Ce qui pointe dans son travail, c’est d’abord l’absence de pas comptés ; l’interprète est un individu lambda dessinant une masse au contact d’autres individus et dont la préoccupation première est d’être au plus proche de ses envies. Dans la pièce Manger, il est tout simplement question de manger, mais comment l’organiser sur scène, comment dépasser la seule signification du verbe ? Là, se pose la question du collectif et de la répétition, du travail de groupe. Boris Charmatz emmène le danseur vers ce qui le détermine, ce qui le pose et l’assied en tant qu’individu. Le travail devient multiple et non fermé, chacun affirme sa personnalité dans des différences de corpulence et de gestuelle. Tout est brut et rien ne s’égare dans le romantisme d’une délicatesse portée du bout des doigts à la manière d’un bras porté. La danse retourne vers le performatif et s’entremêle avec l’histoire récente des artistes autrichiens et allemands qui utilisaient le musée comme lieu d’exploration du corps dans un dénuement total et où la scarification était souvent de mise. Ce n’est d’ailleurs pas anodin que Manger se joue dans le cadre de l’exposition Food au MuCEM… Quant à Tino Sehgal, ses collaborations en tant qu’interprète avec Jérôme Bel et les Ballets C de la B nous invitent à mesurer l’impact d’une recherche de la radicalité. Dans le désir d’une danse qui avance à la rencontre du théâtre, les préoccupations du quotidien deviennent une dramaturgie en soi. J’urine sur scène (Jérôme Bel), je fume une cigarette (Alain Platel). Josette Pisani, la directrice de MOD, n’aime pas regarder la danse comme les autres, ça se vérifie encore et c’est tant mieux.

Karim Grandi-Baupain

(sans titre) (2000) de Tino Sehgal : les 27 et 28/02 à la Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).
Manger de Boris Charmatz : le 28/02 au MuCEM (Esplanade du J4, 2e).
Rens. : 04 95 04 96 42 / www.marseille-objectif-danse.org

Pour en (sa)voir plus : www.borischarmatz.org / www.facebook.com/pages/Tino-Sehgal/43236095973