Jean-Marc Aymes et Maria Cristina Kiehr © Marie Eve Brouet

Mars en Baroque 2017

Hier et aujourd’hui

 

Le baroque ténébreux des memento mori du peintre Caravage ou du compositeur Gesualdo côtoie un élan vers des mystères joyeux ; un baroque d’extases et de ravissements aux héroïnes lumineuses, au contrepoint céleste. Il sonne également la trompe de réjouissances somptuaires et fourmille de voluptés où profane et sacré interfèrent. Jean-Marc Aymes, ordonnateur des Menus Plaisirs du Festival Mars en Baroque, nous invite à venir saisir ce que nous cachent ces clairs-obscurs, ces trompe-l’œil (ou oreille) : les artifices de cette diversité. L’édition 2017 du festival ouvre ses rideaux sur le spectaculaire théâtre d’un art de la passion et de la représentation où passé et présent se conjuguent en même temps.

 

25

Mais d’abord soufflons les bougies ! Concerto Soave fête ses vingt-cinq ans d’activités musicales. De la rencontre du claveciniste Jean-Marc Aymes et de la soprano Maria Cristina Kiehr naissait cet ensemble musical dont le nom de baptême semble directement inspiré par la délicatesse du timbre et les soyeuses inflexions vocales de sa co-fondatrice. Celle-ci apportera, dans les Leçons de ténèbres d’Orient et d’Occident pour ensemble baroque et oriental, la patine charnelle de sa voix comme un viatique aux lamentations du prophète Jérémie, alternant les partitions de Frescobaldi ou de Carissimi et les Exercices de lumière, création du compositeur Zad Moultaka (Abbaye de Saint-Victor, le 3 mars). Une autre confluence des temps réunira six musiciens de Concerto Soave et six chanteurs de Musicatreize dirigés par Roland Hayrabedian autour de la fascinante modernité des madrigaux du prince Gesualdo et la création Il Canto della Tenebra de Luca Antignani (Salle Musicatreize, le 31 mars). La filiation baroque se déclinera également sur le thème de l’évolution du violon, de sa facture et de son jeu, au moyen d’une série de manifestations culminant avec le concert du virtuose Francesco d’Orazio dans un programme qui enjambera quatre siècles d’histoire de la musique (Salle Musicatreize, le 4 mars).

 

450

Autre célébration, le 450e anniversaire de la naissance de Claudio Monteverdi (1567-1643), illustre compositeur de musique vocale dont l’Orfeo (1607) ouvrait à l’opéra l’avenir qu’on lui connaît. Mais c’est à son œuvre chorégraphique, les Balli, que Concerto Soave et le Ballet National de Marseille rendront hommage dans une originale et fructueuse première collaboration (BNM, du 9 au 12 mars). Sanctuaire des émotions et des expériences personnelles du compositeur, les duos et trios vocaux avec basse continue cheminent avec ses joies, ses douleurs et ses interrogations. Les sopranos Lina Marcela Lopez, Lise Viricel et le baryton Romain Bockler effeuilleront les pages de ce journal tout de grâce poétique recueilli (ABD Gaston Deferre, le 17 mars). Monteverdi sera également à l’affiche avec d’autres chantres de l’amour profane ; émois printaniers et premiers soupirs interprétés par deux citoyens de Tendre(1)) : Jean-Marc Aymes et Maria Cristina Kiehr (Salle Musicatreize, le 23 mars).

 

500

Le 31 octobre 1517, Martin Luther affichait ses 95 thèses contre les indulgences sur la porte de l’église du château de Wittenberg (Saxe). La naissance du protestantisme dressait une autre partition des nations, traçant de nouvelles frontières pour les images et les sons. Mars en Baroque commémore les 500 ans de la Réforme en mettant en regard les jeux d’oppositions et d’influences entre la musique sacrée des deux religions, le génie et le style des artistes « de Venise à Dresde, de Monteverdi à Schutz » (Temple Grignan, le 25 mars). Effets directs de la contre-réforme, les oraisons de Bossuet illustrent l’amour de Madeleine pour Jésus avec de troublantes résonnances sensuelles auxquelles Benjamin Lazare, récitant, et Maria Cristina Kiehr feront écho sous l’immense toile Madeleine enlevée par des anges, peinte par Michel Serre (1658-1733), dont la restauration achevée en 2016 a rendu toute la force évocatrice (Eglise des Chartreux, le 15 mars).

Conférences, projections, dégustations… mettant en valeur différentes pratiques artistiques (peinture, littérature, architecture… et pâtisserie) viendront compléter le florilège d’un festival mis en mouvement par des esprits inventifs et entreprenants, à l’image de ces cénacles d’artistes qui, à l’aube du 17e siècle, exploraient de nouvelles façons de composer.

Mais aussi admirables fussent-elles, les œuvres d’hier ne doivent pas tempérer notre appétit pour celles d’aujourd’hui : la nouvelle musique et la nouvelle manière de l’écrire (2)). Merci à Mars en Baroque d’en témoigner.

 

Roland Yvanez

 

Mars en Baroque : du 1er au 31/03 à Marseille.
Rens. : 08 92 68 36 22 / www.marsenbaroque.com

Le programme complet de Mars en Baroque ici

 

 

 

 

Notes
  1. La carte de Tendre, Mme de Scudéry (1607-1701[]
  2. Nuove Musiche e nuova maniera di scriverle (Giulio Caccini, Florence, 1614[]