Alger 18h46, le 3 novembre 2013 de Marie Bovo

Marie Bovo – La Danse de l’Ours au FRAC

Le ciel, les oiseaux et tanières

 

Au FRAC, la photographe Marie Bovo se penche sur des espaces à la définition floue, montrant avec une certaine immanence comment l’humain s’empare ce type de lieux.

 

On saisit d’emblée le rapport à l’ours qui donne son titre à l’exposition : un film montre un ours enfermé, piétinant dans une cage exiguë. Les dimensions du dispositif de projection, un cube à taille humaine, créent immédiatement un rapport à notre corps, et on ne peut que ressentir de manière compatissante et honteuse le malaise de l’animal. Cependant, outre exprimer cette gêne évidente, ses mouvements semblent, avec la répétitivité, prendre la forme d’une danse, d’un mouvement rituel. La présence de l’animal jouerait en fait comme l’image du mendiant, siégeant à l’entrée de l’église qu’est l’espace d’exposition.
A l’intérieur, il y a effectivement quelque chose de l’ordre de l’ambiance des lieux religieux. Les hauts murs et la lumière verticale subliment les séries photographiques exposées qui tiennent également du désincarné. La première série, Alger (dont chaque tirage est complété par la date et l’heure du cliché), représente des vues d’intérieurs d’immeubles. Toutes les images sont similaires dans leurs compositions, mais varient dans les détails (vue de la fenêtre, motif de la tapisserie, intensité du soleil et de l’éclairage…). A côté, la superbe série des Jours blancs montre des plages désertes où ciel, mer et terre se fondent en motifs abstraits, révélant la géométrie des empreintes sur le sable. La série Cours intérieures forme pour sa part des déclinaisons de vues du ciel dans une cour : la composition carré est traversée par les lignes de cordes à linge et reste immuable, tandis que la luminosité et la couleur du ciel changent, créant des ambiances touchant au surréalisme.
A l’étage, deux autres séries se font face, chacune disant quelque chose de différent sur les rapports de l’humain au lieu. La première, La Voie de chemin de fer, capte les traces de l’occupation par des Roms d’une voie ferrée désaffectée, formant des motifs colorés et géométriques, où la lumière, changeant selon l’heure de prise de vue, donne une vraie plastique aux images. Ces images, certes dénuées de figure humaine, laissent entrevoir la capacité de l’homme à réinvestir sans cesse de nouveaux espaces et à réinventer leurs significations. En contrepoint, l’autre série, Grisailles, également désincarnée, vient fixer les ornements de l’intérieur d’une maison bourgeoise inhabitée : malgré le faste de l’édifice, l’espace est désert et la palette chromatique ne varie pas du gris…
On retrouve ce regard dans la vidéo de la Porte d’Aix, à Marseille, gigantesque et bruyant rond-point où viennent pourtant se vivre des instants et se croiser des existences. Bien que l’on ne retrouve pas dans cette vidéo la beauté immaculée des clichés photographiques, elle forme une part d’un ensemble cohérent et sensible où l’artiste s’efforce de révéler la beauté de ces lieux en attente d’affectation, ainsi que la prégnance des traces qui les traversent comme autant de vestiges de vies.

 Estelle Wierzbicki

 

Marie Bovo – La Danse de l’Ours : jusqu’au 13/06 au FRAC (20 boulevard de Dunkerque, 2e).
Rens.: 04 91 91 27 55 / www.fracpaca.org

Pour en (sa)voir plus : www.kamelmennour.com