Lorenzaccio © Pierre Grosbois

Lorenzaccio par la Cie Marnas au Théâtre du Gymnase

Une nuit au Musset

 

Le courage est une denrée rare qui nécessite parfois d’adopter un double jeu pour arriver à ses fins, quand bien même celles-ci étaient vouées à l’échec. C’est ce dont traite Lorenzaccio, dans une mise en scène contemporaine signée Catherine Marnas, qui montre que la nature humaine sera toujours pervertie par le pouvoir.

 

En 1834, Alfred de Musset écrit Lorenzaccio, un drame en cinq actes où se mêlent les thèmes classiques de la tragédie romantique, entre amour contrarié, trahison et vengeance. Cette pièce, qui se déroule en 1537, narre la tentative désespérée de Lorenzo de Médicis pour restaurer la république en assassinant son cousin le duc Alexandre, qui règne en tyran sur la ville de Florence. Ainsi, derrière Lorenzaccio, compagnon de débauche du duc, se cache Lorenzo, idéaliste poète qui n’aura jamais réussi à susciter l’adhésion des Florentins. L’adaptation de Catherine Marnas affirme un ancrage contemporain fort. Le texte est respecté à la lettre mais les débauches orgiaques du duc se présentent comme des fêtes du milieu de la nuit, musique électronique et drogue à l’appui. Les comédiens endossent différents costumes et personnages qui changent d’attitude au cours de la pièce. L’objectif est ici de faire écho à la duplicité du jeu de Lorenzo/Lorenzaccio, à ses hésitations entre espoir et désespoir, passivité et action. C’est ainsi que « Lorenzo jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d’Alexandre. » C’est bien parce qu’il est le personnage central et que ses multiples pensées doivent sortir sous une forme brute, sans passer par l’artifice de plusieurs comédiens, qu’un seul acteur, Vincent Dissez, l’interprète. La question du double se retrouve d’ailleurs dans le son, avec des voix off qui s’invitent par moments dans la mise en scène, et par le décor, divisé en deux : de face par la couleur, et de profil par la matière. Un rideau de plastique transparent partage en effet la scène, permettant de superposer des situations se déroulant à distance, entre la clameur de la rue et l’intimité de la perfidie ou, à proximité, entre deux pièces, quand le Cardinal Cibo écoute aux portes de la Marquise. Les deux heures de la pièce et la multiplication des intrigues croisées amènent néanmoins à une certaine confusion chez le spectateur, qui a parfois du mal à suivre le fil conducteur de l’histoire. Il est finalement frustrant que longueur et confusion éclipsent quelque peu une grande force de la mise en scène. Les mots sont articulés pleinement, avec des changements d’intonations et de rythme qui extériorisent la personnalité voulue, de l’innocence à la cruauté. Et si nous n’avions pas saisi que le poids de certains mots est plus important que d’autres, que la vie de la cour ressemble fort à un spectacle de variétés, l’usage épisodique d’un micro est là pour nous le rappeler. Mais nulle place n’est réservée à la farce ici. Morts et déceptions amicales, familiales et amoureuses s’enchaînent, et l’issue de la pièce ne pourra pas réserver de surprise heureuse.

Guillaume Arias

 

Lorenzaccio par la Cie Marnas était présenté du 3 au 7/11 au Théâtre du Gymnase (1 rue du Théâtre Français, 1er).