Ideal Corpus

L’interview : Ideal Corpus

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A l’heure où de grandes petites révolutions esthétiques s’amorcent tous les jours sur la toile, on a voulu tout savoir sur le duo marseillais Ideal Corpus, juste parce que le futur leur appartient.

 

Qui êtes-vous ?
MC Kawaii :
 Je suis beatmakeuse, productrice, rappeuse, danseuse, blogueuse, créatrice d’accessoires détournés. Mes autres activités se situent dans la création multimédia. Je sors d’un Master 2 de philosophie. En dehors de l’art, et de la musique, je donne des ateliers de développement de l’estime de soi à des enfants.
Fruity Freatox : Je suis un être célébrant l’amour et la vie, beatmaker, danseur, rappeur, flâneur nonchalant ou extrémiste doux. Parfois je customise des petites choses comme des colliers ou des tee-shirts. Je suis un fanatique invertébré de bass music, de baleines et de catastrophes naturelles… Etudiant en son aux beaux-arts, j’aime les pancakes, les gaufres et le tchaï indien. J’apprécie la musique de l’art sonore aux tubes intersidéraux, en passant par la noise et les micromouvements.

Comment décririez-vous votre musique justement ?
MC Kawaii :
 C’est de la musique vega, comprise dans un ensemble de styles différents : grime, vogue, juke, minimal, DIY music composée sur Gameboy, tropical, kuduro, baile funk, Bmore, trance, bass music, dadaïste, musique tamoule, UK garage, électro-punk « kawaïsant », bamakold wave rave… On cherche à retransmettre notre monde idéal. On habite à Marseille, on vit la culture aquatique de l’intérieur. Nous voyageons aussi, afin de partager la richesse des ambiances et des endroits délicieux que l’on visite.
Fruity Freatox : On peut situer notre musique dans la famille des sous-genres électroniques. Dans la galaxie de la bass music. On aime bien approuver les styles qu’on nous colle, même si dans notre environnement naturel, on mange nos fruits en se tenant plutôt aux lianes qu’aux troncs d’arbres. On est des oufs, en fait. Beaucoup d’idées sortent de nos délires ultraviolets.

Quelle place Internet occupe-t-il dans votre vie ?
MC Kawaii :
 Nous surfons pas mal dans cet océan. Le 2.0, j’y ai mon mode de vie, mes influences. Avec cet outil, je suis connectée au reste du monde. Mais quand le débit ralentit ou lorsque j’ai des problèmes de connexion, je vais à la mer ou à la piscine.
Fruity Freatox : Je bois du Net tous les jours pour liquéfier mon énergie. Ça me rééquilibre. Je sens qu’on est intérieurement tous connectés par l’indicible. Internet est quelque chose qui mélange et coagule pas mal de couleurs en nous. On ne peut pas nier le fait d’avoir grandi avec.

Quel est votre point de vue sur la mode du rétro dans l’art ?
MC Kawaii :
 Ce phénomène n’est pas anodin. Il est déjà vieux, mais dans l’ère du numérique, étant donné qu’Internet nous ouvre des possibilités de stockage d’infos et d’échanges illimités, on a un accès palpable et instantané au passé. Après, qu’est-ce qu’on en retient ? A mon avis, il s’agit de transformer le réel, de modeler l’histoire.
Fruity Freatox : Aujourd’hui, c’est une pratique évidente. Tu ouvres ton troisième œil, tu passes le sas onirique et le temps n’existe plus. Pour ma part, la problématique du temps est en ce moment liée à quelque chose d’affectif : se fondre dans un souvenir d’enfant ou d’ado, et réaliser un rêve. Il s’agit de mémoire personnelle ou collective. Cela permet tout de même de questionner et remettre en question pas mal de pensées convenues. Au-delà, le mythe de la nouveauté absolue reste une sorte de rêve.

S’il ne fallait retenir qu’une décennie passée, ce serait laquelle ?
MC Kawaii :
 Les années 90. On leur doit la série Martin Payne et Hartley, Cœurs à vif, les Bisounours et Mon Petit Poney, le téléphone Nokia 3310, les K7 audio et les walkmans, les World’s Appart, Charlie et Lulu, le Club Dorothée, MTV, le voguing et la sapologie, les prédictions de Paco Rabane, Internet à la maison, la tech-house, le Cut Killer Show, la Gameboy, la Coupe du monde de football de 98…
Fruity Freatox : A peu près pareil, de 1990 à 2000. On leur doit les 2B3, les raves dans les hangars, Nirvana, les Pog’s, GG Allin, les disquettes et les cassettes VHS, Hanatarash, le fluo, les baskets de Mc Fly, MSN, les casquettes Lacoste, les Spice Girls, Darkwing Duck, TLC, le bug de l’an 2000, les posters des G-Squad, La Plage et Leonardo DiCaprio, Sisqo, Mario Kart, la Renault Espace grise, Aaliyah, les kiosques avec tous les bonbons pour gamins…

Vous sentez-vous faire partie d’une famille musicale à Marseille ?
MC Kawaii :
Si on voit large, oui : la scène électropicale, chiptune et folle.
Fruity Freatox : On pense notamment à Sugarcraft, Flip-flop, 9th Cloud… Nager dans le même flux, c’est cool.

De quel mouvement vous sentez-vous le plus proche ?
MC Kawaii :
 Mon idéal est celui d’un mouvement aussi ouvert, merveilleux, magique et créatif que le fairy kei et le seapunk. Ils comblent mon besoin d’utopie.
Fruity Freatox : En ce moment, le seapunk. Au niveau musical, il m’intéresse beaucoup, avec toutes les dérives qui en résultent : le glitch, la noise, la tropical bass. Toute cette famille de courants hybrides, aux mélanges peu probables.

On peut donc vous affilier à l’esthétique seapunk…
MC Kawaii :
Ce mouvement évolue à la vitesse du Net. Il est en train de bouger à l’heure où je parle. On évoque déjà de nouveaux courants : slime punk, ice punk, style Tumblr…
C’est un terrain de jeu qui me permet de sublimer ma perception du réel et me sentir libre. Mais je fais également partie d’autres esthétiques. Je ne m’impose aucune barrière.
Fruity Freatox : Le seapunk, avec ses prédécesseurs et ses infinis dérivés, pourquoi pas ? L’art n’a pas de limites. C’est la vie tout entière. Les particularités ne sont là que par souci technique, pour répertorier.

Comment décririez-vous le seapunk ?
MC Kawaii :
Le seapunk est si large… D’une personnalité à une autre, les descriptions diffèrent. Pour moi, c’est une affirmation de soi, une célébration de sa personnalité individuelle et une démonstration de sa créativité. Tu inventes ta vie. Tu mixes les genres et les cultures en supprimant toute hiérarchie. Tu ne cherches pas à revivre une époque mais à y rajouter des couleurs, à raconter ta version de l’histoire. Et c’est cette part de créativité, avec ce droit à l’ironie, qui me permet ça. Visuellement, la démarche est celle de l’esthétique pour l’esthétique, sans référence forcément revendiquée : collages extrêmes et images mixtes, culture de l’ambiguïté, de l’utopie, d’un monde rêvé, imaginé, messages philosophiques, références underground, culture DIY, 3D, signes ésotériques, cheveux déteints, vagues, dauphins… Chacun a la place d’exprimer sa vision du seapunk.
Fruity Freatox : Ma vision de cette esthétique tient, au-delà des dauphins et des tie and dye, en une recherche, ou une nonchalance. Dans quelque chose qui peut être de l’ordre du mauvais goût, de la réalisation d’un rêve à fort taux affectif. Du politique dépolitisé, de l’obsolescence publicitaire, des surprises non conventionnelles… Pourquoi pas une posture un brin hédoniste, ayant digéré et faisant passer pour normal à peu près tout ce qui pouvait être fou.

On ne peut pas vraiment le définir musicalement alors…
MC Kawaii :
La musique seapunk est aussi vaste que l’océan. Tu as des influences venant de milliers d’horizons : des bruits de mer, des sons de synthés, une ambiance tropicale, des sonorités visuelles, des sons aquatiques lo-fi…
Fruity Freatox : Splash ! Des synthés raves, des sons ronds, des bruits blancs, de l’eau partout. Des mélodies insouciantes ou des flows stridents. Des rythmes traditionnels mystiques ou des bulles psychédéliques… Et puis, des basses, toujours omniprésentes. Ça me fait kiffer.

Et à propos de votre prochain Ep ?
MC Kawaii :
 Il sortira d’ici janvier sur le label White Colours…
Fruity Freatox : C’est un label bien sympa qui a déjà produit des artistes qu’on kiffe comme Ewphoria. On pense partir dans cette ambiance glissante d’eau et de caoutchouc sur des flots de rêves et de divagations palpitantes, un brin électriques.

Le futur ?
MC Kawaii :
 On envisage un concert sous l’eau.
Fruity Freatox :
 En janvier, un live à Paris, pour un événement qui s’annonce absolument kawaï.

Propos recueillis par Jordan Saïsset

Ideal Corpus sur Internet : www.idealcorpus.tumblr.com / www.facebook.com/idealcorpus / www.soundcloud.com/idealcorpus

Le label White Colours : www.facebook.com/whitecoloursmusic / http://whitecolours.bandcamp.com/

 


Ideal Corpus vous conseille…


Sites web
La Gazette du mauvais goût, Negative Youth,  Tumblr, Sea Punk Gang, Ghetto Red Hot, What Percevalties Think.

Artistes
Fire For Effect, Crystal Castles, Nguzunguzu, Grimes, Ryan Trecartin, The Dreams, 18+, Crazy Titch, Death Grips, Denis Lavant, MASCARA, Maude Kasperzak, Mount Kimbie, Os Lambas, Roi Heenok, Slava,  The Death Set, Visionist.

Labels favoris
Coral Records Internazionale, Ninja Tune, 8bits Records, Kompakt.

Autres
House Of Moda, Lasseindra Ninja, La Gaïté Lyrique, la cuisine indienne, japonaise et bio, Nietzsche, GTA Vice City et San Andreas, Leyomi Mizrahi, le monde de la médecine et de la pharmacie.


english version

At a time when great little aesthetic revolutions are initiated every day on the web, we wanted to know everything about the duo from Marseille, Ideal Corpus, just because the future belongs to them.

Who are you?
Kawaii MC: I’m a beatmaker, producer, rapper, dancer, blogger and designer of various accessories. My other activities are multimedia creation. I had a Master 2 in Philosophy. Apart of art and music, I give self-esteem development workshops for children.
Fruity Freatox: I am a being celebrating love and life, beatmaker, dancer, rapper, sauntering loafer or soft extremist. I sometimes customize small things like necklaces or t-shirts. I am an invertebrate fanatic of bass music, whales and natural disasters… Student in Sound at the Fine Arts School of Marseille, I like pancakes, waffles and Indian chai. I like music from sound art to interstellar tubes, by way of noise music or micro musical movements.

How would you actually describe your music?
Kawaii MC: It is vega music, included in a range of different styles: grime, vogue, juke, minimal, DIY music composed on gameboy, tropical, kuduro, baile funk, bmore, trance, bass music, dadaist, tamil music, UK garage, kawaii electro punk, bamakold wave rave … We want to transmit our ideal world. We live in Marseille, we live the aquatic culture from within. We also travel to share the wealth of moods and delightful places that we visit.
Fruity Freatox: We can place our music in the electronic sub-genres family, in the galaxy of bass music. We like the styles that people attribute to us, although in our natural environment, we eat our fruits hanging on lianas rather than standing by tree trunks. Many ideas come from our ultraviolet delirium.

What place does Internet occupy in your life?
Kawaii MC: We’re regularly surfing in this ocean. The 2.0, I have my lifestyle within, my influences. With this tool, I am connected to the rest of the world. But when the flow slows down or when I have connection problems, I go to the sea or to the pool.
Fruity Freatox: I’m drinking the net everyday to liquefy my energy. It re-balances me. I feel that we are all connected inwardly by the inexpressible. Internet is something that mixes and coagulates a lot of colors in us. We can not deny the fact of having grown up with.

What is your view on the retro fashion in art?
Kawaii MC: This phenomenon is not trivial. It is already old, but in the digital age, as internet opens up possibilities for information storage and unlimited exchange, we have a palpable and immediate access to the past. After, what do we retain? In my opinion, it is about to transform reality, to shape history.
Fruity Freatox: Today, it’s an obvious practice. You open your third eye, you go through the dream airlock and time no longer exists. For my part, the problem of time is currently linked to something emotional: melting into childhood or teenage memories and realizing a dream. It’s about personal or collective memory. It still allows us to question a lot of conventional thoughts. Beyond that, the myth of absolute novelty is still a kind of dream.

Which of the past decades would you remember ?
MC Kawaii: The 90s. We owe them Martin Payne and Heartbreak High, the Care Bears and My Little Pony, the Nokia phone 3310, audiotapes and walkmans, the World’s Apart, Charlie and Lulu, Club Dorothée, MTV, voguing and the sapologie, Paco Rabane predictions, Internet at home, tech-house, the Cut Killer Show, Gameboy, soccer world cup of 98 …
Fruity Freatox: Pretty much the same from 1990 to 2000. We owe them the 2B3, warehouse’s raves, Nirvana, Pog’s, GG Allin, floppy disks and VHS tapes, Hanatarash, fluorescents colors, Mc Fly’s sneakers, MSN, Lacoste’s caps, the Spice Girls, Darkwing Duck TLC, the Y2K bug, G-Squad posters, The Beach and Leonardo DiCaprio, Sisqo, Mario Kart, the gray Renault Espace, Aaliyah, kiosks with all these candies for kids…

Do you feel you’re part of a musical family in Marseille?
Kawaii MC: In a wide point of view, yes, the electropical, chiptune and weird scene.
Fruity Freatox: We especially think of Sugarcraft, Flip-flop, 9th Cloud … Swimming in the same stream is nice.

What movement do you feel closest to?
MC Kawaii: My ideal movement is one which is as open, beautiful, magical and creative as fairy kei and seapunk. They fill my need of utopia.
Fruity Freatox: At this time, seapunk. Musically, it interests me a lot, with all the different genres within and around : glitch, noise, tropical bass… This whole family of hybrid trends with improbable mixtures.

So we can join you to the seapunk aesthetic…
Kawaii MC: This movement is changing at the speed of the Net. It’s moving at the time I speak. There’s already talk of new trends: slimepunk, icepunk, Tumblr style…
It’s a playground that allows me to sublimate my perception of reality and feel free. But I’m also part of other aesthetics. I do not impose myself any barrier.
Fruity Freatox: The seapunk with its predecessors and infinite drifts, why not? Art has no limits. That’s life as a whole. The features are there just for the sake of classification.

How would you describe seapunk?
Kawaii MC: Seapunk is so large … From one personality to another, descriptions differ. For me, it is a self-affirmation, a celebration of individual personality and a demonstration of creativity. You invent your life. You mix genres and cultures by removing any hierarchy. You do not try to relive an era but to add color to it, to tell your side of the story. And it is this element of creativity, with this right to irony, which allows me that. Visually, the approach is aesthetic for aesthetic, without necessarily claimed references : extreme collages and mixed images, culture of ambiguity, utopia, a dreamed, imagined world, philosophical messages, underground references, DIY culture, 3D, esoteric signs, faded hair, waves, dolphins … Everyone has a place to express his vision of seapunk.
Fruity Freatox: My vision of this aesthetic is, beyond dolphins and tie and dye, search, or nonchalance… Into something that can be of the order of bad taste, a dream coming true with high affect. Depoliticized politics, advertising obsolescence, unconventional surprises… Why not a position a bit hedonistic, having digested and pretending that almost everything that could be crazy is natural.

It can not really be musically defined then…
MC Kawaii: Seapunk music is as vast as the ocean. There’s influences coming from thousands of backgrounds: sea sounds, synth sounds, a tropical atmosphere, visual tones, lo-fi aquatic sounds…
Fruity Freatox: Splash! Rave synths, round sounds, white noise, water everywhere. Carefree melodies or shrill flows. Mystical traditional rhythms or psychedelic bubbles… And the bass, always omnipresent. I love it.

And what about your next Ep?
Kawaii MC: It will be released by January on White Colours label.
Fruity Freatox: This is a very nice label that has produced artists that we love like Ewphoria. We are thinking about going in this slippery ambiance of water and rubber on waves of dreams and exciting ramblings, a little electrical.

The future?
Kawaii MC: We are considering an underwater concert.
Fruity Freatox: In January, a concert in Paris, an event that will be absolutely kawaii.

Interview by Jordan Saisset, translation by Olivier Petit