Les éditions Même pas mal

Les éditions Même pas mal

BD-meme-pas-mal-chat-DD.jpg

Rock’n’roll attitude

MPM n’est pas seulement le sigle de Marseille Provence Métropole. Ce sont aussi les initiales des jeunes éditions Même pas mal, créées voilà un an et demi par une bande de kamikazes de la BD indépendante, prêts à se faire hara-kiri pour vivre (de) leur passion. Rencontre avec quatre Marseillais d’adoption qui, décidément, ne craignent dégun.

A chaque fois qu’on l’interroge sur la genèse de Distant District, Pierrick Starsky livre une histoire différente. « Mais elles sont toutes vraies ! » se défend le jeune homme, qui a fait du bar situé face au local de l’association son « bureau ». Pour résumer cette nouvelle version, on dira qu’au lieu d’œuvrer en solo à créer, qui une maison d’édition de BD (Mélanie Deneuve), qui une structure consacrée aux ateliers et à l’animation (Chloé Danger), qui un fanzine « un peu bête et méchant » (Pierrick et Yann HxC — pour Hardcorre), nos quatre trentenaires ont préféré mutualiser leurs compétences et leurs envies. De leur union est donc née Distant District, une association dont le nom, emprunté à l’œuvre du Japonais Jir? Taniguchi, fait aussi référence aux origines non marseillaises de la petite bande, qui a néanmoins été rapidement adoptée par la cité phocéenne. Divisée en quatre pôles — « Edition » avec Même pas mal, « Animations/interventions » (en prison, dans les centres sociaux…), « Graphisme » et « Evénementiel » —, Distant District permet à ses créateurs, notamment via le festival Badam !, de mettre en avant à la fois la BD à Marseille et les valeurs de l’économie sociale et solidaire.
« Éditeur, c’est un métier à part entière, qui demande beaucoup de compétences : l’édition en tant que telle bien sûr, le graphisme, la fabrication, la communication… On se répartit donc les tâches. » Ainsi, tandis que notre interlocuteur fait office de directeur éditorial et de gestionnaire multi-tâches, Yann HxC, qui s’est fait connaître dans le milieu punk-rock en réalisant moult pochettes de disques, s’occupe du graphisme. Quant à Chloé Danger et Mélanie Deneuve (« Leurs vrais noms », précise Pierrick avec malice), elles sont respectivement chargées des pôles « Evénementiel », « Animations/interventions », de la communication et des séances de dédicaces. « A ce niveau-là, on fait un travail plutôt original, puisqu’on organise des tournées, comme pour les groupes de rock. » Tel n’est pas le seul point de convergence de Distant District avec la musique : tous ses membres ont en effet frayé ces dernières années avec le milieu punk-rock, tandis que la ligne éditoriale de Même pas mal affiche des velléités clairement « rock’n’roll ». « On vit dans un monde extrême, donc on a besoin d’un humour extrême, de bousculer les conventions », explique Pierrick. Dont acte avec les premiers albums publiés par les quatre acolytes, aux noms plus qu’évocateurs (Aaarg… je meurs, Paf et Hencule, Oh ! Merde !…) et dont l’irrévérence détonne dans le milieu souvent trop sage de l’édition. Une prise de risques qui s’est avérée payante. Après seulement un an et demi d’activité, Même pas mal a déjà quatre salariés, cinq albums à son actif et pas moins de neuf en préparation — témoignant par ailleurs d’une prochaine diversification de la ligne éditoriale, puisque parmi eux, on trouve « aussi bien du roman graphique introspectif que des choses drôles ou touchantes. » Quant à la réputation de la maison, elle n’est déjà plus à faire : rapidement identifiée par les pros comme les amateurs, MPM collabore régulièrement avec une cinquantaine d’auteurs qui, quand ils ne sont pas édités, travaillent à des produits dérivés (affiches, t-shirts…) et/ou à la prochaine édition d’un semestriel collectif.
Pourtant, le pari était plus qu’osé : « L’édition de BD indépendante à Marseille, c’est suicidaire », reconnaît Pierrick, avant d’avouer que s’ils affichent une certaine assurance, les membres de Distant District eux-mêmes se demandent parfois comment ils ont réussi une telle prouesse. La réponse ne tient cependant pas de la formule magique, plutôt d’un savant mélange entre travail stakhanoviste (« On a bossé soixante heures par semaine pour pas un rond »), choix éditoriaux judicieux et fabrication soignée, fort soutien des institutions et « valeurs ». « On ne veut pas juste intégrer un marché concurrentiel, mais aussi et surtout respecter certaines valeurs, celles de l’économie sociale et solidaire, qui sous-tendent tout notre travail. » Ce que l’on peut traduire, entre autres, par des tarifs de prestations graphiques plus bas pour les petites structures, un maximum de collaborations avec des personnes aux minima sociaux, un travail permanent auprès de publics isolés, une fabrication labellisée Imprim’Vert® ou encore une politique de droits d’auteurs dont les pourcentages feraient pâlir les majors de la BD.
Autant d’éléments qui ont contribué au relatif succès de la structure, dont l’un des principaux objectifs est de « faire bouger la ville autrement », en mélangeant créativité artistique et engagement social, ambitions populaires et solidarité. Egratignant au passage Marseille Provence 2013, « synonyme de gentrification et d’embourgeoisement de la culture », Pierrick conclut à sa manière, en fonçant. Même pas mal ! « Rester à Marseille est un choix : on aime cette ville, on croit au potentiel de ses habitants. On veut faire vivre cet endroit de façon efficace, crédible, avec un impact réel sur les gens et surtout pas dans une culture d’élite et ostentatoire… Même si notre but final, c’est de devenir les maîtres du monde. » C’est tout le mal qu’on leur souhaite.

CC

Distant District / Editions Même pas mal : 4 rue des trois rois, 1er.
Rens. www.meme-pas-mal.fr

Déjà dans les bacs : Aaarg… je meurs (ouvrage collectif), Dingo Jack Stories de Pixel Vengeur, Oh ! Merde ! de Cha, Paf et Hencule de Goupil Acnéïque et Abraham Kadabra et Noir foncé de Nicolas Poupon
A paraître : L’infiniment moyen de Fabcaro (sortie le 21/04), Luv Stories par les Frères Guedin (le 21/04), Snack de Besseron (le 12/05).