Ecce homo de Agathe Dreyfus

Images Contre Nature au Théâtre des Chartreux

Radicaux libres

Empruntant de nombreux chemins de traverse visuels, l’équipe de P’Silo nous convie cette année encore au Théâtre des Chartreux pour la treizième édition du festival Images Contre Nature. Bien au-delà d’un événement consacré à la vidéo expérimentale, une façon de nous inviter à (re)penser l’image animée.

Cette année plus encore que les précédentes, les écrans phocéens furent noyés de propositions cinématographiques, du festival à la simple projection, jusqu’à l’intégrale ou l’éclatement hors les murs. L’image animée envahit l’espace public, s’invite dans tout lieu susceptible de l’accueillir, se répand sur tous les murs de la ville. Jusqu’à ne plus faire sens : la lecture à vingt-quatre (ou vingt-cinq) images/seconde s’enraye, et nous voilà mécaniques plus que sensitifs, en survie face au flot déferlant de stimuli visuels que nous ne comprenons plus, un peu comme ces bergers de Pelechian traversant la rivière furieuse, tentant difficilement de sauver ce qu’il nous reste de conscience. Heureusement, le travail salvateur de l’équipe de P’Silo vient chaque année nous aider à aiguiser de nouveau notre regard, comme autant de séances de rééducation orthoptique : derrière le festival Images Contre Nature se cache l’une des plus passionnantes expériences de spectateur. Il s’agit ici de redonner sens à l’image, le sens éthique et politique comme le précisait Godard. Bien au-delà d’une simple manifestation dédiée à la vidéo expérimentale (ce qui reste déjà exaltant en soi), ce que propose l’équipe de P’Silo est de reposer les bases rhétoriques du langage cinématographique, sans le détacher de sa puissance émotionnelle. L’intelligence est dans la structure de programmation : parmi les centaines de films réceptionnés chaque année, un peu plus de quatre-vingts seront répartis en sept programmes de sélection, permettant ainsi de se construire une autre relation à l’image, de l’aborder sous tous ses angles sémantiques et syntaxiques. Cette réflexion est chaque année complétée par un certain nombre d’invités à qui il est proposé diverses cartes blanches. Pour cette nouvelle édition, Images Contre Nature ouvre son écran au travail émérite du collectif phocéen 360° et même plus, qui conjugue depuis de longues années un regard critique politique acéré à un réel intérêt pour l’expérimentation visuelle. Seront ainsi présentés Ecce Homo et N’ayez pas peur, revenant sur les confrontations autour du mariage pour tous, accompagnés des trois co-réalisatrices, ainsi qu’un work in progress autour d’un documentaire expérimental de Christine Gabory. Une autre carte blanche, en clôture du festival, sera proposée à l’éclectique collectif Négatif, créé par le vidéaste Yves-Marie Mahé, déjà sélectionné dans les éditions précédentes. Enfin, comme chaque année, l’équipe de P’Silo accorde à d’autres arts parallèles une place au sein de sa programmation, de la performance musicale (le Zaj Quartet en ouverture) aux expositions ou autres installations, cette année confiées à Daniel Roth et Laurence Rebouillon.

Emmanuel Vigne

Images Contre Nature : du 9 au 13/07 au Théâtre des Chartreux (105 avenue des Chartreux, 4e).
Rens. 04 91 42 21 75 / www.p-silo.org