Dissonant Nation

Identités Remarquables | Dissonant Nation

Trio sélectif

 

À l’occasion de la sortie de son nouvel album, Ventilo est parti à la rencontre de Dissonant Nation, le power trio rock de Marseille qui monte, qui monte.

 

Descente au pays de la subversion. Qui reste le pays du riff : une batterie parfois réduite à son strict minimum, du dissonant, bref, du rock. Un son excitant, qui se déploie sur un album plus qu’addictif. Le rock étant par définition subversif, la démarche de Dissonant Nation tient, dans son nouvel opus, à son bouleversement même. Avec Agitato Charismatic se lit la volonté d’un détournement du rock traditionnel, tout en maîtrisant largement ses codes, et en intégrant bien sûr les influences du groupe. Pas n’importe lesquelles…

Avec son premier album, We Play We Are, revendiquant clairement une contagion noise à la Sonic Youth, le jeune trio, formé au hasard de rencontres, prouve que le talent n’attend pas le nombre des années. Une fois croisé le chemin de Frédéric Franchitti, l’ancien chanteur d’Aston Villa devenu leur manager, lors du tremplin Massilia Rock en 2009, le groupe court rapidement pour l’écurie Wagram, bénéficiant de la production au cordeau de Richard Woodcraft (Artic Monkeys, Radiohead…). Rien d’étonnant vu la qualité de ce qui nous arrive dans les oreilles, entre dynamisme punk, riffs limite hard et énergie borderline. L’ombre de Sonic Youth plane alors sur les compositions de Dissonant Nation, comme en témoigne le titre Vinyl (très proche du Swinsuit Issue présent sur l’album 100% Dirty), jusqu’au nom même du combo, choisi en référence à la mythique formation de la scène alternative new-yorkaise.

Après avoir signé avec le label Washi Washa (Warner Music) vient le temps du deuxième album. Celui de la « maturité », comme disent les critiques rock. Plutôt celui du virage pour les trois amis. Dans cet opus, la voix de Lucas mène à une sorte d’hystérie soft. Un point de rupture. Une nouvelle atmosphère. La volonté de se renouveler, déjà. Cette voix, on la qualifierait presque de douce, grâce à des titres comme You ou Cry. Dans Agitato Charismatic se croisent, presque charnellement, le Californien Beck, les Chemical Brothers, Placebo, un peu de punk létal allié à du rock imagé, une pop sulfureuse et psychédélique avec des mélodies électro qui s’imposent sans détour. Nonobstant les paroles uniquement anglaises, l’étiquette « French Touch » semble désormais coller à la peau de Dissonant Nation. On plonge dans un voyage sonique, gorgé d’icônes. Un voyage qui existe, entre autres, grâce aux clips, comme celui de Who Killed the President, monté par Lucas, ou le très second degré South of France… Un voyage qui utilise l’apport ingénieux de touches électro, probablement sur les conseils du sorcier du son Simon Henner (Nasser, French 79, Husbands). Un périple aux effets de voix élégamment lissés, comme dans le titre Sunday Again.

Dissonant Nation signe ici un album sans conteste alternatif, dans lequel l’électro vient appuyer judicieusement les mélodies rock, teintant l’acoustique d’une griffe mixée, tantôt groovy (Monte Carlo), tantôt rock avec un léger son FM (Wine), tantôt carrément crooner (Sunday Again). South of France comporte quant à lui tous les atours du tube : le refrain entêtant, la parole aisée, l’image qui porte au songe. Des accents pop agrégés au plus pur des rocks.

Les anti-BB Brunes ? On se demande. Dans le paysage du rock français actuel, les Dissonant Nation semblent à part, forts de leur éclectisme. Si les effets machine se superposent à l’amplification des samples (Illegal Style), les guitares restent encore bien saturées. Sauvages et explosives. Comme ce trio, dont on n’a définitivement pas fini d’entendre parler.

 

Aude Granier Chamboncel

 

 

Dans les bacs : Agitato Charismatic (Washi Washa)

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