La Méthode

Identité remarquable | La Méthode

La (bonne) Méthode

 

Alors qu’ils viennent de remporter un crowdfunding pour financer le clip de leur titre Le Produit, rencontre avec le groupe de hip-hop marseillais La Méthode.

 

Deux mille euros. C’est la somme qu’ils visaient et qu’ils ont remportée en quarante jours d’appel au don via la plateforme KissKissBankBank. L’objectif ? Financer le clip vidéo d’un des titres de leur album sorti en octobre dernier : Le Produit. Cinquante-sept kissbankers ont joué le jeu, permettant au groupe d’atteindre 101 % de son objectif de base. « Ce financement participatif est la preuve que nous avons toujours besoin de soutien », explique K-méléon, un des quatre membres du groupe. « La promo de cet album n’a pas été facile, révèle Mister Bza, du coup, on va dire qu’on la relance. » Adrénaline, c’est l’album en question. Sorti en octobre 2016 sous le label indépendant Super Records, c’est le premier du groupe. Quand on évoque un successeur, le crew tempère : « C’est clair qu’on est à l’heure d’une sorte de boulimie de production, pour survivre, les groupes sortent album sur album. » Lire : ce n’est pas la philosophie de La Méthode. Eux ont envie de promouvoir et savourer les treize titres qu’ils ont pris le temps de construire. Après trois clips (The Same Thing, Tout et n’importe quoi et Shaquille O’Neal), ils ont choisi le morceau Le Produit pour cette quatrième vidéo. « On y parle d’addictions, à l’alcool, à la drogue et leurs conséquences. » Un ami, Papa Sam, est même venu y poser sa voix, ajoutant une touche cubaine à la chanson : « C’est un peu comme ça que ça marche à La Méthode. On peut choisir de partager un moment, un mot, une chanson avec quelqu’un. » Parfois même une scène, puisque La Méthode est une habituée des premières parties.

« On a un parcours atypique, raconte K-méléon, on vient du live puis on est entrés en studio pour enregistrer. » Leur truc donc, c’est le live et ça leur fait parfois mal au cœur de voir à quel point cet exercice est malmené : « Aujourd’hui, t’as moins ce challenge de la scène, ça prend davantage la forme d’une course aux clics sur YouTube. » Ce qui consterne un peu le groupe : « Ce n’est pas forcément représentatif. Je vois parfois des personnes qui font quelque chose comme pas plus de cinq cent vues et, pourtant, ça déchire », constate Mister Bza. « On ne nous propose pas beaucoup de diversité, de choix musical, les médias renforcent ce sentiment », note Pak Dj’ een. Tous s’accordent sur un fait : « On est clairement des consommateurs de musique : je prends, je laisse. Fini le temps où on achetait un album et prenait le temps de l’écouter, en effeuillant les pages de la pochette. » Pak Dj’ een va plus loin : « Je vois bien la mort proche du mp3, remplacé par un accès à tout en illimité contre dix ou vingt euros. » Dans le groupe, seul lui vit de la musique. Les trois autres pratiquent un métier différent : « Bien sûr, on kifferait ne faire que ça et d’en vivre. » Mais La Méthode a la tête sur les épaules et se fraye un chemin. Mister Bza revient en souriant sur les origines de cette formation : « À la base, je dirais que c’est plus un délire de collégiens qu’autre chose. » Pourtant, l’alliance fonctionne depuis près de quinze ans. Depuis deux ans, il est lié au label indépendant marseillais Super Records, un facilitateur dont Vali, leur manager, a le secret.

S’il ne se plaçait dans aucune catégorie de musique spécifique, Vali confie que c’est en train de changer : « Aujourd’hui, le label que j’ai créé se consacre principalement au groupe La Méthode et je le destine à des artistes hip-hop, chose que je n’avais pas forcément précisée à sa naissance. » Super Records permet au groupe de ne se focaliser sur la musique et prend en charge booking et communication. « Un vrai soulagement, confient Mister Bza et K-méléon. Au début, on faisait tout, et c’est épuisant ! » À la question de savoir s’il est aisé de se faire une place dans le monde du hip-hop à Marseille, le groupe répond qu’ils cohabitent avec d’autres artistes sans problèmes. « Après, pour être honnête, c’est rageant de voir des gars monter sur scène et fédérer avec des paroles prônant la violence. » K-méléon renchérit : « L’industrie du hip-hop est détenue par des personnes qui n’y pigent pas toujours quelque chose, c’est regrettable. » « Puis, il y a trop de personnes qui pratiquent l’auto-tune, ironise Mister Bza, c’est à la mode ». Mister Bza, K-méléon, Pak Dj’een et Labo Clandestino ont tous les quatre des inspirations et des approches de la musique variés : les uns vont préférer rester dans leur bulle tout en gardant un œil lointain sur l’actualité musicale tandis que d’autres s’inspirent un maximum de ce qui se fait pour garder les pieds sur terre et parfois, volontairement, « se prendre une gifle, te dire c’est bien ce que tu fais mais qu’il y a encore du travail. » La Méthode ne semble pas près de lâcher. Au contraire, il semblerait plutôt qu’elle gagne du terrain. Ou joue sur de nouveaux comme en détention où elle interviendra à partir de la mi-juin. À la maison d’arrêt de Luynes ou encore au centre de détention de Tarascon, le groupe prévoit d’adapter son répertoire à l’occasion de concerts suivis d’un échange avec les détenus. Un message, des valeurs. Le hip-hop n’a pas toujours ce luxe à Marseille. « On essaye d’être honnêtes et de faire de la musique avec un grand M », conclut K-méléon.

 

Charlotte Lazarewicz

 

Dans les bacs : Adrénaline (Super Records).
Rens. : www.facebook.com/groupelamethode