Uphill de Shang-Chi Sun © Philipp Duemcke

Festival Les Hivernales à Avignon

Corps à corps

Coup de froid sur les Hivernales, la manifestation phare de la danse en Avignon, dont le directeur, Emmanuel Serafini, vient d’être débarqué.

 

C’est en pleine tourmente que l’année a débuté dans le haut lieu de la danse contemporaine qu’est le Centre de développement chorégraphique d’Avignon. Suite à la mise à pied d’Emmanuel Serafini en décembre dernier, le conseil d’administration a entériné fin janvier son licenciement pour fautes lourdes, suscitant de nombreuses interrogations. En effet, son employeur lui reproche « une dérive financière et une gestion calamiteuse des fonds publics » avec un déficit estimé à 100 000 euros et l’existence de dépenses dont il aurait profité à titre personnel. Des accusations graves qui ont fait bondir celui qui s’est glissé avec brio dans les pas d’Amélie Grand, la fondatrice des Hivernales, à laquelle il a succédé en 2009. Dans un communiqué de presse publié sur sa page facebook, ce dernier évoque un « stratagème » destiné à occulter les véritables raisons de son éviction. On s’en souvient, Serafini s’était présenté aux dernières élections régionales sous la bannière EELV afin d’affirmer haut et fort son opposition au Front National dans une ville où la culture est au cœur des préoccupations. Une prise de position très mal perçue rue Guillaume Puy, en particulier par certains membres du bureau du CDC. Coïncidence troublante, c’est le soir du premier tour que lui a été signifiée sa mise à pied…
C’est donc dans ce climat particulier que se déroulera cette trente-huitième édition des Hivernales, placée sous le signe de… la relève — une thématique bien involontairement prémonitoire, on s’en doute. Selon son ex-directeur, l’intention est de dresser l’état des lieux du paysage chorégraphique contemporain, afin de « continuer la mise à jour de ceux qui font la danse d’aujourd’hui et de demain. » Histoire également de marquer, autant pour les Hivernales que pour les chorégraphes et les danseurs invités, la fin du cycle de la trentaine. Cette programmation 2016, protéiforme et foisonnante, mêle compagnies régionales et internationales, et fait se côtoyer artistes confirmés et talents en devenir. Au total, c’est plus d’une trentaine de spectacles que le public avignonnais pourra découvrir sur les scènes de la ville et des alentours. Parmi lesquels Gymnopédies et Henri Michaux : mouvements de Marie Chouinard, deux propositions en une qui donneront à voir la puissance chorégraphique de la Québecquoise se confrontant aux signes calligraphiques de Michaux. Hervé Koubi et sa troupe de danseurs issus du hip-hop et de la danse de rue sont attendus de pied ferme avec Les Nuits barbares, un voyage au cœur de l’histoire appréhendée sous l’angle de nos peurs. On retient la poésie de Vers un protocole de conversation ? de la compagnie La Liseuse, mis en scène par Georges Appaix, la fraîcheur revigorante des Spectres de Josette Baïz, ou encore l’intensité des douze solos masculins des Garçons sauvages de Camille Ollagnier. Sans oublier la carte blanche à William Petit, qui présentera des artistes découverts au cours de ses pérégrinations.
Du côté de la jeune garde, la singularité de Uphill du chorégraphe et danseur taïwanais Shang-Chi Sun ne manquera pas de surprendre. On note également Parcelles, réflexion sur les mouvements du corps dansant proposée par Nans Martin, étoile montante de cette nouvelle scène, Karoshi, Animal Laborans de la compagnie Dodescaden, qui explore l’épuisement des corps jusqu’à leur point de limite et Scarlett, variation sur la figure de la muse d’Arthur Perole. Autant de propositions éclectiques, de pistes audacieuses et de correspondances singulières qui viendront rythmer la saison des Hivernales. En attendant la relève…

Emma Zucchi

 

Les Hivernales : jusqu’au 20/02 à Avignon.
Rens : 04 90 39 40 74 / www.hivernales-avignon.com

Le programme complet des Hivernales ici