Moneim Adwan avec le choeur Ibn Zaydoun en 2013

Festival international d’Art lyrique d’Aix-en-Provence 2016

Aix vocaux

 

La 68e édition du Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence fera souffler un vent de modernité et d’audace sur le monde de l’opéra.

 

Prestigieux, couru et primé, le Festival d’Aix-en-Provence porté depuis 2007 par son directeur Bernard Foccroulle présentera quatre nouvelles créations — Così fan tutte, Pelléas et Mélisande, Il trionfo del Tempo e del Disinganno et Kalîla wa Dimna — et une production revisitée — Œdipus Rex avec la Symphonie de Psaumes. Réjouissant.
En ouverture, Mozart sera à l’honneur avec Così fan tutte (Elles font toutes ainsi en VF), la première œuvre présentée dans la cour du Théâtre de l’Archevêché en 1948, mais aussi première collaboration avec l’auteur, cinéaste et « jeune » metteur en scène d’opéras (depuis 2013) Christophe Honoré. Sa vision insolite de cette farce tragi-comique, qu’il transpose de Naples à la moiteur sensuelle d’une ville d’Afrique, s’annonce surprenante. Joel Prieto et Nahuel di Pierro interpréteront Ferrando et Guglielmo, les fiancés qui tentent de séduire, sous une fausse identité, leurs promises Dorabella et Fiordiligi jouées par Kate Lindsey et Lenneke Ruiten, mettant ainsi à l’épreuve leur fidélité. Pour donner vie à la radieuse partition de Mozart, Louis Langrée et Jérémie Rhorer seront aux baguettes.
Dans la suite du programme, le moment le plus attendu sera sans doute la présentation du drame lyrique qui a ouvert l’opéra français à la modernité : Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, une transposition du mythe de Tristan et Yseult. La mise en scène est confiée à la talentueuse Katie Mitchell, qui collabore pour la cinquième fois avec le festival. Sa production élégante, entre rêve et réalité, à l’accent résolument féministe, a une force qui étreint. La soprano Barbara Hannigan, mémorable et stupéfiante Agnès dans Written on skin, sera Mélisandre, tandis que Stéphane Degout, habitué au rôle, interprétera Pelléas, et Laurent Naouri, le mari jaloux Golaud. Sans oublier le remarquable Esa-Pekka Salonen, qui assurera la direction musicale. Tous les ingrédients sont réunis pour permettre un moment d’exception.
On ne pouvait rêver mieux que l’iconoclaste metteur en scène Krzysztof Warlikowski pour insuffler un climat de liberté à la fable moralisatrice Il Trionfo del Tempo e del Disinganno de Haendel (livret du cardinal Pamphili). Les quatre personnages allégoriques — le Temps, la Désillusion, le Plaisir et la Beauté — s’incarneront ici dans une famille, parents vs enfants, tempérance vs excès : l’humanisation proposée séduit. Sabine Devieilhe, Sara Mingardo, Michael Spyres, Franco Fagioli et le Concert d’Astrée sous la direction d’Emmanuelle Haïm, la cheffe d’orchestre, donneront vie aux airs inspirés et très célèbres (Lascia la spina) de cet oratorio.
Audace toujours, avec l’opéra contemporain Kalîla wa Dimna pour cinq chanteurs et cinq musiciens, chanté en arabe et parlé en français, écrit par le compositeur oudiste Moneim Adwan, entre forme occidentale et musique orientale. Une belle illustration de la volonté d’ouverture vers le Sud et la Méditerranée de Bernard Foccroulle, qui souligne si justement que « le 21e siècle doit être celui du dialogue entre les cultures sinon ce sera le choc des civilisations. »
Dans un tout autre registre, il fallait toute l’ingéniosité de Peter Sellars, l’un des plus grands metteurs en scène d’opéras, pour réunir les très spirituels Œdipus Rex et la Symphonie de Psaumes de Stravinsky avec à la direction Esa-Pekka Salonen.
Une nouvelle fois, le Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence s’impose comme haut lieu d’innovation de la création artistique. Qualité, audace et modernité sont au rendez-vous. On peut parier que le cru 2016 réserve des productions qui deviendront mythiques.

Céline Schmitt

 

Festival international d’Art lyrique d’Aix-en-Provence : du 30/06 au 20/07 à Aix-en-Provence.
Rens. : www.festival-aix.com

Le programme complet du Festival international d’Art lyrique d’Aix-en-Provence ici