Lettre pour Elena de Christophe Garcia © Jean-Charles Verchère

Festival Les Hivernales 2017

Plaisirs partagés

 

Les Hivernales d’Avignon, c’est une institution au milieu de l’hiver qui nous transporte dans un temps fort de la danse contemporaine pour faire le point sur les désirs d’une programmation à la rencontre de son public. Cette année, le plaisir semble être le dénominateur commun dans le choix des artistes sélectionnés avec une danse qui transcende la relation à l’autre et renoue avec les beaux jours de l’esthétique relationnelle.

 

La danse a toujours recherché la présence de l’autre et pas seulement celle du partenaire. Tantôt accolée au théâtre dans une expression du corps qui refuse le pas compté, tantôt proche de la peinture dans des jeux de trajectoires millimétrées, la danse aime ouvrir les portes pour laisser rentrer l’odeur du temps. Dans la révolution numérique, il a longtemps été question d’écrans se déployant dans l’espace comme une affirmation plus aboutie de la projection vidéo où, très souvent, ce qui se passe sur scène trouve un agrandissement sur le mur. Pourtant, le cinéma s’était déjà emparé de cette question avec Dance de Lucinda Childs. Alors quoi de nouveau dans ce XXIe siècle déjà bien entamé ? Et bien, ce sera, encore une fois, le comportement de l’individu dans son quotidien qui va réinventer la scène. La présence de la cigarette est un débat clos depuis longtemps. La nudité est encore d’actualité, dans la mesure où le corps semble plus pudique de nos jours que par le passé. Mais ce qui point avec force, c’est l’introduction du smartphone sur la scène. D’abord à la manière d’un private joke, quand l’artiste filme les rappels, puis d’une façon plus affirmée, quand il redéfinira le synopsis. Quant à la musique techno, il lui aura fallu presque trente ans pour se démocratiser et trouver un écho dans le pas compté avec le formidable Higher de Michele Rizzo, programmé cette année au Festival Parallèle. Chez Christian Rizzo (un homonyme), il est aussi question de techno et de clubbing, mais le synopsis nous emmène vers des jeux de côtoiement et d’évitements à la manière d’une piste de danse où l’on ressent le besoin de croiser le regard de l’autre pour retrouver un plaisir partagé. Ce n’est pas transgressif, mais plutôt festif et ça nous rappelle un passé pas si lointain, avec le travail de Dominique Bagouet, qui aimait plus que tout la notion de bande. Avec Lettre pour Elena, le Canadien Christophe Garcia s’attaque à la difficulté de faire rentrer le texte dans la danse, en renouant avec les protocoles du conte où les choses se disent dans le tempo ou le contretemps. Chez Carolyn Carlson, le corps est entièrement dévoué à l’expressionnisme, remontant l’histoire d’un voyage sans fin où la vie d’une chorégraphe ramène au premier plan des souvenirs devenus peintures à la manière du Cri d’Edvard Munch. Enfin, beaucoup plus proche de nous, le duo Malvin Gerbes et David Brandstätter nous invite, avec la pièce AIR, à regarder les choses et les êtres sans fard. Là où l’histoire de l’individu définit son désir et l’idée qu’il se fait de son corps, de ses gestes et de ses attitudes, parce que la danse s’intéresse aussi au phénomène du documentaire. C’est donc un festival sous le signe de l’ouverture au grand public qui s’annonce et le plaisir sera, une fois de plus, dans la multiplicité des propositions.

Karim Grandi-Baupain

 

Festival Les Hivernales : du 6 au 25/02 à Avignon.
Rens. : 04 90 39 40 74 / www.hivernales-avignon.com

Le programme complet des Hivernales ici