Noemi Boutin

Festival de Chaillol 2017

La bonne altitude

 

Irriguer les Hautes-Alpes en musicalité était le rêve de gosse de Mickael Dian, créateur et directeur du Festival de Chaillol. Un pari d’autant plus ambitieux dans un pays centralisé sur ses grands ensembles urbains et crispé sur les cultures qui le font.

 

En plus d’une programmation à l’année, le Festival de Chaillol est un événement qui, à chaque édition, rassemble un peu plus, et pour cause : allier pareille exigence dans de pareils paysages relève de la perle rare. Une sorte d’harmonie, en somme. En pleine nature ou dans le cœur d’anciennes églises perdues dans la douceur d’une estive, il s’agit notamment de recoller les morceaux entre les domaines « savants » et « populaires ». De quoi flotter bien au-delà de tout stéréotype et de tout binarisme paralysant qui opposerait le fond et la forme, le rural à l’urbain, l’oral et l’écrit, le moderne au traditionnel… Ainsi, le Festival de Chaillol ne verse pas dans cette posture qui, sous couvert de « culture en campagne », ferait tout pour éviter de questionner sa propre conception du fait culturel. Non, le Festival de Chaillol met en branle ses héritages pour soulever quelque chose de nettement plus profond, de nettement plus touchant. « Toutes ces musiques sont la pulsation intime du monde et nous renseignent sur ce que nous sommes », nous précise justement l’édito de cette nouvelle édition. Et à partir de là, on se fiche bien de tout a priori qui s’axerait sur un simple jugement esthétique. On s’en fiche bien de ces jugements de surface qui s’abstiendraient de rebattre les cartes de leurs propres fondements. D’ailleurs, la surface du territoire, la petite équipe du festival ne fait pas que l’effleurer : il s’agit de creuser dans ce qui fait les cultures d’ici et d’ailleurs pour en extirper les dynamiques qui font d’elles de formidables fenêtres pour comprendre le monde qui nous entoure. Avec cela en plus : où l’on se refuse de plus en plus à interroger le normativisme de modes de vies urbains, les hauts plateaux alpins et provençaux permettent de faire un pas de côté. En découle une vingt-et-unième programmation toute de métissages sonores, de la musique de chambre au jazz en passant par le tango et la transmission orale, d’un ciné-concert autour d’Hitchock en passant par une balade musicale pour raconter hier et demain, le Festival de Chaillol déroule une fois encore tout ce qui le fait tenir debout. Et rend compte dans le même geste de sa vision, sans œillères.

 

Jordan Saïsset (avec Sihem Kazi-Tani)

 

Festival de Chaillol : du 18/07 au 12/08 dans les Hautes-Alpes.
Rens. : 04 92 50 13 90 www.festivaldechaillol.com