Au creuset du gong

Festival Au creuset du gong à la Cité de la Musique

Vibre libre

 

Après avoir été tour à tour célébré comme carrefour des civilisations méditerranéennes puis Capitale européenne de la culture, Marseille s’ouvre à l’Asie avec un ensemble instrumental indonésien qui symbolise à lui seul tout un pan culturel : le gamelan.

 

Premier festival consacré au gamelan à Marseille, Au Creuset du Gong est l’occasion de faire partager « l’actualité artistique d’un ensemble marseillais embrassant musiques et danses de Bali et musique contemporaine : le Gamelan Bintang Tiga. » Dans cette communication officielle, les termes choisis sont loin d’être anodins car la dimension collective est l’un des ingrédients phares du gamelan. L’organisation même du festival est collective, rassemblant concerts, ateliers, table ronde, et exposition en partenariat avec la Cité de la Musique et la Bibliothèque de l’Alcazar.
Le gamelan se définit généralement comme un ensemble instrumental traditionnel originaire d’Indonésie (de Java et Bali en particulier). Il est composé de percussions, notamment des gongs en bronze posés sur un socle ou suspendus selon leur taille et leur forme. Des métallophones, xylophones, cymbales et tambours viennent compléter le tout. Des instruments à corde et à vent pouvant même se joindre à la ronde. Mais les nombreux musiciens qui en jouent sont aussi des composantes de cet ensemble, tout comme les danseurs masqués qui peuvent se produire devant.
On l’aura compris, le gamelan est un être hybride de chair, de métal et de bois qui se meut dans une véritable symbiose musicale. Une autre particularité, sur laquelle insiste Gaston Sylvestre, percussionniste émérite et directeur du Gamelan Bintang Tiga, est le fait que les musiciens n’ont pas besoin d’être professionnels pour intégrer cet ensemble. Un détail qui peut d’ailleurs motiver de nombreuses personnes « frustrées de ne pas avoir suivi des études musicales ou rebutées par la dureté du solfège. Entrer dans le gamelan par une porte aussi simple est peut-être, finalement, le meilleur moyen d’en saisir la structure. » Et comme l’ajoute ce directeur artistique à la verve généreuse, cela permet de « faire de la musique avec des personnes qui ne se prennent pas le chou ». Le résultat est saisissant. Une fois installé, le Gamelan Bintang Tiga, avec ses vingt-quatre musiciens (dont seulement trois sont professionnels), s’apparente à un jeu de domino labyrinthique. Et lorsque les sons émergent, le spectateur a le sentiment de faire peu à peu corps avec la musique. Face à la puissance qui s’en dégage, le terme de transe pourrait même venir à l’esprit de certains, dans le sens méditatif ou festif.
A la transmission musicale d’une culture traditionnelle lointaine s’ajoute ainsi un décloisonnement entre amateurs et initiés. Lors de ses séjours à Bali, qui ont commencé dans les années 80, Gaston Sylvestre a d’ailleurs souvent observé comment, en matière de tissage par exemple, des enfants pouvaient reproduire à la perfection des tâches minutieuses réalisées par des experts adultes. La pratique du gamelan y relève, aussi, d’un savoir ancestral qui finit par se transmettre de manière ordinaire et innée. Là encore, le collectif n’est jamais loin puisque « chacun dépend de l’autre dans cette micro-société musicale. » Le secret du gamelan réside dans la motivation, le travail de répétition intense, et le jeu en duo sur certains instruments qui excuse les éventuelles fausses notes d’un joueur. « Chacun a un rapport différent à la musique, mais tous savent qu’ils ont un rôle incontournable », précise Benoît Regnault, musicien et chargé de communication du Gamelan Bintang Tiga. A titre personnel, par exemple, le gamelan lui apporte « une perception physique des sons et un ressenti de l’ordre du massage intérieur. »
A travers cette pratique, des ponts sont ainsi construits géographiquement, techniquement et socialement. Musicalement aussi, l’ouverture est à l’œuvre. Le gamelan a d’abord été pratiqué lors de cérémonies religieuses et autres fêtes en Indonésie, avant de franchir continents et océans pour inspirer la musique classique du XIXe en Europe. Debussy avait lui-même été saisi lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1889. Tout en respectant et valorisant ce patrimoine traditionnel, le Gamelan Bintang Tiga ne souhaite pas rester enfermé dans un genre. C’est pour cela que Gaston Sylvestre a invité trois compositeurs européens à porter un regard sur le gamelan à travers des créations contemporaines, sans s’immiscer dans leur travail. De la musique électronique vient même s’y greffer avec Eryck Abecassis, qui a trouvé « des choses inouïes dans une musique qu’il ne connaissait pas », au point de devenir membre de l’ensemble.
La curiosité pouvant être aussi une qualité, il est indéniable que ce festival étonnera tout en détonant, allant peut-être jusqu’à révéler des vocations musicales…

Guillaume Arias

 

Festival Au creuset du gong : du 4 au 7/11 à la Cité de la Musique de Marseille (4 rue Bernard Dubois, 1er).

Exposition Arts profanes et rituels à Bali : jusqu’au 23/11.

Rens. : 04 91 39 28 28 / www.aucreusetdugong.fr

Le programme complet du festival Au creuset du Gong ici