Un Dyptique de Malte Schwind par l’association En devenir au Théâtre Antoine Vitez

Un Diptyque de Malte Schwind par l’association En devenir au Théâtre Antoine Vitez

Le toubillon de la vie

 

A ceux qui pensent que la jeune génération se ramollit sous le poids d’une crise sociétale trop pesante, l’association En devenir répond par un cri (ou deux) à travers Un Diptyque aux accents révolutionnaires. Présentée au Théâtre Antoine Vitez, la première création de Malte Schwind est une tentative de putsch artistique, réalisée avec un seul pétard.

 

Sur le rétroprojecteur, le metteur en scène trace des lettres qui s’affichent démesurément au mur du théâtre : « Je vous écris aujourd’hui, poussé par un besoin sentimental — un désir aigu et douloureux de vous parler. Comme on peut le déduire facilement, je n’ai rien à vous dire. » (Fernando Pessoa). Ainsi s’ouvre la première esquisse, Un Lamento : deux personnages partagent le plateau, englués dans la souffrance de vivre dans un monde condamné. Là où le théâtre contemporain se méfie des émotions et préfère les mettre à distance pour mieux les regarder (parfois de manière péremptoire et clinique), Malte Schwind revendique le gouffre du pathos et un goût prononcé pour sa vibration dans l’espace : « Je n’ai pas de message à livrer. Tout ce que j’ai, c’est des images, des émotions, des sensations, des textes qui secouent et des musiques qui m’ébranlent. » Les textes en questions sont empruntés à Rilke, Dostoïevski, Gombrowicz, la musique à Stravinsky ou Bach… Nous ne sommes jamais loin de l’opéra, les violons sont étirés, et le drap rouge sang se déploie sous de remarquables jeux de lumières et de contrastes. Les images s’exposent, tableaux tantôt tragiques, tantôt grotesques, à l’instar de cette séquence d’assassinat (avec brandissement de poignard en carton) tout en ombres portées, rappelant des scènes de Murnau — le metteur en scène est aussi allemand, d’où peut-être cet intérêt commun pour l’expressionnisme… Puis cette grande détresse laisse place au désordre euphorique qui installe l’esquisse deux : Une ôde. Jeunes filles en fleurs grossièrement accoutrées en soldats bêtas envahissent le plateau et nous embarquent dans un joyeux tohu-bohu. Ça tourne, tourne, les textes abondent et nous ramènent à la vie, plaisir de la chair et de l’amour, joyeusement portés par dix comédiennes impétueuses. « Il s’agit de passer de la mélancolie à la manie, de la lamentation à la révolution », explique Malte Schwind. Le tout se termine par un dernier cri amalgamé d’espoir et de désespérance, hurlé depuis un vieil escabeau tandis que le reste de l’équipe rallume les lumières de services. La rencontre des utopies et de la réalité crue. Ces deux esquisses paraissent aujourd’hui indissociables, fonctionnant comme le revers d’une même existence.

Diane Calis

 

Un Diptyque de Malte Schwind par l’association En devenir, a été présenté le 23/10 au Théâtre Antoine Vitez (Aix-en-Provence).

Rens. www.theatre-vitez.com