Didier Super - Ta vie sera plus moche que la mienne

L’Interview : Didier Super

L’Interview
Didier Super

 

Kit main libre, GPS allumé, Didier Super répond à nos questions au volant de sa voiture. Ce boute-en-train sillonne les routes depuis 2004, date à laquelle il s’est fait connaître du grand public. Invité par Karwan, il nous expliquera pourquoi Ta vie sera plus moche que la [sienne] à la Cité des arts de la rue. Un lieu et une affiche, celle du Festival Tendance Clown, qui collent parfaitement à ce clown des temps modernes qui fut artiste de rue à ses débuts. Que ce soit Olivier (son vrai prénom) ou son alter ego (surdimensionné) Didier, on ne sait pas lequel répond en premier. Dialogue sans filtre et sans préparation aucune.

 

Question facile, tout est toujours super dans la vie de Didier Super ?
Rien à part lui même évidemment, puisque c’est une vedette.

 

On trouve qui au pied du lit, Olivier ou Didier ?
C’est délicat d’en parler. Quand je me lève le matin, je ne suis pas dans la peau du personnage, du coup je vais être obligé de parler de l’autre mec et ça, ça ne m’intéresse pas du tout.

 

Tu reconnais donc que Didier, c’est ton personnage ?
Moi je le reconnais volontiers, mais Didier, lui, ne le reconnaîtra jamais. Il est très orgueilleux.

 

Tu es qui alors : une vedette, un buzz, un coup de pub, un clown ?
C’est Didier la vedette, moi je suis un intermittent du spectacle.

 

Tu fais plein de choses, du théâtre, de la comédie, de la musique… qu’est-ce qui t’amuse le plus ?
Répondre à des interviews en mentant et en disant des conneries. La musique sûrement pas, mais c’est ce qu’il y a de plus facile à faire. On le voit à la télé aujourd’hui, n’importe qui peut en faire et devenir chanteur professionnel.

 

A ce propos, tu gardes un bon souvenir de l’époque V2 ? [ndlr : il signe un contrat avec le label V2 Music en 2004, qu’il quittera en 2009].
Evidemment, il y a eu un peu de plaisir, personne ne t’oblige à faire des disques. La seule obligation de ce métier, c’est de profiter. Mais c’est pénible, c’est contraignant d’être obligé de prendre du plaisir tout le temps.

 

Même en faisant semblant parfois ?
Non, c’est interdit, déontologie professionnelle.

 

Te considères-tu comme quelqu’un de talentueux ?
Le talent, ça se mesure en comparaison avec les autres. Je connais des gens parfaitement inconnus qui ont autant de talent que moi. Mais par rapport aux gens connus, je pense en avoir un peu quand même.

 

Comment peux-tu savoir que ta vie est moins moche que la mienne ?
En fait, c’est un spectacle pour enfants. Il faut que les enfants ne s’attendent à rien de bon quant à leur avenir. Il faut réellement qu’ils s’attendent à avoir une vie de merde. Le pire est à venir.

 

Si on part du principe qu’un être supérieur nous regarde, que se dit-il ?
Je pense qu’il n’y a pas d’être supérieur et qu’il faut arrêter d’être déçu. Tout ce qu’on peut espérer pour vivre dans le calme, c’est d’éteindre sa télé, rien d’autre.

 

Justement, reçois-tu toujours des propositions pour la télévision ?
Tant que je n’ai rien à vendre, je n’ai plus de raison de passer à la télé et les gens n’ont plus de raison de m’inviter. On passe à la télé quand on a un livre à vendre, un dvd, un cd ou quand on a besoin de remplir une grosse salle parisienne. Indépendamment de ça, à part une chaîne locale, on n’a aucune raison de passer à la télé.

 

On dit qu’il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Si on te propose de faire des sketchs à la télé, tu dirais toujours non ?
C’est quand même mieux de pouvoir s’en passer. La télé de temps en temps, ce n’est pas complètement inintéressant pour prévenir les gens d’un spectacle à venir. Quand ça devient un matraquage, c’est uniquement pour compenser un manque de talent et de proposition. Quand on fait un battage médiatique autour d’un film, en général le film est décevant.

 

T’arrive-t-il d’être agacé par ce qu’on dit de Didier ?
En général, une critique qui agace, c’est une critique qui dit vrai et qu’on a du mal à accepter.

 

Didier Super sait-il accepter la critique ?
J’aime le métier, j’aime le boulot. Dans toutes les critiques, même une émise par un con, il y a quelque chose à exploiter.

 

Ton personnage n’est pas complètement égocentrique et imperméable aux critiques, alors ?
Mon personnage, si.

 

Tu as commencé comme artiste de rue, est-ce toujours ce qui te définit ?
Didier Super est à l’origine un personnage que j’avais écrit pour la rue et que j’espérais jouer dans la rue. Le fait est que la rue aujourd’hui a besoin de reconnaissance. Elle aimerait être aussi reconnue que le théâtre en salle. Ce que j’aime dans la rue, c’est l’idée de ne pas être un artiste crédible, mais une imposture. Les programmateurs ont du mal à cautionner un personnage aussi médiocre que Didier Super. Cette fierté d’avoir du talent sans être reconnu sur scène tend à disparaître. La tendance actuelle est à la « la grande culture », au théâtre contemporain. Mais en réalité, le public commence à se faire chier. Didier Super, lui, est en adéquation avec les nouvelles tendances.

 

C’est ça, le secret de ton succès, alors ?
Je ne sais pas pourquoi les gens viennent à mes spectacles, je suis le premier surpris. J’ai la chance de pouvoir tourner régulièrement sans devoir attendre l’aval des programmateurs.

 

Cette notoriété te plaît-elle ?
Ce n’est pas une question de plaire ou de ne pas plaire, c’est comme ça. Quand à la fin d’un spectacle, les gens veulent se prendre en photo avec moi, ça ne me dérange pas, mais ce n’est pas l’aspect du métier qui me plaît le plus. Mais si ça me permet de ne pas dépendre de l’argent du politique, alors j’y vais sans concession. J’ai une liberté qui n’existe plus dans le spectacle vivant public. Les arts de la rue dépendent de l’argent public.

 

Que détestes-tu le plus ? Ou qui ?
Pour bien faire ce métier, il ne faut émettre aucune émotion. Ecrire un texte comique avec de la colère, ça n’a jamais donné de grand texte.
Quand on déteste quelque chose ou quelqu’un, c’est qu’on a des rancœurs avec nous-mêmes non réglées. Dans les détestés, on peut dire qu’on a affaire à une époque dangereuse. On pense avoir affaire à un gouvernement incompétent alors qu’il est compétent, mais pas à notre service. Ces gens-là, « les politiques », je fais un grand travail sur moi-même pour ne pas les détester. On entend dire que c’est le cas de beaucoup de gens et pourtant, ils sont de nouveau élus.

 

L’étiquette d’artiste engagé, tu valides ?
C’est un positionnement commercial, un segment de marché. Quand tu vends un yaourt, tu te dois de mettre une étiquette « yaourt à la fraise ».

 

Avouer ce positionnement commercial, n’est-ce pas céder au système ?
Non, c’est une façon de ne pas se voiler la face vis-à-vis du système. C’est un positionnement qui permet aux artistes de vivre plus confortablement.

 

Sans tabou, on gagne bien en faisant le con ?
On gagne bien grâce à l’assurance chômage. J’ai des cachets de 200 euros en moyenne, je suis logé et nourri. Mes frais de transport et mes périodes de chômage sont prises en charge par l’assurance chômage, c’est à dire quand je répète, monte mes spectacles…

 

Ne te sens-tu pas prisonnier de cette image de boute-en-train ?
Dans ma vie de tous les jours, on m’appelait Didier avant, depuis j’ai fait en sorte que ce ne soit plus le cas. Didier, c’est mon personnage, mon outil de travail préféré.

 

A quoi penses-tu avant de monter sur scène ?
J’essaye de me rappeler du début. Conscience professionnelle.

 

Tu y penseras samedi prochain ?
Je ferai en sorte.

 

Propos recueillis par Aleksandra Lebrethon

 

Didier Super – Ta vie sera plus moche que la mienne : le 9/05 à la Cité des arts de la rue (225 Avenue des Aygalades, 15e), dans le cadre du Festival Tendance Clown.
Rens. : 04 96 15 76 30 / www.rue-cirque-paca.fr / www.dakiling.com

Pour en (sa)voir plus : didiersuper.com/site/