Je suis le peuple d’Anna Roussillon

Cycle « Visages de la révolution » au Cinéma Le Gyptis

Il était une fois des révolutions

 

Jusqu’à la fin du mois, le Gyptis met à l’honneur les « Visages de la révolution » à travers une série de documentaires et de fictions soulevant les enjeux et les processus révolutionnaires qui font résonner nos sociétés mondialisées.

 

Il y a une dizaine d’années, Jenifer, jolie brunette sortie tout droit de la fabrique à daube télévisuelle, chantait Ma révolution porte ton nom. C’est dire si dans nos contrées occidentales, le terme « révolution » a perdu toute sa verve subversive et ses promesses de changement pour devenir un colifichet de plus happé par la société du spectacle. Mais, tandis que dans notre cauchemar climatisé, le visage de Guevara ne sert plus qu’à vendre des t-shirts et des crèmes glacées, le Gyptis nous transporte dans un voyage à travers l’espace et le temps à la découverte de ces « Visages de la révolution » encore irrigués par l’exaltation des lendemains qui chantent. Pour sa programmation de février, le cinéma de la Belle de Mai profite de sorties récentes et de rééditions de répertoire pour dresser un panorama, forcément subjectif, des révolutions d’hier, d’aujourd’hui et peut-être de demain. A commencer par le Printemps arabe, avec le documentaire d’Anna Roussillon Je suis le peuple, portrait d’un paysan égyptien épris de politique qui s’enthousiasme et suit la chute de Moubarak, puis celle de Morsi à la télévision, entre l’ensemencement des champs, la naissance du petit dernier et les débats tendus avec les voisins. Une vision rurale, populaire et intime d’une révolution que l’on croyait seulement issue des classes moyennes urbaines et cultivées, telle cette jeunesse tunisienne bouillonnante que Leyla Bouzid met en scène dans A peine j’ouvre les yeux. Un vent de révolte que le réalisateur gréco-martégal Yannis Youlountas n’a de cesse d’agiter depuis vingt ans et qui inonde son dernier documentaire, Je lutte donc je suis, traversant l’Europe du Sud d’Est en Ouest et en musique pour mettre en lumière la multiplicité des formes de lutte en effervescence contre l’hégémonie capitaliste. Un peu plus au Sud, c’est la figure méconnue de Thomas Sankara que le documentariste Christophe Cupelin remet sur le devant de la scène. Révolutionnaire charismatique, chantre d’une politique post-marxiste, écologique et profondément démocratique, Sankara représenta dans les années 80 un réel espoir de voir émerger une démocratie progressiste au sein de l’ancien empire colonial. Mais le fondateur du Burkina Faso, resté célèbre pour son discours contre la dette (samplé par Massilia Sound System en 2003), sera assassiné lors d’un coup d’Etat en 1985 (coucou Mitterrand…), remettant en place la bonne vieille dictature à la papa. A noter aussi, les séances exceptionnelles consacrées aux Groupes Medvedkine de Besançon et Sochaux, précepteurs d’un cinéma militant et ouvrier. Ou quand, à défaut de prendre en main l’outil de production, les prolétaires se saisissent de l’outil de création. Enfin, il ne faudrait pas bouder son plaisir devant la fable loufoque de Benoît Forgeard, Gaz de France, imaginant le président Philippe Katerine noyé dans un magma de communication politicienne débilitante.
Au final, une programmation plutôt pertinente qui tente de dépasser le mythe révolutionnaire pour donner à penser son actualité concrète.

Daniel Ouannou

 

Cycle « Visages de la révolution » : jusqu’au 23/02 au Cinéma Le Gyptis (136 rue Loubon, 3e).
Rens : 04 95 04 96 25 / www.lafriche.org

Le programme complet du Cycle « Visages de la révolution » ici