Emmanuel Macron au micro de Paul Larrouturou (Quotidien) le soir du 23 avril

Courrier d’électeur

Monsieur Macron, comme plus de quatre électeurs sur cinq (1), nous ne vous avons pas donné nos voix au premier tour des présidentielles. Quatre électeurs sur cinq. Pourtant, dimanche soir, vous êtes allés fêter votre « victoire » à la Rotonde, entouré d’une centaine de personnes. Certes, ce n’était pas le Fouquet’s, mais une brasserie haut de gamme (où le café coûte 3,50 euros tout de même (2)). Certes, vous n’étiez pas entouré des grands patrons — qui vous soutiennent —, mais par vos « secrétaires, [vos] officiers de sécurité, les politiques, les écrivains, les femmes et les hommes qui depuis le début [vous] accompagnent ». Alors peut-être que vous n’avez « pas de leçon à recevoir du petit milieu parisien » que vous avez évoqué, au micro de Paul Larrouturou de l’émission Quotidien, en tentant de minimiser ce moment affreusement « sarkozyen » (« petit milieu parisien » qui, au passage, ressemble étrangement à nombre de vos convives). Mais peut-être avez-vous en revanche besoin de prendre le pouls de cette France que vous aspirez à présider. Vous n’avez pas gagné, et vous ne gagnerez rien à vous comporter comme cette classe politique qui a désespéré les Français au point d’amener une nouvelle fois le Front national aux portes du pouvoir. Ce FN que vous contribuez vous aussi à banaliser en vous comportant comme si la victoire vous était acquise. Un certain nombre de vos électeurs ont déjà fait le choix du vote « utile » au premier tour, et ceux qui vont les rejoindre au second feront assurément ce choix aussi. Faire contre mauvaise fortune bon cœur. Pas d’adhésion. Sans aller jusqu’à mentir, comme celui qui vous a mis le pied à l’étrier, en déclarant que votre ennemi, c’est la finance (de toute façon, personne ne vous croirait), pensez sérieusement à infléchir ce programme économiquement injuste que vous souhaitez appliquer. Par pitié, ne montrez pas que seule la victoire compte, pensez à ces 82 % de Français qui avaient, pour beaucoup, de bonnes raisons de ne pas voter pour vous. En particulier les 23 % qui se sentent tellement exclus du système qu’ils n’ont même pas pris la peine de se déplacer. N’oubliez pas que la devise française ne se résume pas au mot « liberté », d’autant plus que des citoyens contraints par leur condition (économique, sociale, physique…) ne sont pas libres. Votre victoire, si victoire il y a, risque fort de ressembler à celle du roi Pyrrhus. Et les pertes ne concerneraient pas votre « camp », mais le pays tout entier. La lassitude électorale qui atteint les nombreuses personnes allées voter pour Chirac en 2002 (et Estrosi en 2015) se transforme quinze ans plus tard en un ras-le-bol de moins en moins sourd. Qu’en sera-t-il dans cinq ans ?

CC

 

  • On a fait le calcul : 24 % de 77 % de votants = 18 %

  • On a fait le calcul : ça fait entre 30 et 35 pains au chocolat à la boulangerie magique de Jean-François Copé