Un Picard (autoportrait) d'Aurélien David

Aurélien David à la Galerie Deux

Les révélations d’Aurélien David

 

Il fait escale à Marseille depuis le mois de novembre. Son bateau est sa maison comme son studio. Rencontre avec un artiste-voyageur provisoirement installé au Vieux-Port.

 

Développer vos photos à base de matières naturelles, vous en avez toujours rêvé ? Aurélien David l’a fait, et continue de le faire sur son bateau de huit mètres carrés. Parfois même, il partage sa technique : « J’organise des virées au Frioul. Chacun vient avec son appareil photo, puis on travaille à développer certains clichés avec des matières naturelles telles que les algues, la chlorophylle, le vin et, Marseille oblige, le pastis. » Né dans le carrefour argentique-numérique, et après une école de photo à Paris, où il se sentait parfois plus informaticien que photographe au vu des heures passées devant un écran, Aurélien décide de rechercher une technique eco-friendly qui lui correspond davantage. « L’idée est de mettre un pigment photosensible sur du papier puis de le laisser évoluer, à la lumière ou non selon si l’on souhaite une transformation. L’alimentaire peut s’altérer avec le temps, changer de couleur. Le concept, c’est un retour à la matière mais aussi au faire soi-même, de retrouver cet aspect artisanal qu’on avait davantage avec l’argentique. » Le résultat ? Des « anthotypes » anthropologiques. Car Aurélien travaille majoritairement sur des portraits, qu’il a choisi d’exposer à la Galerie Deux. « Mes escales me servent à rencontrer des gens et à en tirer le portrait. Je les rencontre tantôt par hasard, tantôt parce qu’on me les recommande. J’essaie toujours de faire le lien avec le lieu d’habitation, d’où développer un portrait à base de pastis pour un Marseillais ! » Aussi, l’artiste tente d’y mettre une dose d’humour, notamment via son autoportrait intitulé Un Picard.

 

A bord de l’Heolian
Ce que raconte le travail d’Aurélien, c’est aussi son amour pour le voyage. Parti du Havre il y a quelques mois à bord de l’Heolian (« exposé au soleil » en breton), il a entamé un périple en Méditerranée. « J’ai appris à naviguer en Corse, en famille. Puis j’ai lu un livre, une véritable révélation pour moi et d’autres marins, La Longue Route de Bernard Moitessier, écrit à la fin des années 1960. » Là, Aurélien prend conscience qu’avec un bateau à voile, on peut voyager n’importe où à travers le monde. « Être où je veux quand je veux, voilà mon mode de vie et mon envie. » Voilà aussi la récompense d’une dizaine d’années de dur labeur pour acheter un bateau, pratiquer la navigation, affûter son œil de photographe. « Aujourd’hui, je savoure ! » Et on le croit si l’on en juge par ce samedi matin ensoleillé sur le bateau à bord duquel il nous offre un café. « Certes, le confort est sommaire, mais je vous assure que je ne dors nulle part aussi bien que sur mon bateau. » À travers ses portraits, Aurélien confie ne pas vouloir être exhaustif mais proposer un point de vue. Même s’il pratique d’autres formats de photos, le portrait continue de le questionner. En fait, l’identité de façon générale. « C’est mon côté anthropologue. » À la Galerie Deux, les quelques portraits sont apposés sur du bois et peuvent être, au choix, ouverts ou fermés, consommés ou pas. Au mois de mai, Aurélien David prévoit d’exposer à Sète et prépare un financement participatif, toujours dans l’idée d’enseigner, de montrer. « Pas facile de transmettre la photo, surtout quand on ne fait pas de concessions. Je ne fais par exemple pas de photos commerciales, pas de mariage ni de commandes studio. Quitte à galérer dans la photo, autant réaliser mon rêve. Je crois qu’il n’y a que comme ça qu’on devient un véritable photographe. Et un véritable artiste. » Il sera à Marseille jusqu’à la fin mars au moins. Ensuite, son bateau et lui iront chercher un nouvel emplacement. Peut-être Sète. Puis en Espagne, où Aurélien rêve de tirer des portraits à base de sang et de sangria. A l’en croire, les premiers essais en la matière sont concluants.

 

Charlotte Lazarewicz

 

Aurélien David : jusqu’au 18/03 à la Galerie Deux (2 rue de la bibliothèque, 1er).
Rens. : www.galerie-deux.tumblr.com

Pour en (sa)voir plus : aureliendavidphoto.com / www.myatlas.com/aureliendavid/heolian