Amor Fati par JR

Amor Fati par JR au MJ1 – Hangar J1

Vague à l’âme

 

Après avoir envahi les murs de la Belle de Mai avec ses collages géants en 2013, JR est de retour dans la cité phocéenne pour y témoigner son amour de la ville, dans le cadre de MP2018.

 

Amor Fati (« L’amour de la destinée » en VF), dernière création exclusive de l’artiste, effectue un parallèle entre l’exode à travers les mers, les nouvelles terres d’accueil et le voyage intérieur. Ne se prétendant pas, pour une fois, subversive (heureusement), cette installation participative théorise un point de vue bien plus métaphorique. Derrière ses murs suspendus de hangar portuaire, le MJ1 devient le symbole d’une nef flottant sur la Mare Nostrum et accueillant en son sein des milliers de visiteurs passés sous les flashs d’un photomaton. Leurs yeux, capturés instantanément et imprimés recto verso sur un bateau origami, sont le pivot d’une installation dont l’essence ne jaillit qu’à travers le public bienveillant, prêt à accourir, monnayant quelques Louis d’Or, pour participer à cet afflux de petits navires imprimés à leur effigie, pour la plupart amarrés (ou déjà échoués ?) sur les quais du bassin. La mise en scène repose ainsi sur la seule invitation au public à laisser naviguer son regard. En effet, le spectateur devient un réel maître d’œuvre, sans qui l’installation ne serait qu’un vaste bassin de 1 400 m2, surplombé de passerelles mal éclairées, seulement magnifié par l’imprenable vue offerte par l’édifice. Cette allégorie du voyage intérieur est un présent introspectif offert par JR, à l’origine de l’emballage cadeau. Adulé par son public toujours présent, l’artiste ne se semble effrayé ni par cet océan de vacuité, ni par l’idée de sélectionner ledit public par le pouvoir d’achat (l’entrée est à partir 7 euros).

Celui qui prétend « se nourrir de ses voyages et du regard des gens » ne se démonte pas face à l’idée de cacher le sien nuit et jour derrière des lunettes de soleil, et se joue une nouvelle fois des paradoxes, justifiant son « anonymat » par la recherche de protection face aux potentiels délits que ses choix artistiques impliquent. Avec cette exposition qualifiée de « non instragram friendly » et à la communication parfaitement orchestrée, on est donc ici bien loin du « vandalisme » libertaire des débuts du street art.

Note positive de l’expérience, le nouvel espace aménagé dans le sas de la structure, accessible à tous, agrémenté de stands primeurs et librairie, et par la possibilité de se rafraichir ou grignoter les mets raffinés des Halles de la Major dans des transats face au sublime panorama méditerranéen.

 

Amandine El Allaui

 

Amor Fati par JR : jusqu’au 13/05 au MJ1 – Hangar J1, 4982 quai de la Joliette (2e).

Rens. : www.mj1.fr

Pour en (sa)voir plus : www.jr-art.net/fr