Ahmed revient

Création : farce philosophique d'Alain Badiou (1h30). Mise en scène : Didier Galas.

Plusieurs salles : Collège Anselme Mathieu à AvignonComplexe sportif Jean Galia à Rochefort-du-GardCour de l'école MérindolPôle culturel Camille Claudel à SorguesSalle Jacques Buravand à BoulbonSalle polyvalente de SazeLa Boiserie à MazanSalle des fêtes La Pastourelle à Saint-Saturnin-lès-AvignonSalle Roger Orlando à Caumont-sur-DuranceCour du château de VacqueyrasBMW MINI-Foch Automobiles à AvignonSalle de spectacle Camille Claudel au CHU de MontfavetEspace culturel Folard à Morières-lès-Avignon

Né de la plume d'Alain Badiou pour dénoncer les tragédies du racisme, Ahmed, personnage de farce contemporaine, apparaît à nouveau au public. Sous son masque créé par Erhard Stiefel et dans le corps et la voix de Didier Galas, il retrouve ceux qui lui ont donné son humanité. C'était il y a plus d'une génération...  En digne héritier de Scapin, ce flamboyant valet des temps actuels envoie valser les canons du monde qu'il retrouve saturé d'informations et d'opinions. Lui non plus n'est plus tout à fait le même. Il doit apprendre à se recomposer dans l'espace, à jongler avec les idées  et la compréhension que les femmes et les hommes ont de leur époque. Rien n'échappe au fleuve agité de ses paroles et il semble s'amuser de tout, aussi à l'aise avec la transcendance qu'avec sa cousine Fatima. À cette proposition faite pour un théâtre itinérant, mobile, direct dans l'adresse et pauvre dans ses moyens, son metteur en scène répond : 
« Ahmed est séditieux, il dit les choses comme des vérités et s'amuse de leurs conséquences sur la pensée ».

Didier Galas 
Didier Galas s'intéresse très tôt au masque et à la révélation du corps au plateau. Une passion qui le transporte depuis plus de trente ans de l'Occident vers l'Orient. Prônant un théâtre dans la Cité, son approche trouve une expression poétique et politique grâce au personnage de Ahmed. Le public du Festival d'Avignon retrouvera la complicité qui l'avait lié à Alain Badiou dans le feuilleton théâtral La République de Platon.

Alain Badiou
Après des études de philosophie, Alain Badiou enseigne en lycée puis en université. À la fois militant politique et passionné de théâtre, il travaille avec Antoine Vitez avant d'écrire une série de pièces dont Ahmed le subtil (1984), Ahmed philosophe (1995)... Badiou est aussi romancier et polémiste, s'engageant sur le terrain.

Avignon
Du 6 au 23 juil. : lun, jeu, ven, dim 20h-21h30 - sam 20h-21h30 et 20h30-22h
14/20 €
www.festival-avignon.com
84 000 Avignon

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

Festival d’Avignon 2018

Avignon en tous genres

 

Pour la sixième année consécutive à la tête de l’incontournable festival créé par Jean Vilar à Avignon, l’auteur et metteur en scène Olivier Py place cette soixante-douzième édition sous le thème du genre et de la singularité.

  Les petits visages, tous à la peau bien claire, sur la peinture de couverture du programme signée Alice Tabouret, adressent un regard interrogateur, doublé d’une moue perplexe aux futur.es festivalier.e.s. C’est que le maître-mot de cette année, fil rouge de la programmation, est le genre, qui concerne non seulement la transidentité mais aide aussi à appréhender des questions philosophiques et sociétales. La parité sera presqu’atteinte avec 45,5 % de femmes artistes représentées, pour une édition presque raccord avec son époque. L’agora du jardin Ceccano accueillera de nouveau un rendez-vous devenu immanquable : le feuilleton du festival, imaginé cette fois par David Bobée. Mesdames, Messieurs et le Reste du Monde se veut un espace « où faire voir et entendre les invisibles », dans lequel le directeur du CDN de Rouen invite nombre de complices et consacrera un jour à l’injuste procès de Kirill Serebrennikov en Russie. Cette année, point de douteux focus Afrique ou Moyen-Orient, mais une présence arabe notable avec le très attendu Summerless d’Amir Reza Koohestani, après le succès de son Hearing il y a deux ans ; Mama d’Ahmed El Attar, dernier volet de sa trilogie sur la famille ; Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète de Gurshad Shaheman, qui met en scène dans un labyrinthe sonore la parole d’exilés pour cause d’identité de genre ou d’orientation sexuelle non tolérées dans leur pays ; May he rise and smell the fragrance du chorégraphe Ali Chahrour, également troisième opus d’une trilogie sur le deuil et les rites funéraires chiites, dans lequel il interroge la masculinité. Côté danse justement, d’autres belles échappées en perspectives avec notamment Kreatur de Sasha Waltz, qui travaille sur le confinement des corps, inspiré par une visite d’une prison de la Stasi à Berlin. Raimund Hoghe revient avec deux œuvres : 36, Avenue Mandel, un hommage à Maria Callas et Canzone per Ornella, dédié à la danseuse Ornella Balestra. Jan Martens et Mickaël Phelippeau investiront quant à eux le studio des Hivernales avec respectivement Ode to the Attempt et Ben&Luc ; dans Grito Pelao, Rocio Molina se met en scène aux côtés de sa mère dans une allégorie sur le désir d’enfant et la maternité. Parmi les spectacles hors-normes, citons d’ailleurs Saison sèche de Phia Ménard, qui entend bousculer les codes. Au rayon théâtre, il y aura bien entendu de quoi faire, avec d’abord deux classiques français très attendus : Iphigénie par la jeune metteuse en scène Chloé Dabert, qui face à un horizon implacable fera résonner les vers raciniens à l’aune des problématiques contemporaines sur la place des femmes et le rapport au patriarcat ; le scandaleux Tartuffe de Molière sera revisité de façon explosive par le Lithuanien Oskaras Koršunovas. Pour la pièce-fleuve de l’année, avec une durée de huit heures minimum, Julien Gosselin s’attèle au prolifique Don Delillo, en croisant trois de ses œuvres, Joueurs, Mao II et Les Noms. Nouveau défi de catharsis pour Milo Rau qui prendra pour matière source le meurtre d’un homosexuel à Liège par un groupe de jeunes hommes dans La Reprise. La Cour d’Honneur du Palais des Papes sera le théâtre de la terrifiante pièce de Sénèque Thyeste, mise en scène par Thomas Jolly, empruntant à l’opéra pour représenter la figure du monstre. Ahmed Revient en itinérance, incarné par Didier Galas et trente-quatre ans après sa naissance sous la plume d’Alain Badiou, pour continuer son indécrottable et plus que jamais nécessaire et urgente lutte contre le racisme. Retour également d’Ivo Von Hove avec Les Choses qui passent d’après le Hollandais Louis Couperus. Certaines n’avaient jamais vu la mer, mis en scène par Richard Brunel, retrace la désillusion de milliers de Japonaises exilées aux États-Unis pour devenir des épouses. Le collectif marseillais Ildi! Eldi donnera lui à entendre les voix de témoins d’Ovni(s). Didier Ruiz présentera Trans (Més Enllà), « création et dénonciation » mettant en scène des personnes assignés à leur naissance à un genre dans lequel ils.elles ne se reconnaissaient pas, et traite de la violence que le monde a pu leur renvoyer. Enfin, le directeur Olivier Py ne sera pas en reste, bien au contraire, puisque sa nouvelle création, Pur Présent, composée de trois pièces courtes d’Eschyle qu’il a traduites, sera visible en filigrane pratiquement tout le temps du festival.  

Barbara Chossis

 

Festival d’Avignon : du 6 au 24/07 à Avignon. Rens. : 04 90 14 14 14 / www.festival-avignon.com

Le programme complet du Festival d’Avignon ici