Le Cabaret des absents

Cabaret théâtral par la Cie L'Entreprise (1h45). Texte et mise en scène : François Cervantes. Dès 12 ans

Dans les années soixante-dix, le Théâtre du Gymnase est laissé à l’abandon. Il va être sauvé par Armand Hammer, un homme d’affaires américain amoureux des arts…

Fidèle du Théâtre du Gymnase, François Cervantes s’inspire du lieu qu’il connaît bien pour dépeindre son théâtre, fabriquer son utopie. Dans ce cabaret intemporel, fantasmé, les artistes, chanteurs et musiciens font leur numéro.

Catherine Germain rejoue son clown Arletti. Témoignent aussi le mécène, l’ouvreuse du théâtre, des habitants d’ici et d’ailleurs, navigateurs, migrants, comme autant de figures de l’exil et symboles de la richesse de la cité phocéenne.

Et le rideau du théâtre se ferme sur ce ballet majestueux que l’on emporte avec soi comme un souvenir précieux.

 

 

Texte, mise en scène François Cervantes
Création son et régie générale Xavier Brousse
Création lumière Christian Pinaud
Régie lumière Bertrand Mazoyer
Création costumes, masques et perruques Virginie Breger

avec Théo Chédeville, Pia Lagrange, Emmanuel Dariès, Catherine Germain, Sipan Mouradian, Sélim Zahrani

 

« Avec cette série de 18 représentations nous souhaitons entrer en contact avec un public le plus diversifié possible.
Jouer longtemps laisse la place au bouche à oreille :
quelqu’un nous parle avec passion, et il nous donne envie d’aller voir.

Pour beaucoup de gens, l’argent est un obstacle pour aller au théâtre.
D’ailleurs pour beaucoup, l’argent est aussi un obstacle pour manger, mais ce n’est pas une raison pour remettre à plus tard l’envie de découvrir des spectacles.

Nous allons confier à des personnes-relais – associations d’habitant·e·s, maisons de quartiers, structures sociales avec qui nous travaillons – le soin d’inviter des personnes qu’elles connaissent.

Pour ces invitations, nous allons proposer des « tickets suspendus »
La place est au tarif unique de 10 €,
Si vous donnez 20 euros, vous achetez votre place et vous en offrez une à un inconnu,
Si vous donnez 100 euros, vous invitez 9 personnes,
Et si vous donnez 1000 euros, vous invitez 99 personnes…

Pour ceux qui souhaiteraient participer à cette chaine de solidarité sans acheter de ticket suspendu, nous ouvrirons également une tirelire où chacun pourra mettre les quelques euros qu’il veut.

Au delà de ces échanges d’argent, il y a l’envie de prendre plus finement conscience de qui habite avec nous un quartier, une ville, un pays, de refaire tissu, de réinventer une communauté contemporaine qui habite la planète, avec des besoins matériels et des désirs poétiques. »

— François Cervantes

 

Friche La Belle de Mai, Grand Plateau
Du 15 janv. au 4 févr. : mar, mer, jeu, ven, sam 20h - dim 15h
10 €
www.lafriche.org/
41 rue Jobin
Friche de la Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 04

Article paru le jeudi 28 janvier 2021 dans Ventilo n° 447

Avant-scène | Le Cabaret des absents de François Cervantes par la compagnie l’Entreprise

Planches à destins

Entourés d’une trentaine de privilégiés, nous avons pu assister à la représentation en avant-première de la nouvelle création de François Cervantes : Le Cabaret des Absents. La pièce est une fable, qui prend sa source dans l’histoire vraie du sauvetage par un industriel américain, dans les années 70, d’un Théâtre du Gymnase en péril. De cette anecdote poétique naît une histoire, que les comédiens semblent découvrir et nous conter depuis la scène, se glissant tour à tour dans la peau des protagonistes qu’ils dessinent de tout leur être.

    Détailler les sentiments négatifs liés aux manques et aux frustrations devient redondant et de moins en moins aisé ; un souvenir qui s’éloigne, des émotions qui s’estompent malgré nous... À l’inverse, revivre le temps d’une soirée la vibration intérieure que procure l’expérience de la scène rend le manque criant et les restrictions, insoutenables. Nous ne sommes pas tout à fait remis. Et pour cause, comment se faire à l’idée qu’il nous faudra encore attendre trop longtemps avant de retrouver les planches et les scènes ? Bien plus que des mots, ce sont nos corps entiers qui parlent. La vision de ces comédiens, en chair et en os, de leurs expressions uniques, le bruit de leurs pas sur les planches, la lumière des spots réfléchis par leurs yeux, le son de leurs voix qui résonnent dans nos cages thoraciques… Tous ces détails qui font du théâtre une expérience inestimable de partage. Plus encore, le transport de leur jeu, les émotions qu’ils déploient en nous : rire, frissons, larmes… Au-delà de son sujet, la nature du spectacle crée en nous un gouffre de plaisir et d’envies qui ne fera que gonfler la mélancolie et l’incompréhension dès le lendemain. François Cervantes nous offre une mise en abîme. Fessiers ancrés au second rang du Gymnase, nous découvrons une fable inspirée de l’histoire de ce même théâtre. Il y a cinquante ans, Armand Hammer, riche industriel américain appelé par Gaston Deferre, alors maire de Marseille, pour la construction d’un site pétrolier à Fos, sauve in extremis le théâtre qui l’a vu naître, un soir d’orage, de parents russes en exil. Sans jamais être nommé, ce lieu est le centre d’une histoire, d’une ville, de relations qui se font et se défont. Cette histoire, les comédiens nous la content, nous offrent à l’imaginer, et la vivent dans le même temps. Nous découvrons un à un les protagonistes qui gravitent dans cette ville et ailleurs, près ou loin de ce noyau artistique. Et bientôt, les destins de ces personnages s’entremêlent, à l’extérieur et à l’intérieur du théâtre, sur sa scène et dans ses coulisses : un danseur à plumes, un orphelin talentueux, un couple de retraités invités par le directeur, une paire de clowns de ménage, un magicien, un adolescent timide, une ouvreuse qui voyage dans le temps… La fable nous fait traverser les mers, les années et les caractères, nous mène par le bout des rêves, nous illusionne sans s’en vanter. Au fil du conte — parsemé de tours de chants et autres clowneries —, les comédiens, par leur présence et leurs talents scéniques indéniables, font de nos esprits les dessinateurs d’un conte imagé. Créateur de sa propre lecture, le spectateur s’attache petit à petit à l’histoire et finit par l’intégrer. Cervantes dit être « convaincu que c’est la pensée d’un acteur qui met son corps en mouvement, que sa voix est le lieu secret de passage entre sa pensée et son corps, entre l’ordre du dedans et l’ordre du dehors, et que la qualité de présence d’un acteur traverse les cultures et construit une relation directe avec le spectateur. » Le Cabaret des absents semble à lui seul mettre en scène le lien intrinsèque existant selon lui entre le corps et le verbe. De ce lien découle une pluralité des arts, un enchevêtrement de danse et de chant, de poésie et de musique, de paroles et d’actions. Le masque, cher à son cœur, tient une place centrale, doublé de costumes et maquillages soignés et inventifs. Programmé en Off du festival d’Avignon cette année, le Cabaret des absents est à voir, à vivre. Son ancrage dans l’histoire glisse dans la contemporanéité, et nous laisse songeurs quant à la place du théâtre dans nos vies, dans nos rapports à l’autre et à l’art. Plus que jamais, nous prenons conscience du caractère indispensable de ce dernier, et de l’impact effroyable que sa disparition occasionnerait.  

Lucie Ponthieux Bertram

 

Le Cabaret des absents de François Cervantes, par la compagnie l’Entreprise, a été créé le 19 janvier au Théâtre du Gymnase.

Pour en (sa)voir plus : http://www.compagnie-entreprise.fr / https://www.lestheatres.net