À la vie, à la mort

Comédie dramatique de Robert Guédiguian (France - 1995 - 1h40), avec Ariane Ascaride, Gérard Meylan...

Ils s'aiment tous depuis longtemps. À l'Estaque, entre raffineries et mer, un cabaret leur sert de refuge. Bien que Vénus se drogue et se prostitue ; que Farid soit orphelin et à la rue ; que José, Patrick et Jaco soient chômeurs de longue durée ; que Marie-Sol, malgré toutes ses prières, n'arrive pas à avoir d'enfant ; que Papa Carlossa soit coincé dans un fauteuil roulant ; et que Joséfa se trouve trop vieille... ils essaient de continuer à s'aimer, généreux jusqu'au sacrifice.

 

Premier succès critique de son auteur, À la vie à la mort conte la dérive d’une petite tribu de marginaux qui face à la crise sociale, mise sur la solidarité. 

 

Cinéma Le Gyptis
Le mercredi 3 janvier 2024 à 19h
3,50/7 €
https://cinemalegyptis.org/
136 rue Loubon
13003 Marseille
04 95 04 96 25

Article paru le mercredi 22 novembre 2023 dans Ventilo n° 491

L’entretien | Robert Guédiguian

Alors que sort en salles le vingt-troisième film du cinéaste, Et la fête continue !, la vaste exposition proposée à la Friche La Belle de Mai, Avec le cœur conscient revient sur quarante années d’activisme artistique de la part d’un réalisateur majeur, humaniste et protéiforme. Ça valait bien un petit entretien.

    D’où est née l’idée de ce projet à la Friche ? Avant le Covid, on avait eu l’idée avec l’ancien Président du Mucem, Jean-François Chougnet, et William Benedetto, directeur du cinéma l’Alhambra, d’organiser une rétrospective, et pourquoi pas une exposition sur mon travail. Au départ, je pensais faire cette exposition avec les photographies africaines, où j’ai tourné : nous en avions prises beaucoup, qui d’ailleurs n’avaient pas forcément de liens avec les films. Or, en avançant dans notre travail, nous avons plutôt décidé de faire une exposition plus large, où se mélangeraient des matériaux, des souvenirs, des images, des objets, des montages thématiques… Au final, une exposition sur mes quarante années de cinéma.   Du coup, comment ont été sélectionnées les pièces de l’exposition ? Il y a bien sûr les choses très classiques, des scénarii manuscrits, les premiers storyboard — quand, il y a quarante ans, je ne savais pas ce qu’était exactement un film — et quelques accessoires aussi, qui ont servi sur différents films, des claps, une enseigne lumineuse, de petits tableaux... On a fini par retrouver chez les uns, chez les autres, des photos inédites, où on a tous quarante ans de moins, des caméras aussi. Et surtout, avec Isabelle Danel, la commissaire d’exposition, que je connais très bien, on a travaillé sur dix-sept projections, présentes dans l’exposition, qui sont toutes thématiques, sur les musiques des films, sur les lieux récurrents de tournages, comme les bistrots, tout cela dans des montages bien particuliers. Je pense aussi à la place du religieux dans mes films. Isabelle Danel avait déjà écrit un premier livre d’entretiens avec moi, Je n’ai jamais rien fait seul ! Et là, comme on parle de biographie autorisée, on peut dire que c’est une exposition autorisée. Elle a proposé ces thématiques, mais cela s’est fait tous deux, comme un accord, je l’ai accompagnée dans ce travail. Même si elle en a fait le plus gros, car j’étais en pleine préparation de film. Du coup, quand on voit ces extraits accolés, tirés de nombreux films, c’est presque comme une révélation, si j’ose dire, de ce qui parcourt l’œuvre.   Pour toi-même, cette mise en forme a également éclairé ton œuvre sous un autre jour ? Oui, c’était très étonnant de le redécouvrir de cette façon. J’ai en fait un sentiment de mission accomplie. Un travail qui a permis de rendre visible ce qui ne l’est pas forcément, le monde des défavorisés, comme une hantise chez moi. Il y a par ailleurs une nostalgie évidente, j’ai là quarante ans de ma vie sous les yeux. Et comme je travaille depuis toujours avec mes amis, c’est comme un album de famille. C’est une plongée assez vertigineuse. Ça nous a émus, déstabilisés, troublés. Comme je dis, avec humour : en général, on fait ça quand les gens sont morts, bon, là, on me fait une exposition de mon vivant, j’aime bien (rires).   Que représente pour toi un lieu comme la Friche ? Est-ce qu’il était naturel d’y produire cette exposition ? Oui, c’était vraiment bien que ce soit à la Friche. D’abord, c’est à la Belle de Mai, quartier extrêmement populaire et pauvre, qui se redressera un jour, je l’espère. Et c’est le quartier où j’allais au lycée : j’étais à Victor Hugo. Enfin, j’ai été Président de cette Friche, qui avait été créée par Philippe Foulquier. J’y ai donc souvent eu des locaux, j’y ai tourné beaucoup de scènes, c’est un lieu que j’ai, en quelque sorte, un peu fait mien.   Concernant la sortie de Et la fête continue !, le film creuse ce sillon d’une œuvre de quarante ans, comme une pierre rajoutée aux thématiques qui ont traversé tous les autres films. Dans les premiers retours de la presse, on dit que c’est du Guédiguian concentré. Ça continue en effet de travailler tout ce que j’ai toujours exploré, mais sous une autre forme, particulière. C’est un film très personnel, une sorte de journal intime déguisé. C’est l’ensemble de mes réflexions, aujourd’hui, sur l’Arménie, sur la politique en France, sur l’amour, sur le vieillissement, sur les enfants. Des thèmes sociaux et sociétaux. Je parle donc un peu de tout, mais en l’incarnant toujours, car le cinéma doit rester fluide et narratif. Je pense en l’occurrence à Ariane Ascaride, qui interprète Rosa, qui se pose là comme une juste devant l’humanité, un personnage exemplaire. Et c’est un film qui s’équilibre à travers la transmission entre deux générations.  

Propos recueillis par Emmanuel Vigne

   

À voir en salles : Et la fête continue ! de Robert Guédiguian, avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin…

Exposition Robert Guédiguian. Avec le cœur conscient : jusqu’au 14/01/2024 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).

Rens. : www.lafriche.org