Tenthish

Jazz avec Jeb Patton (piano), Fabien Marcoz (contrebasse) et Bernd Reiter (batterie)

Jeb Patton n’est pas tombé dans la marmite du jazz à proprement parler, mais il a eu la grande chance dans son itinéraire, au départ classique sur le plan musical, de croiser la route de grands musiciens de jazz. Il donne ici un album magnifique où l’on admire l’étendue de sa culture pianistique, un véritable hommage au piano jazz.

Jeb Patton est né à Kensington, aux États-Unis. Personnalité discrète du jazz, il a su se forger une solide réputation en proposant une brillante synthèse alliant aisance technique, toucher subtil et expression enracinée. Aujourd’hui, il est l’un des pianistes les plus appréciés de la scène new-yorkaise. Inspiré par le regretté Sir Roland Hanna, Jeb Patton est également passionné de musique classique ; chacune de ses apparitions fait éclater son talent, avec un jeu énergique, swinguant, et inventif.

“Son jeu complet, servi par un toucher précis, volontiers percussif, rappelle qu’il s’est aussi nourri de Bud Powell, Wynton Kelly, voire Ahmad Jamal, aussi bien que de musique classique. Partenaire recherché sur la scène newyorkaise, il a joué avec des musiciens très divers, notamment, des années durant, avec les Heath Brothers et le Jimmy Heath’s Generations Quintet. (…) un lyrisme très personnel et un sens du swing qui innerve chacune de ses interprétations.” — Jazz Magazine

Fabien Marcoz, originaire de Haute-Savoie, débute la contrebasse au département jazz à l’ENM de Villeurbanne ainsi que la contrebasse classique au conservatoire de Lyon. En 1996, il obtient le 1er prix de la défense avec le Collectif Mû. En 1998, il s’installe à Paris et enseigne la basse électrique ainsi que la contrebasse au conservatoire de Juvisy.

Bernd Reiter, né en Autriche, commence à jouer de la batterie à l’âge de 6 ans et étudie à l’Université pour la Musique et les Arts Dramatiques de Graz. Sa formation musicale avancée lui a permis de prendre part à des concerts classiques, expériences qu’il combine depuis toujours avec sa passion pour le jazz et ses collaborations avec Harold Mabern, Kirk Lightsey, Cirus Chestnut ou Steve Grossman, des musiciens de jazz de renommée internationale.

Chapelle du Méjan
Le jeudi 19 mai 2022 à 20h30
8/16/20 €
https://lemejan.com/jazz-in-arles/
Place Jean-Baptiste Massillon
13200 Arles
04 90 49 56 78‎

Article paru le mercredi 27 avril 2022 dans Ventilo n° 463

Jazz In Arles

Bleus de trouvailles

 

La cité rhodanienne renoue avec le festival printanier Jazz in Arles à plein régime, en programmant de l’« improvisade » pointue et du swing exigeant du 10 au 21 mai. Un îlot de liberté teinté de notes bleues, en ces temps où d’aucuns voudraient ripoliner notre Provence en brun…

    On sait les engagements du bon côté de la barricade des tenants d’un jazz libéré des carcans des grilles harmoniques et autres codes souvent teintés d’un certain dogmatisme. Ainsi du trio Jazz Expérience au sein duquel officient les utopistes du Kami Octet, ici réduit à sa plus simple expression : le guitariste Pascal Charrier, accompagné notamment par la redoutable Leïla Soldevilla à la contrebasse, est un empêcheur de tourner en jazz qui n’ignore pas grand-chose des luttes pour un autre monde. Idem des membres du collectif Pronto !, dont la plupart sont au fait de ces dernières, et sont nantis d’un sens musical sans pareil, partisans d’une émancipation des sens et des sons (ainsi du fin mélodiste qu’est le batteur Christophe Marguet, de la contrebassiste Hélène Labarrière, du pianiste marseillais Bruno Angelini…), et passeurs conscients des mobilisations pour un autre futur. On se languit de retrouver Jeanne Added qui, elle, avait participé au concert Protest Songs au Théâtre Antique il y a deux ans : ici aux côtés notamment du sémillant saxophoniste Vincent Lê-Quang et du pianiste Bruno Ruder dans le trio Yes Is A Pleasant Country, elle retournera à ses premières amours jazz à partir du répertoire de Duke Ellington et Billy Strayhorn, non sans le bousculer en s’inspirant de la poésie déconstruite et populaire d’E. E. Cummings. Question improvisade poétique, on pourra aussi se délecter du duo Federico Casagrande (guitare) - Nicolas Grande (contrebasse) au Musée de l’Arles Antique : deux virtuoses en conversation libre dans un espace de mémoire nous rappelant la fragilité des civilisations et leur nécessaire ouverture à l’autre. L’immense contrebassiste Claude Tchamitchian sera de la partie, avec cet exercice du solo qu’il se plaît à délivrer, libérant son instrument de sa relégation à sa fonction accompagnatrice et, par la même, lui conférant des propriétés révolutionnaires. N’empêche que cette édition 2022 de Jazz In Arles convie également des formations qui, loin d’ignorer les ressorts poétiques de l’improvisation, n’en sont pas moins nourries aux pulsations élémentaires du swing le plus débridé. La présence du trio emmené par le pianiste Jeb Patton, talentueux bopper, prouve que les organisateurs ont à cœur de continuer à défendre l’authenticité des notes bleues et du swing, dont l’origine dans la sinistre diaspora africaine aux Amériques n’est plus à prouver. Gageons que la présence du trompettiste rappeur Théo Croker aux côtés du doux-dingue Émile Parisien, pour son nouveau projet, Louise (non, pas Michel, faut pas pousser quand même), poussera le groupe dans les méandres d’un groove décomplexé, revendicatif et universel. Enfin, pour libérer les consciences de l’aliénation consumériste, rien de mieux qu’un bain de bop avec le quartet de la saxophoniste Géraldine Laurent, instrumentiste d’exception et maîtresse femme qui a su se faire plus qu’un nom dans un univers trop souvent machiste.  

Laurent Dussutour

 

Jazz In Arles, du 10 au 21/05 à Arles.

Rens. : https://lemejan.com

Le programme complet de Jazz in Arles ici