Make et Remake - Quel amour (du cinéma) !

Cycle de projections de films et de leurs remakes en partenariat avec le FID Marseille

Le principe ? Lors de chaque soirée sont projetés un film et son remake : du Nosferatu de Murnau à celui de Herzog, des Sept Samouraïs aux Sept Mercenaires... Une programmation mêlant les époques et les genres, entre patrimoine et œuvres récentes, perles rares et grands classiques, western, science-fiction, policier, fantastique… La preuve que le cinéma est aussi une affaire d’amour : quand certains films en fécondent d’autres, et se reproduisent pour traverser les générations, « Make & Remake » !

Aix et Marseille
Les 18 mai et 19 juil.
4/6/7 €
www.fidmarseille.org

Article paru le mercredi 16 mai 2018 dans Ventilo n° 410

Cycle « Make / Remake » au Mucem

Répétition générale

 

Le cycle « Make / Remake » présenté par le FIDMarseille et le Mucem nous propose de penser l’acte créatif cinématographique à travers l’adaptation d’œuvres existantes, soulevant ainsi la question même des sens du récit.

  Devenu un genre cinématographique à part entière, le remake épousa l’histoire du cinéma dès ses origines. C’est ainsi que l’on retrouve, dès les premiers pas de l’image animée, une copie américaine de L’Arroseur arrosé des frères Lumière : une spécificité outre-Atlantique qui se confirma chez D.W. Griffith ou Cecil B. D Mille. L’essence même du genre réside donc dans cette simple question : pourquoi retourner un film existant ? Et les réponses s’avèrent multiples. Nous passerons sur le pur intérêt marchand — proposer derechef une version d’un opus qui rencontra un vif succès —, et laisserons de côté les adaptations destinées à satisfaire les attentes d’un public autre (le cinéma américain a régulièrement proposé, pour le marché national, les versions formatées de comédies européennes, essentiellement hexagonales). Car tout l’intérêt du genre trouve sa réelle mesure dans le questionnement de l’acte créatif même : interroger l’après d’une œuvre, sa dimension post-fétichiste, sa réinterprétation en écho aux changements d’époques, sa possible perfectibilité, la réappropriation. Faire un remake, c’est penser l’original, tenter d’en élargir le hors-champ, utiliser la contrainte de l’exercice pour créer une nouvelle matière, indépendante. Lorsqu’Alfred Hitchcock tourne une seconde version de L’Homme qui en savait trop, l’on assiste à un artiste qui décide de remettre son ouvrage sur le métier, afin d’y insérer ses nouvelles obsessions et de déployer l’œuvre originale sous une autre lumière. Le FIDMarseille, dont on attend avec impatience la nouvelle édition en juillet, et le Mucem proposent un cycle cinématographique qui offrira un regard kaléidoscopique et passionnant sur cette question de la réinterprétation de l’œuvre filmique. À commencer par les deux versions de Nosferatu, celle de F.W. Murnau et celle de Werner Herzog. Nous assistons là à un fascinant triangle artistique (Stocker – Murnau – Herzog) dont les facettes se répondent et s’opposent parfois. Car si le réalisateur de Fitzcarraldo se révèle plus fidèle au roman, et dans une approche plus contemplative, moins anguleuse que Murnau, il est indéniable que se pose également l’héritage de l’expressionisme dans l’approche sémiologique de Werner Herzog. En revanche, dans l’excellent The Thing de John Carpenter, remake de La Chose d’un autre monde de Christian Nyby et Howard Hawks, la dimension sociale originale est abandonnée au profit d’un survival efficace qui fait plus écho au Alien de Ridley Scott qu’à l’opus de Hawks. Seul reste l’amour profond que Carpenter vouait aux films de genre des années cinquante. Autre proposition du cycle : l’effet miroir que produisent Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa et Les Sept Mercenaires de John Sturges. Ici, la transposition d’une même histoire à une autre période, dans un autre lieu, où les codes diffèrent radicalement, permet de mettre en résonnance l’angle universel du récit. Parmi les autres propositions de remake, nous retrouvons au programme Les Nuits de Dracula de Jess Franco versus Cuadecuc, Vampir de Perre Portabella, ou les deux versions de Bad Lieutenant, par Abel Ferrara et, derechef, Werner Herzog. Autant de propositions qui pourraient faire l’objet, chacune, de grandes leçons de cinéma, dont les ramifications analytiques se révèlent insondables.  

Emmanuel Vigne

 

Cycle « Make / Remake » : du 18/05 au 1/07 au Mucem (7 promenade Robert Laffont, 2e). Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org / fidmarseille.org

Le programme détaillé du cycle « Make / Remake » ici