Monique Deregibus - Hypothèse du regard, variations discontinues et greffes instables (3)
L’idée de cette exposition pour l’ouverture du Centre photographique Marseille, dans le cadre de la manifestation « La Photographie Marseille » à l’automne 2018 devrait permettre de revisiter le travail photographique du Nouveau Mexique montré en une arborescence temporelle. 10 années de prise de vues 1989/1999 au cours desquelles des variations minimales ont pu être enregistrées telle une partition de musique répétitive. Paysages désertiques en noir et blanc, répétition jusqu’à l’usure, 10 ans de déplacements décidés pour toujours faire (presque) la même image! «Noués pêle-mêle dans la pelote d’un nuancier de gris, plu- sieurs motifs s’y reconnaissaient : la songerie de l’origine - celle du monde autant que celle de sa photographie, la séduction sèche d’une Arcadie lunaire peuplée encore du souvenir de natifs disparus, le voeu d’édifier un monument, « calme bloc » dédié à l’Histoire d’avant l’Histoire. En bref, se présentait « l’invitation au voyage », typique de ces an- nées de pérégrination volontaire, métamorphosée, protégée aussitôt par l’argentique, en aplats de « rêve de pierre ». J’y suis retournée dans « ce territoire de l’enchantement* » au mois de mai dernier pour y vérifier certains points. Et c’est autour de ce retour qui m’a arraché quelques certitudes, que je propose cette exposition. Progressivement j’ai compris en quoi cette démarche répétitive m’était alors essentielle, telle une mélopée, quelques notes rejouées sans cesse afin de compo- ser la trame d’un récit opaque... Car j’ai fait de ce lieu du désert, dans le bassin de Galisteo près de Santa Fé, le lieu de ma fascination pour l’image, son origine photographique en quelque sorte en une forme d’au- toportrait de la photographie elle même. «Socle du monde.» Le revoici donc re-présenté aujourd’hui mais traversé d’images autres, d’images réalisées postérieurement au cours de mes voyages et de mes di érents pro- jets, et qui s’invitent ici pour bousculer l’ensemble des paysages américains. Bi ure, gifle, court-circuit. Ces photographies isolées,disparates, contrevenantes, ressorties des di érents corpus, viendront problémati- ser le calme apparent des paysages en un accrochage particulier qui ne laissera pas le regardeur tranquille et viendra heurter à un moment donné son désir de contemplation et de compréhension. Décollées d’une géographie lointaine, ayant chacune sa propre logique de retranscription, invitée à poser ici ou là les jalons d’une quête complexe de signes opaques, d’indices à bas bruit, d’interférences hasardeuses prélevées au gré des déplacements, ces images inviteront donc à la ponctuation d’ un monde contemporain haché, li- vré aux a res des guerres et des intempéries, des ca- tastrophes humaines et de la folie exponentielle des hommes.
Monique Deregibus, Août 2018.
*«Land of enchantment» est le sous-titre de l’état du Nouveau-Mexique,
* extrait du texte éditions Filigranes «Livraison» Hotel Europa, Jean Pierre Rehm, 2006,
Randa Maroufi - Stand-by Office
Un groupe de personnes dans un environnement de bureau. Des gestes quotidiens de travail sont observés dans tout le bâtiment. Rien ne semble être déplacé. La caméra circule continuellement et change progressivement notre perception de cet espace. On se pose la question: qu’est ce que signifie ce bureau pour ce groupe de personnes? *We Are Here est un groupe de réfugiés à Amsterdam qui ne reçoit aucun logement fourni par le gouvernement, mais ne peut pas non plus travailler. Le groupe a décidé de rendre visible la situation inhumaine qu’ils doivent vivre, en ne se cachant plus, mais en montrant la situation des réfugiés qui sont «en dehors de la loi» aux Pays-Bas.
Philippe Terrier Hermann - La possibilité d'un rêve, des hommes en trop, une île.
L’Europe déborde de toutes ces populations coupables d’être nées aux mauvais endroits. Clandestin n’est pas seulement un mot de la langue française, il est un mot qui est sur toutes les langues pour désigner cet être encombrant de partout et de nulle part lorsqu’il apparait sur nos écrans de télévision dans un corps épuisé et abimé par le voyage. Les personnages et leurs conversations suggèrent des hommes en surnombre, des populations en trop : dans des grottes, des bois ou des forêts, échoués sans vie sur une plage en Europe. A l’image d’un tribunal octroyant un droit au sol à des corps en apesanteur, cinq figures féminines récoltent en visio-conférence les témoignages de clandestins.
Mathilde Ayoub