Randa Maroufi + Philippe Terrier Hermann +  Monique Deregibus

Photos et vidéos.
 
 

Monique Deregibus - Hypothèse du regard, variations discontinues et greffes instables (3)
L’idée de cette exposition pour l’ouverture du Centre photographique Marseille, dans le cadre de la manifestation « La Photographie Marseille » à l’automne 2018 devrait permettre de revisiter le travail photographique du Nouveau Mexique montré en une arborescence temporelle. 10 années de prise de vues 1989/1999 au cours desquelles des variations minimales ont pu être enregistrées telle une partition de musique répétitive. Paysages désertiques en noir et blanc, répétition jusqu’à l’usure, 10 ans de déplacements décidés pour toujours faire (presque) la même image! «Noués pêle-mêle dans la pelote d’un nuancier de gris, plu- sieurs motifs s’y reconnaissaient : la songerie de l’origine - celle du monde autant que celle de sa photographie, la séduction sèche d’une Arcadie lunaire peuplée encore du souvenir de natifs disparus, le voeu d’édifier un monument, « calme bloc » dédié à l’Histoire d’avant l’Histoire. En bref, se présentait « l’invitation au voyage », typique de ces an- nées de pérégrination volontaire, métamorphosée, protégée aussitôt par l’argentique, en aplats de « rêve de pierre ». J’y suis retournée dans « ce territoire de l’enchantement* » au mois de mai dernier pour y vérifier certains points. Et c’est autour de ce retour qui m’a arraché quelques certitudes, que je propose cette exposition. Progressivement j’ai compris en quoi cette démarche répétitive m’était alors essentielle, telle une mélopée, quelques notes rejouées sans cesse afin de compo- ser la trame d’un récit opaque... Car j’ai fait de ce lieu du désert, dans le bassin de Galisteo près de Santa Fé, le lieu de ma fascination pour l’image, son origine photographique en quelque sorte en une forme d’au- toportrait de la photographie elle même. «Socle du monde.» Le revoici donc re-présenté aujourd’hui mais traversé d’images autres, d’images réalisées postérieurement au cours de mes voyages et de mes di érents pro- jets, et qui s’invitent ici pour bousculer l’ensemble des paysages américains. Bi ure, gifle, court-circuit. Ces photographies isolées,disparates, contrevenantes, ressorties des di érents corpus, viendront problémati- ser le calme apparent des paysages en un accrochage particulier qui ne laissera pas le regardeur tranquille et viendra heurter à un moment donné son désir de contemplation et de compréhension. Décollées d’une géographie lointaine, ayant chacune sa propre logique de retranscription, invitée à poser ici ou là les jalons d’une quête complexe de signes opaques, d’indices à bas bruit, d’interférences hasardeuses prélevées au gré des déplacements, ces images inviteront donc à la ponctuation d’ un monde contemporain haché, li- vré aux a res des guerres et des intempéries, des ca- tastrophes humaines et de la folie exponentielle des hommes.

Monique Deregibus, Août 2018.

*«Land of enchantment» est le sous-titre de l’état du Nouveau-Mexique,
* extrait du texte éditions Filigranes «Livraison» Hotel Europa, Jean Pierre Rehm, 2006,

 

Randa Maroufi - Stand-by Office
Un groupe de personnes dans un environnement de bureau. Des gestes quotidiens de travail sont observés dans tout le bâtiment. Rien ne semble être déplacé. La caméra circule continuellement et change progressivement notre perception de cet espace. On se pose la question: qu’est ce que signifie ce bureau pour ce groupe de personnes? *We Are Here est un groupe de réfugiés à Amsterdam qui ne reçoit aucun logement fourni par le gouvernement, mais ne peut pas non plus travailler. Le groupe a décidé de rendre visible la situation inhumaine qu’ils doivent vivre, en ne se cachant plus, mais en montrant la situation des réfugiés qui sont «en dehors de la loi» aux Pays-Bas.

Philippe Terrier Hermann - La possibilité d'un rêve, des hommes en trop, une île.
L’Europe déborde de toutes ces populations coupables d’être nées aux mauvais endroits. Clandestin n’est pas seulement un mot de la langue française, il est un mot qui est sur toutes les langues pour désigner cet être encombrant de partout et de nulle part lorsqu’il apparait sur nos écrans de télévision dans un corps épuisé et abimé par le voyage. Les personnages et leurs conversations suggèrent des hommes en surnombre, des populations en trop : dans des grottes, des bois ou des forêts, échoués sans vie sur une plage en Europe. A l’image d’un tribunal octroyant un droit au sol à des corps en apesanteur, cinq figures féminines récoltent en visio-conférence les témoignages de clandestins.


Centre Photographique Marseille
Mer-sam 14h-19h
Entrée libre
www.laphotographie-marseille.com
74 rue de la Joliette
13002 Marseille
04 91 90 46 76

Article paru le jeudi 15 novembre 2018 dans Ventilo n° 418

C’est arrivé près de chez vous | Le Centre Photographique Marseille

Objectif : ouverture

 

Le Centre Photographique Marseille prépare son inauguration dans le quartier de la Joliette le 23 novembre prochain. Focus sur ce lieu d’exposition, d’échanges et d’interactions photographiques.

  Il n’y a pas plus émouvant que de visiter un lieu d’exposition quelques jours avant son ouverture. On sent le futur de l’espace dans l’atmosphère : à la fois par le plâtre, tout juste poncé, par l’odeur de la peinture, la blancheur des murs, encore vierges de toute image. On projette, sur ces murs blancs, les centaines d’accrochages qu’ils verront défiler, des trous qu’il faudra reboucher entre chaque exposition. On perçoit aussi l’appréhension, l’émotion, l’excitation de ceux qui ont porté le projet, et qui voient naitre — enfin — ce qu’ils avaient imaginé, dessiné, préparé depuis des années, voire des dizaines d’années. C’est en inspecteur des travaux (presque) finis qu’Erick Gudimard, le directeur du Centre Photographique de Marseille, nous fait découvrir, en avant-première — et en fin de chantier — le premier espace dédié à la question photographique, sous toutes ses formes. La vitrine fait l’angle de la rue de la Joliette et de la rue Vincent Leblanc. On y entre par une immense façade vitrée, premier point de vue vers de l’intérieur. L’espace est grand, haut de plafond, un peu biscornu. Des volumes blancs découpent la salle et forment à la fois de très grandes amplitudes et de toutes petites pièces. Il faut remonter en 1996, à la création des Ateliers de l’Image, structure porteuse du projet, pour connaître l’origine du Centre Photographique Marseille. Depuis plus de vingt-deux ans, l’équipe organise des ateliers autour de la photographie et de l’image avec des jeunes, propose des formations des adultes, génère des résidences d’artistes en milieu scolaire. Les Ateliers de l’Image ont également eu un lieu dans le Panier, La Traverse. Sa fermeture a donné lieu au nouveau projet du Centre. Mais aussi depuis 2010 avec la Nuit de l’Instant, un parcours photographique dans une vingtaine de lieux du Panier (une galerie, mais aussi un garage, le cabinet d’un généraliste, un hôtel…). Dernier projet en date, la première édition de Polyptyque, salon dédié à la photographie pendant la rentrée de l’art contemporain. Des projets dans les quartiers, dans l’espace urbain, dans le champ de la société, éloignés de tout élitisme et propices à faire germer de nouvelles actions. Les objectifs photographiques du futur Centre : générer un espace d’exposition, mais aussi d’expérimentation, de recherche, de création, d’échange et de discussion autour de problématiques contemporaines liées aux usages photographiques. Analogique ou numérique, expérimentale ou documentaire, amateur ou professionnelle, la photographie devient ici le photographique. Un lieu où l’on va tenter de se demander si « On est tous photographes aujourd’hui ». Préoccupation si actuelle à l’heure des réseaux sociaux où l’on voit défiler des photos prises par tout un chacun. La vitesse de notre rapport à un monde débordant d’images invite à un temps de pause (de pose ?). Au Centre Photographique Marseille, on prendra le temps de s’arrêter devant les images, parfois fixes, parfois en mouvement, de les contempler, de chercher à les déchiffrer, les comprendre, d’en discuter. L’exposition inaugurale s’articule autour de trois artistes, de générations différentes et aux médiums variés. À commencer par une carte blanche à Monique Deregibus, artiste marseillaise à l’honneur dans le cadre du festival La Photographie Marseille cette année, dont on a pu voir le travail à la Ville Blanche et à l’Espace GT. Avec Hypothèse du regard, variation discontinues et greffes instables, la photographe dévoile des tirages qu’elle a saisis pendant dix ans dans des déserts du Nouveau-Mexique. En parallèle, c’est la caméra de la jeune réalisatrice marocaine Randa Maroufi (dont on avait vu la vidéo The Park à la Nuit de l’instant l’année dernière) qui déambule, en un long plan-séquence, dans les couloirs et les pièces d’un immeuble de bureaux. On y perçoit des gestes quotidiens et parfois inhabituels, surprenants. Autre installation vidéo : La Possibilité d’un rêve, des hommes en trop, une île, de Philippe Terrier-Hermann, témoignages de clandestins en visio-conférence avec cinq femmes ; une collaboration avec le sociologue Smaïn Laacher qui rappelle l’urgence de repenser des utopies possibles, des îles idéales. Lors du week-end inaugural, on retrouvera des projections de ces artistes au FRAC, grand partenaire du projet. À partir de 2019, les recoins de l’espace présenteront parfois des expositions personnelles, comme le travail de Jean-Louis Garnell (figure de la photographie française actuelle) ou des artistes plus jeunes comme Cédrick Eymenier dès février prochain, mais également des projets collectifs. L’espace sera divisé en plusieurs expositions simultanées, la programmation sera rythmée par des rencontres et des temps d’échanges. Des cycles de dix semaines d’exposition succèderont à d’autres, plus courts et dédiés à l’expérimentation et ouverts à l’idée d’accueillir des initiatives d’autres associations ou collectifs. Courant 2019, on pourra lire et regarder le millier de livres des Ateliers de l’Image dans le centre de documentation. L’espace est modulable, et voué à changer pour chacun des projets, en collaboration avec les artistes qui l’investissent. Dernière mise au point, réglages d’objectifs, de temps d’ouverture avant ouverture prévue le 23 novembre prochain.  

Mathilde Ayoub

 

Inauguration du Centre Photographique Marseille : le 23/11 au 74 rue de la Joliette, 2e.

Rens. : 04 91 90 46 76 / centrephotomarseille.fr